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Le Témiscamingue à vélo

21-08-2013

En scrutant une carte de la région, ce qui étonne d’emblée est le nombre de cours d’eau : on ne compte pas moins de 7500 lacs et rivières, et ce, pour une population de 17 600 âmes. Faites le calcul : chaque habitant du Témiscamingue a pour lui tout seul plus de deux lacs ou rivières où s’amuser. Pas étonnant que le nom Témiscamingue vienne d’un mot algonquin qui signifie « eaux profondes ». Les Anishinabes (Algonquins), peuple nomade, occupaient déjà le territoire il y a plus de 6000 ans.

Beaucoup plus tard, au XIXe siècle, la fondation de Ville-Marie coïncide avec une colonisation soutenue. Élue plus beau village du Québec en 2012  par le quotidien La Presse, la charmante bourgade, sise sur les rives du majestueux lac du nom de la région, mérite de partager son histoire. Ainsi, en 1879, le frère Joseph Moffet, fondateur du Témiscamingue agricole, y sème la première poignée de blé, la consacrant de cette manière plus ancienne localité de l’Abitibi-Témiscamingue. Ville-Marie devient paroisse en 1886, village en 1896 et ville en 1962. On peut y visiter la maison du frère Moffet, élevée au statut de monument historique. Édifiée en pièce sur pièce, cette habitation est un témoignage éloquent de l’art de bâtir des artisans d’autrefois. C’est ici que débute notre périple.

DE VILLE-MARIE À RÉMIGNY
Dès l’aube, requinqués par une bienfaisante nuit de sommeil et rassasiés par une pantagruélique omelette, gracieuseté de Chez Eugène, nous prenons le départ, direction Rémigny.

À peine sortie de Ville-Marie, France Lemire, notre guide, nous propose de passer au Verger des tourterelles. Les deux jeunes propriétaires nous font visiter leur domaine. Bénéficiant d’une zone climatique un peu plus chaude qu’en Abitibi et d’un microclimat dû au lac Témiscamingue, différentes variétés de pommiers rustiques poussent très bien. On cultive aussi du cassis, des groseilles, des baies de sureau, des prunes… Le tout est transformé en liqueurs alcoolisées, en gelées et en sirops.

La route 101, à circulation modérée et pourvue d’un large accotement, procure une mise en jambes tout indiquée. Plus loin surgissent les côtes à Perreault. Nous les gravissons par pur plaisir, puisqu’il faudra revenir sur nos pas afin d’emprunter la montée Gauthier. Nous faisons halte au sommet, à l’aire de repos, question de profiter du fabuleux point de vue.

Quelques tours de roue plus loin, le Témiscamingue amorce le dévoilement de ses charmes. Alors que sa voisine l’Abitibi abrite une forêt boréale, c’est une forêt mixte qui pousse ici. Des bouleaux jaunes, des érables, des ormes, des tilleuls, des chênes, des épinettes et j’en passe. Les arbres cèdent ensuite leur place à un magnifique panorama agricole. Un paysage qui s’ouvre, une route en ligne droite. Cadre de rêve pour cycliste de route.

Puis vient la route des barrages, cette voie cyclable en chaussée partagée de 27 km, nouvellement asphaltée. Nous franchissons un barrage et un déversoir. Il faut voir France Lemire, véritable fée Électricité, descendre de sa monture et nous expliquer en long et en large le fonctionnement du premier barrage, la production d’électricité du moment où l’eau heurte les pales de la turbine jusqu’à ce que la lumière se fasse dans nos chaumières ! Manifestement enthousiaste, elle mime les relais des électrons et des protons qui composent les atomes qui forment le fil de cuivre … Tu piges ? Pas sûr, mais j’ai depuis une pensée pour elle chaque fois que j’actionne l’interrupteur. Les ressources naturelles d’un lieu, ce sont aussi les gens qui y habitent (voir encadré).

La Route verte (axe 2) entre Guérin et Rémigny est remarquable. Nous roulons, peinards, dans une absence complète de circulation automobile, bonheur qui se poursuit jusqu’à Rémigny, à la limite de l’Abitibi et du Témiscamingue. Le village s’est développé vers 1935 autour des lacs Rémigny et des Quinze grâce à des gens des environs de Joliette en quête d’une vie meilleure. Il compte aujourd’hui 345 âmes. À ses débuts reconnu comme territoire non organisé, il a obtenu le statut de municipalité en 1978. On y dénombre 17 lacs poissonneux, de même qu’une frayère dans les rapides qui relient le lac Rémigny au lac des Quinze, au centre du village. Vous l’aurez deviné : ici, la pêche est un art de vivre. Nous sommes accueillis au Vieux Presbytère, où nous profitons d’une bonne nuit de sommeil.

DE RÉMIGNY À DUHAMEL OUEST
Aux premières lueurs du jour, Mathieu Lavigne, un fervent cycliste passionné de sa région, se joint à nous pour rouler les 100 km qui relient Rémigny à Duhamel-Ouest. « J’ai pris connaissance de votre itinéraire de trois jours et j’ai choisi de vous accompagner aujourd’hui tout simplement parce que c’est la plus belle portion. » Il n’a pas tort. Dès les premiers coups de pédale, nous découvrons une géographie agraire qui nous enchantera sur plusieurs kilomètres. Les terres sablonneuses se prêtent aux cultures maraîchères, tout particulièrement celle de la pomme de terre. Et des patates, ici, on en mange ! Bouillies, en purée, frites et même en gratin relevé de pousses d’épinette. Et c’est délicieux.

C’est la période des foins. D’innombrables balles parsèment le décor, enveloppées dans leur bâche blanche. Je dois avouer que je les préfère toute nues. J’en fais part à Mathieu :
— C’est une invention témiscabitibienne, me répond-il fièrement.
— C’est moins bucolique, emballé de blanc, que je lui objecte.
— Oui, mais ça a son utilité : les agriculteurs pressent en balles rondes le fourrage vert (luzerne, trèfle, mil, etc.) et le boudine dans le plastique afin de le conserver jusqu’à l’hiver pour nourrir les animaux. Une fois sous vide, le foin fermentera, les bactéries responsables de la moisissure mourront et le foin se conservera jusqu’à utilisation sans trop perdre de sa valeur nutritive. Ce procédé se nomme ensilage. Si tu te demandes pourquoi on utilise du plastique blanc, c’est qu’il accumule moins de chaleur et rend d’éventuelles déchirures plus visibles. Ces déchirures pourront ainsi être rapidement rapiécées, sinon elles risquent de faire pénétrer de l’oxygène, ce qui cause la pourriture du fourrage.

Tout s’explique. On aperçoit tout de même, çà et là, quelques ballots de foin qui n’ont pas été couverts. Nous saisissons l’occasion d’une pause pour nous y appuyer : la photo sera plus jolie…

Nous traversons les municipalités d’Angliers, de Saint-Eugène-de-Guigues, de Laverlochère et de Béarn. Entre chacune d’elles, les routes sont asphaltées et en très bonne condition en plus d’être peu fréquentées. Forêts mixtes et terres agricoles alternent.

Nous terminons notre deuxième journée au splendide domaine La Bannik. À un jet de pierre de là, on peut visiter le lieu historique national du Fort-Témiscamingue-Obadjiwan et sa forêt enchantée, ce boisé de thuyas aux formes intrigantes.

LA FIN DE LA ROUTE
Pour notre dernière journée en sol témiscabitibien, France propose de rouler jusqu’à ce que la route s’interrompe. Beau programme. Nous quittons Duhamel-Ouest en direction de Lorrainville, où Le fromage au village (voir encadré) a pignon sur rue. Hélène Lessard, sa charmante et loquace copropriétaire, nous sert ses trois délicieux fromages.

Nous reprenons la route après cet arrêt protéiné. Plus nous roulons, plus c’est calme. Le Témiscamingue, je l’ai dit, n’est pas un coin de pays peuplé, et dans cette partie encore moins. Nous longeons le lac des Quinze, qui se jette dans le lac Simard. À eux deux, ces plans d’eau forment le Petit réservoir des Quinze. Un peu plus à l’ouest, le barrage d’Angliers retient les eaux de ce réservoir dont le bassin de drainage atteint… 9000 km2. Tout est si vaste, ici !

Notre périple se termine à Laforce, par la force des choses. En effet, la route s’y termine, du moins la portion asphaltée. Un chemin de gravier mène à une agglomération algonquine du nom de Winneway, qui signifie « eaux vives », « eaux rapides ». On n’irait pas jusqu’à dire que Laforce est une ville fantôme, mais disons qu’elle est pour le moins… paisible. Nous apprenons à notre retour, à la lecture de Marco Fortier dans le défunt ruefrontenac.com, que l’industrie agroalimentaire y est agonisante. Il n’y a plus que deux fermes, dont une à vendre. Sont en friche plus de 90 % des terres, des terres fertiles où jamais aucun engrais chimique n’a été épandu. Comme il n’y a ni école, ni garderie, ni emploi, plusieurs jeunes familles quittent les lieux. Vivement une relance à Laforce : ses terres n’attendent que d’être cultivées.

Le Témiscamingue fascine l’imaginaire des Québécois depuis belle lurette par son vaste territoire et ses histoires de chasse, de pêche et de mines d’or, en même temps qu’elle est victime de plusieurs préjugés : trop éloignée des centres urbains, un hiver interminable, un été trop court et envahi de mouches grosses comme ça… Notre tournée a eu lieu à la mi-août par un temps splendide. Les mouches, du moins celles que j’ai approchées, ne sont pas plus grosses que n’importe où ailleurs au Québec. On véhicule aussi que sa population est des plus sympathiques. Je le confirme. J’ai également envie de décerner au Témiscamingue la palme de la propreté. Ne cherchez pas de détritus le long des routes, il n’y en a pas. Comme me disait une résidente : « Les gens, ici, sont fiers, et ils se ramassent ! » Un bel exemple à suivre.

REPÈRES

Côté terroir

Fromagerie Le fromage au village
45, rue Notre-Dame Ouest
Lorrainville
819 625-2255
On y produit du cheddar, dont Le Cru du Clocher, ce fromage de lait cru de vache à pâte ferme sans croûte vieilli de six mois à deux ans. On en fabrique aussi un autre aromatisé à la fleur d’ail.

Caviar de corégone
Le corégone est une espèce de poisson qu’on trouve dans le lac Témiscamingue. Son caviar, jaune, est très fin. On peut s’en procurer à la poissonnerie Témis, à Saint-Bruno-de-Guigues, et dans plusieurs supermarchés du coin.

Les chocolats Martine
5, rue Sainte-Anne Ouest
Ville-Marie
819 622-0146
chocolatsmartine.com
Entre autres douceurs, le chocolat à la fleur de sel vaut le détour. Également distribué dans plusieurs dépanneurs témiscamiens, côtoyant les Caramilk et autres friandises de fabrication industrielle.

Verger des tourterelles
Pour leurs bonnes liqueurs de cassis, de baie de sureau et autres ainsi que leurs gelées, sirops, coulis…
863, route 101 Nord
Duhamel-Ouest
819 622-0609
vergerdestourterelles.com

Hébergement et bouffe

Chez Eugène
8, rue Notre-Dame Nord
Ville-Marie
819 622-2233
chezeugene.com
Un incontournable à Ville-Marie. Belle maison centenaire de quatre coquettes chambres, grande salle à manger et, en été, belle terrasse où déguster une excellente cuisine régionale. Jeunes propriétaires sympas.

La Bannik
862, chemin du Vieux-Fort
Duhamel-Ouest
819 622-0922
bannik.ca
Cent sept emplacements de camping, quatre cabines et douze chalets. De chacun d’eux, la vue sur le lac Témiscamingue est admirable. En été, on prend le repas sur la grande terrasse

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