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Destinations

Mont-Mitchell

14-11-2012

Protubérance mythique, le mont Mitchell comporte une route qui relie son sommet au reste de la civilisation, ouverte sans restriction aux cyclistes durant la belle saison. Autant dire que ce défi est tout simplement irrésistible. Pourquoi? «Because it’s there!» suivant le mot fameux de l’alpiniste George Leigh Mallory, questionné sur ses motivations après avoir tenté de gravir l’Everest.

Pour ma part, cependant, le toit de l’Himalaya sera pour une autre fois. Je me contenterai de la petite bourgade de Marion, en Caroline du Nord, en guise de camp de base. Il s’agit en effet de l’un des bons endroits pour entamer cette ascension unique en son genre. L’office du tourisme, situé sur Tate Street West et surplombant l’autoroute 226/221, constitue le lieu idéal pour entreprendre la randonnée. Le stationnement et les toilettes sont disponibles toute la journée, même quand le personnel a terminé la journée de travail.

J’emprunte la bretelle d’accès de l’autoroute et enfile à gauche sur Old Highway 10 West, puis encore à gauche sur Old Greenlee Road, une portion qui donne le ton. Au menu, une descente en pleine nature de 2 kilomètres à l’asphalte de très grande qualité, sur lequel roulent de rarissimes autos conduites par des gens extrêmement respectueux des vélos. La facilité de ce début de parcours est toutefois l’antithèse au carré de la souffrance qui s’annonce au loin, alors que les Appalaches se profilent sur un ciel bleu azur.

Vers le kilomètre 5, je vire à droite sur Resistoflex Road pour rejoindre la route 80, ou Lake Tahoma Road, qui m’amène directement au pied de la chaîne de montagnes. La séance de grimpe commence doucement vers la 8e borne. Je monte sur du 4 ou 5% de dénivelé comportant de légères descentes.

Cette portion conduit aux magnifiques rives du lac Tahoma, dont l’embouchure est contrôlée par un barrage situé plus bas que la route. De splendides maisons jouxtent cette étendue d’eau à flanc de montagne. Je me mets à rêver de faire partie des gens riches et célèbres afin de pouvoir posséder une demeure dans un tel environnement.

Mes rêveries se terminent quand je quitte le lac, avec la montée qui reprend doucement sur du 3 à 4% alors que la route serpente en épousant les contours d’une rivière qui cascade en contrebas. Le parcours est tout sauf casse-pattes, et il est assez facile de trouver son rythme. Je croise quelques campings, des maisons ici et là, et même une église. Il n’y pas toutefois de magasin général où remplir les bidons. Au besoin, on s’adressera à un bon samaritain et on s’assurera d’avoir assez d’eau avant d’attaquer la Blue Ridge Parkway.

Plus je monte, plus l’horizon se dégage, la cime des montagnes réapparaît et, au 18e kilomètre, l’inclinaison augmente subitement d’un cran, avec du 5 à 7% au menu. Pas de chance, voilà qu’au sud, un soleil de plomb choisit d’augmenter son intensité au moment même où il me faut franchir les segments plus dégagés de la montée. Les meilleurs atteindront entre 12 et 15 km/h, et les nouveaux pères, comme votre serviteur, alanguis par leurs nuits écourtées et un manque de préparation, se contenteront de 8 à 12 km/h.

La route est maintenant en lacets et ressemble à celles des Alpes ou des Pyrénées, ce qui est rare de ce côté-ci de l’Atlantique. Je négocie un virage après l’autre, peinant contre la gravité, suant à grosses gouttes, piochant comme un forcené debout sur mes pédales.

À la 25e borne, la fameuse Blue Ridge Parkway apparaît enfin, enjambant la route  80 grâce à un viaduc de pierre très typique. Longue de 754 kilomètres, cette route panoramique à circulation réduite relie plusieurs sommets appalachiens entre eux, depuis le parc national de Shenandoah, en Virginie, jusqu’à celui des Great Smoky Mountains en Caroline du Nord.

L’endroit est un paradis pour cyclistes. J’y rencontre d’ailleurs un collègue états-unien faisant une pause avant de repartir lui aussi vers le mont Mitchell. Nous redémarrons ensemble sur une inclinaison modérée de 4 ou 5%. À gauche, la route offre une vue incroyable sur la végétation luxuriante du sud des Appalaches, transformant l’horizon en une série de sommets verdoyants s’étalant à perte de vue.

Sous cette latitude méridionale se trouve, suivant l’altitude, un mélange particulier d’espèces associées autant aux forêts boréales qu’à celles des tropiques. En cette deuxième moitié de mai, magnolias et rhododendrons fleurissent tandis que les chênes et les grandes fougères affichent leur vert du printemps. C’est un festival de couleurs et un régal pour les sens.

À droite du chemin, la chaîne des Black Mountains et le mont Mitchell se dressent majestueusement, me rappelant que le pire de l’effort reste à venir. Depuis la jonction de la route 80 avec la Blue Ridge Parkway, mon compagnon de route et moi montons, et montons, pendant 9 kilomètres presque sans arrêt sur du 5% environ. Plusieurs tunnels de quelques centaines de mètres se succèdent, de même que des miradors dominant des paysages tous plus incroyables les uns que les autres.

Au kilomètre 34, nous arrivons enfin à l’une des seules véritables descentes de cette première moitié de mon parcours: quatre bornes à ne pas toucher aux pédales. Je me laisse aller avec plaisir dans une descente pas trop technique.

Forts de ce tout de même trop bref repos, nous attaquons une nouvelle ascension de 4,5 kilomètres à 5 ou 6%. Celle-là, elle me rentre sérieusement dans les jambes tandis que mon compagnon en profite pour me distancer complètement.

Après 30 bornes d’ascension, tel un éclopé converti au cyclisme n’avançant plus que cahin-caha, je m’élance avec l’énergie du désespoir pour la dernière ligne droite, quittant la Blue Ridge Parkway pour me traîner sur la route 128 qui traverse le parc du mont Mitchell et mène au sommet. Avec la fatigue accumulée et le peu d’entraînement du début de printemps, l’ascension de ce tronçon de près de 4 kilomètres à 6 ou 7% n’est pas glorieuse. Chaque coup de pédale accumule de l’acide lactique dans mes mollets. Le mental ordonne aux jambes de mouliner, mais celles-ci clament leur douleur, comme pour me rappeler que je suis sur le point d’atteindre mes limites. Pour couronner le tout, je n’ai presque plus d’eau dans mes bidons.

Heureusement, au 47e kilomètre, j’arrive à une petite maison de rangers où il est possible d’utiliser les toilettes et de boire jusqu’à plus soif. J’y croise d’ailleurs un cycliste québécois venu se mesurer lui aussi à ce relief éprouvant mais enchanteur.

Autre bonne nouvelle : il ne reste plus que 4 kilomètres avant le sommet. Je pédale sur un tronçon facile qui serpente sur une longue crête. La perspective est encore plus époustouflante, et l’inclinaison à 2 ou 3% permet de souffler un peu. Finalement, après plus de trois heures et 51 kilomètres, dont 38 en ascension, le sommet s’offre à moi.
Complètement claqué, je ne suis toutefois qu’à mi-parcours. Heureusement, le retour est une véritable sinécure par rapport à ce que je viens de vivre. En gros, revenir consiste en une longue descente jusqu’à Marion entrecoupée de deux remontées de 4 et 2 kilomètres.

La descente la plus facile s’opère du mont Mitchell jusqu’à la Blue Ridge Parkway. C’est assez droit, et je file à 40, 50, voire 60 ou 70 km/h. La Blue Ridge Parkway est un peu plus technique, et plus inclinée par endroits, sans compter la pénombre des tunnels, qui requiert un minimum de prudence. Le tout reste assez facile.

Les sinuosités de la route 80 constituent le point fort du retour. La route se prend bien malgré la difficulté. Tel un motocycliste au guidon d’une puissante cylindrée, je sors le genou à l’extérieur pour mieux adhérer aux virages en épingle à cheveux tout en inclinant mon vélo au maximum.

Pour terminer la journée, il ne me reste plus qu’à glisser jusqu’à Marion, où je devrai quand même grimper deux bornes pour rejoindre l’office du tourisme, histoire de me rappeler une dernière fois à quel point j’ai forcé au cours de la journée.

The Assault on Mount Mitchell
Souffrance extrême garantie

Chaque année depuis 1975, à la fin de mai, des cyclistes endurcis se lancent à l’assaut du mont Mitchell lors de la course du même nom. L’événement est organisé par le club cycliste Freewheelers de Spartanburg, bourgade située en Caroline du Sud tout près de la frontière avec la Caroline du Nord. Environ un millier de durs à cuire s’y donnent rendez-vous pour cette course de 164 kilomètres qui se termine par la longue ascension du mont Mitchell.

Il s’agit certainement de la cyclosportive la plus difficile en Amérique du Nord. Rien n’est reposant dans cette course, surtout pas l’arrière-pays carolinien que doivent parcourir les coureurs entre Spartanburg et Marion. On s’y frotte à une série de montées et de descentes mesurant entre 1 et 2 kilomètres, et de plus en plus rudes au fur et à mesure qu’on approche des Appalaches.

Après 117 bornes de ce régime, on croise Marion, puis s’amorce la montée vers la Blue Ridge Parkway. Pour une partie des coureurs, toutefois, le trajet s’arrête là. En effet, la participation à l’assaut du mont Mitchell nécessite la réussite préalable de l’assaut de Marion. Si c’est le cas, vous pouvez tenter votre chance l’année suivante en continuant cette fois vers le mont Mitchell. Ce prérequis a été instauré en 1992 pour augmenter la proportion de cyclistes qui finissent l’épreuve. Les meilleurs mettent presque six heures tandis que les plus lents terminent généralement en moins de douze heures. Un rendez-vous pour les amateurs de souffrance.
freewheelers.info/assaults

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