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Reportage

Souffrir pour mieux avancer

23-03-2017

Aujourd’hui, ce type de test est plus facilement accessible au cycliste amateur à la recherche de pistes de solutions pour améliorer ses performances. Seul préalable : être prêt à passer un mauvais quart d’heure !

Pousse, pousse, pousse ! » me crient mes évaluateurs en guise d’encouragement. Je vais en avoir bien besoin ; alors que j’entame le palier d’effort de 310 W, ma fatigue est à son paroxysme, comme la douleur sourde et feutrée qui alourdit mes jambes. Devant moi, les chiffres qui défilent à l’écran me confirment ce que je sais déjà : je n’en ai plus pour très longtemps à asphyxier sur place. Dans le jargon technique des physiologistes de l’exercice, on dit que je suis sur le point d’atteindre mon VO2 max, ou consommation maximale d’oxygène.

Cette scène se déroule dans le décor austère – et peu accessible – d’un laboratoire de recherche d’une université québécoise. Pourtant, à quelques nuances près, elle pourrait très bien avoir lieu chez Peak Centre de haute performance de Montréal, une des rares adresses au Québec à offrir des tests d’évaluation de la condition physique en laboratoire au grand public, qui représente environ 80 % de sa clientèle.

Rat de laboratoire

Au centre Peak, on branche les sujets à un analyseur métabolique, appareil qui mesure avec exactitude les gaz inspirés (O2) et expirés (CO2). Puis on leur pique le bout du doigt afin d’analyser la quantité de lactate circulant dans le sang, ce « témoin » de la capacité de l’organisme à fournir un effort en l’absence d’oxygène (ou anaérobie). Surtout, on leur impose une charge de travail constante et progressive – respectivement une augmentation de 30 W et 20 W par trois minutes pour les hommes et les femmes. Coût total : 200 $, interprétation incluse.

« Ce qui nous différencie des universités, c’est que nous interprétons les résultats. Nos tests servent à faire progresser les athlètes, pas à alimenter des études scientifiques », indique Pierre Hutsebaut, propriétaire du centre Peak depuis son ouverture en 2006 et entraîneur personnel au CV bien garni. « Nous prenons en quelque sorte une “photo” des capacités physique d’un individu à un moment donné afin d’ensuite l’aider à s’améliorer », explique celui qui coache plusieurs coureurs québécois, dont les professionnels Antoine Duchesne et Hugo Houle.

Au terme d’une série de tests chez Peak Centre de haute performance, le cycliste repart donc à la maison avec une véritable carte de sa condition physique ainsi qu’une idée de ses forces et faiblesses. S’il le veut, il peut recourir aux services de l’entreprise pour la confection d’un programme d’entraînement sur mesure.

De la poudre aux yeux ?

Bien qu’impressionnant, être branché à des tubes, faire perler une gouttelette au bout d’un doigt et aller jusqu’au bout de ses forces n’est pas nécessaire pour connaître son niveau de condition physique, estime Yannick Bédard, entraîneur, kinésiologue et propriétaire de Cible Performance, une entreprise trifluvienne spécialisée dans la planification d’entraînement en sports d’endurance. « Comme préparateur physique, je ne vois pas l’utilité de savoir quelle est la valeur exacte du VO2 max de mon athlète. J’obtiens bien plus d’information d’un simple test de puissance aérobie maximale (PAM) », estime celui dont la clientèle est majoritairement constituée de cyclistes.

Cette évaluation s’effectue couramment à l’intérieur sur un support d’entraînement affichant la puissance développée, comme un CompuTrainer. Le protocole est identique à celui réalisé en laboratoire : le cycliste pédale contre une résistance constante et progressive jusqu’à ce que « mort » (lire : fatigue) s’ensuive. Seule différence : aucun engin sophistiqué n’est impliqué, ce qui en réduit considérablement le coût (de 50 $ à 100 $) tout en le rendant moins intimidant. Autre avantage indéniable : il est offert par la vaste majorité des centres et salles pour cyclistes au Québec. On peut même se l’administrer soi-même dans le confort de son salon – à condition bien sûr de savoir l’interpréter.

En effet, une fois l’évaluation complétée, un monde de possibilités s’ouvre à celui qui sait    les saisir. « Ça me permet de situer l’athlète et d’ensuite déterminer des priorités à travailler. Plus important encore, je peux me servir des résultats pour prescrire des entraînements à des intensités cibles », souligne Yannick Bédard. Seul bémol : un capteur de puissance fixé sur le vélo est nécessaire.

Pour ne pas perdre son temps

Peu importe la formule privilégiée, nos deux experts s’entendent pour dire que les tests d’évaluation de la condition physique sont des incontournables pour qui souhaite améliorer ses performances. « Ils servent à savoir si on perd son temps à l’entraînement, estime Pierre Hutsebaut. C’est bien beau de compter ses kilomètres, mais on le faisait déjà en 1940 ! Il y a d’autres outils que l’odomètre, il faut les utiliser ! »

Son de cloche identique du côté de Yannick Bédard, pour qui un test est le point de départ de toute démarche d’entraînement un tant soit peu sérieuse. « Même si les gens ne se rendent pas au bout de l’épreuve, ce n’est pas grave, tient-il à souligner au passage. Dans tous les cas, l’arrêt prématuré m’en dit beaucoup sur l’athlète et sur ses besoins. »

Lexique

VO2 max

Quantité maximale d’oxygène qui peut être brûlé en une minute par l’organisme. C’est le reflet du potentiel aérobie d’un athlète, ou de la grosseur de son « moteur ». La plus haute valeur de VO2 max répertoriée est de 97,5 ml/min/kg et appartiendrait à un cycliste norvégien, Oskar Svendsen, âgé de 18 ans au moment de la mesure en 2012. Cependant, la valeur n’a jamais été publiée dans une revue scientifique, ce qui soulève un doute sur la validité des résultats.

PAM

Puissance développée lors de l’atteinte de la consommation maximale d’oxygène (VO2 max). Cette valeur exprimée en watts représente le « 100 % » d’un athlète et peut être maintenue pendant environ cinq minutes. À l’entre-saison 2015, la PAM
du triple vainqueur du Tour de France Christopher Froome a été mesurée à 525 W.

Lactate

Ce résultat de la dégradation de l’acide lactique est constamment relâché dans le sang, même au repos. Au cours d’exercices brefs et intenses, l’organisme en produit davantage qu’il est capable d’en éliminer, ce qui mène à une hausse générale de son niveau. Contrairement à la croyance populaire, la présence de lactate n’est pas responsable de la fatigue musculaire.

 

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