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Reportage

Les mauvaises raisons de ne pas voyager à vélo

30-07-2013

«Il faut être fous ou aimer souffrir pis se donner d’la misère pour voyager comme ça à vélo, chargés comme des ânes! Pis c’est dangereux, en plus! Il ne vous est jamais passé par la tête de louer une voiture, un camper ou de vous déplacer en bus, en train?»

Nous l’avons entendue souvent, celle-là, que ce soit au cours d’une rencontre sur la route où pourtant tout se passait bien, en discutant avec des douaniers ou, tout près d’ici, pendant une réunion de famille ou une soirée entre amis! Craintes et inquiétudes justifiées, légitimes?

Vivant sur la route et à vélo depuis deux bonnes décennies, nous sommes plutôt convaincus que ces craintes sont sans fondement.

Pas étonnant que chaque fois que nous avons entendu cette exclamation empreinte d’indignation, elle sortait de la bouche de non-initiés au cyclotourisme. Il n’y a pas que les profanes qui entretiennent de fausses idées à l’égard de ce type de voyage: même des cyclistes n’osent pas encore voyager à vélo en raison de maldonnes, chimères et autres épouvantes infondées… faisant du coup fausse route et passant à côté d’expériences et de rencontres qui ont le pouvoir de changer la vie. Si vous vous reconnaissez, lisez ce qui suit et laissez-nous vous faire la démonstration que toutes ces raisons sont mauvaises pour ne pas pédaler son voyage.


Chus pas assez en forme
Certains sont surpris quand nous mentionnons que nous ne nous entraînons pas avant de nous lancer sur la route. Nous nous assurons cependant que nos bécanes sont bien ajustées: position de la selle, du guidon, de la potence, et nous prenons ça plutôt mollo les dix premières journées. Nous débutons par des randonnées de 40 à 50 km intercalées de journées de repos, puis augmentons progressivement les distances quotidiennes, jusqu’à rouler plus de six heures par jour et parcourir 100 km et davantage. Nous redevenons chaque fois ainsi un couple d’homo velocipedus!

Cette façon de faire est adéquate si le périple projeté dure un ou plusieurs mois, voire des années, mais si vous souhaitez entreprendre un voyage moins long, nous convenons qu’il vaut mieux que vous ayez quelques kilomètres dans les pattes avant de partir: vous en profiterez mieux. Tout cela est fonction de vos ambitions, bien sûr, du temps disponible et de la région que vous désirez explorer. Rappelez-vous qu’il est toujours possible de tout embarquer sur un véhicule motorisé en vue d’escamoter des tronçons, et n’oubliez pas la grande souplesse de la petite reine, à la fois moyen de transport qui emmène en balade et pièce de bagage ou article de sport qu’on trimbale.


Je n’ai pas de vélo de cyclotourisme et je n’ai pas les moyens d’acheter un deuxième vélo

Pas de problème! Initiez-vous au cyclotourisme avec un autre type de vélo: de montagne à simple suspension ou rigide, hybride, urbain, de route. Après avoir goûté aux plaisirs de pédaler votre voyage, vous en redemanderez. Selon le type de destinations et de projets que vous ferez par la suite, il sera alors justifié de commencer à mettre des sous de côté dans l’intention de vous procurer la monture la plus appropriée. La gamme est étendue: cela va du vélo de cyclotourisme à celui de montagne rigide aux roues de 26 po, pour la tranquillité d’esprit et les expéditions tout terrain. D’ailleurs, si vous possédez déjà ce type de bécane à simple suspension, il suffira de vous acheter une fourche rigide et de remplacer la suspension avant qui, dans la majorité des cas, est inutile, demande des soins particuliers et supporte mal les bagages. À votre retour, rien ne vous empêche de remettre l’originale!


Il faut transporter beaucoup trop de poids
Qui a dit ça? De nos jours, il est tout à fait possible de voyager à vélo sans porter votre barda. Faites affaire avec une agence spécialisée qui se chargera des bagages tout comme de bien d’autres aspects du voyage, ou encore planifiez un circuit qui relie à intervalles réguliers des lieux de repos offrant les services de restauration et d’hébergement souhaités. Dans ces deux cas, un sac fixé au porte-bagages ou un petit sac à dos suffiront: vêtements de rechange, protection contre les intempéries, quelques outils, vos friandises préférées et… votre portefeuille!

Pour ceux qui préfèrent davantage d’autonomie ou de latitude, il y a plus d’une façon de tirer profit d’une trouvaille particulièrement ingénieuse – la roue – et de charger tout l’attirail nécessaire sur son vélo afin de parcourir de grandes distances et même des déserts! Selon le niveau de confort désiré, déterminez une certaine quantité de bagages que vous enfouirez dans des sacoches accrochées soit à un porte-bagages arrière seulement, soit sur quelques-uns (avant régulier, avant low rider et arrière), avec en option des sacs de guidon et de selle. Différents types de remorques pourraient s’avérer pratiques selon le type de terrain où vous évoluerez. Dans tous les cas, il est important de bien équilibrer les charges avant/arrière et gauche/droite. Phénomène physique appréciable à la conduite, on sent le poids de la charge utile par paliers de 3 ou 4 kg. Quand on vous dit qu’on n’est pas à un kilo près! Et, véritable exploit cinétique, on dit que la bicyclette peut transporter jusqu’à dix fois son poids… incluant le pilote, bien sûr! Avez-vous déjà chevauché un vélo bien chargé? S’en dégage une sensation de liberté qui euphorise. Attention, car elle favoriserait l’accoutumance…


Je ne m’y connais pas assez en mécanique
Quoique des connaissances en mécanique soient toujours utiles sur la route, elles ne constituent pas un préalable au voyage sur deux roues. Bien sûr, lubrifier régulièrement votre chaîne vous évitera des pépins et savoir réparer une crevaison vous fera gagner du temps. Ce sont des opérations élémentaires, mais il est aussi possible de vous en remettre entièrement aux services disponibles sur place… et de compter sur le soutien des autres usagers de la route pour vous rendre à l’atelier de mécanique le plus près! Ces aléas de la route sont rares et peuvent aussi bien ne pas se produire. Et ils se traduisent souvent en de riches expériences humaines. Même munis de sacoches remplies de trucs et d’outils, il nous est arrivé à maintes reprises de soumettre à nos hôtes du bout du monde habitués à se débrouiller par eux-mêmes un problème mécanique que nous jugions insoluble: une jante rongée par le cancer, un jeu de pédalier démantibulé soudé au cadre par corrosion, un mécanisme de roue libre explosé par la cendre volcanique. Ces problèmes ont été résolus par des moyens auxquels nous n’aurions jamais songé. La nécessité est mère de l’invention, dit-on…

Et si une tempête survient?
Dans votre préparation à tout type de voyage, tâchez de savoir si des périodes ou saisons sont plus propices que d’autres aux intempéries. Vous pourrez ainsi les éviter. À vélo, si on a la chance d’être intimement connecté avec ce qu’il y a autour et d’être aux premières loges des prestations magistrales de dame Nature, on est aussi exposé à ses sautes d’humeur, vulnérable aux éléments. De nos jours, typhons, ouragans, cyclones, blizzards et tornades sont bien surveillés et leur venue annoncée, placardée. Voyageant à vélo ou non, il faudra suivre les recommandations des autorités de la contrée où vous vous trouverez: vous mettre à l’abri dans un établissement d’hébergement ou évacuer… comme tout le monde!

Dans le cas d’orages violents accompagnés de foudre et d’averses de grêle, qui durent généralement moins d’une heure, cherchez un endroit où vous mettre à l’abri dès l’apparition des signes avant-coureurs et décrétez une pause le temps que déferle la tempête. Si rien dans les parages n’est propice à servir d’abri et que vous avez des bagages, portez votre imperméable ou érigez votre tente.

En Bolivie, une tempête de grêle qui a laissé 30 cm de glace sur l’Altiplano andin nous a forcés à nous arrêter pour revêtir des vêtements supplémentaires et gonfler nos matelas de sol afin de nous protéger de grêlons gros comme des œufs de caille!


On chauffe en malade là-bas, et je ne veux pas mourir écrasé
On pourrait facilement démontrer qu’il y a moins de risques à pédaler sur la grand-route que de se rendre au boulot à vélo à travers les artères d’une ville… surtout si on transporte des sacoches, ce qui augmente considérablement la visibilité d’une bicyclette! Va pour les voyages et déplacements à vélo autour de la maison, mais quand il s’agit de rouler à l’étranger, qu’en est-il? C’est vrai que les pratiques sur la route tout comme l’espace physique et éthique alloué aux cyclistes changent beaucoup, parfois radicalement, d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre. Il n’en demeure pas moins que ces comportements et attitudes correspondent à des systèmes de valeurs comportant leurs propres règles. Quand vous débarquez à l’étranger, il s’agit donc de prendre le temps d’observer et de comprendre le fonctionnement du carrousel qui se déroule sous vos yeux, dans le but de voir comment procèdent les véhicules à vitesse réduite que sont les vélos… et de les imiter! Et puis, les Québécois que nous sommes ont la peau dure: les cyclistes qui ont expérimenté les routes du Québec ont apprivoisé l’un des réseaux routiers les plus périlleux d’Occident…


Je déteste faire du camping
Tant pis pour vous! Mais nul n’est tenu de camper en voyageant à vélo. Il s’agit de choisir des destinations pourvues de services et de planifier un itinéraire qui conduit, soir après soir, à des établissements d’hébergement. Vous vous priverez de bivouacs idylliques avec vues imprenables sur décors flyés et vous ne traverserez pas le Sahara, mais vous voyagerez en toute légèreté… et grande salubrité! Cela dit, on ne nous a jamais refusé un endroit où planter notre tente.


J’ai peur qu’on me vole et m’agresse sur la route
Cette intimité du contact que procure le cyclotourisme inclut aussi les habitants des contrées où s’effectue le périple. Comme on l’a vu concernant la nature et les éléments, cette proximité peut devenir une faiblesse. Or, dans nos rapports avec nos congénères, cette vulnérabilité joue habituellement en notre faveur et devient notre force. Nous répétons depuis des années que rouler devant un individu ou débarquer dans une communauté sur un vélo chargé, arborant sourire et confiance, est la façon la plus pacifique de se présenter en tant qu’étranger. On nous aborde aisément, on nous salue puis s’enquiert de nos lieux de provenance et de destination. Sitôt ces formalités géographiques accomplies, les gens réalisant peut-être les efforts derrière nos déplacements, un réflexe de solidarité tout humaine semble sollicité et se mettre en œuvre. Alors fusent des invitations de toutes sortes: boire un thé, manger une soupe, prendre une douche, séjourner quelques jours. Les objectifs que nous nous étions fixés avant de prendre la route, comme aller à la rencontre de l’autre et nous familiariser avec diverses cultures, sont atteints.

Dangereux et mal intentionné, notre prochain? Après avoir parcouru autour de 150000 bornes dans une soixantaine de pays, nous n’avons été menacés qu’une seule fois, en vain en ce qui concerne le désespéré lascar, et volés qu’une autre, au grand dam des brigands et receleurs, qui se sont retrouvés derrière les barreaux! À n’en pas douter, il eut été difficile de nous sentir plus en sécurité en demeurant à la maison durant cette vingtaine d’années. Mais surtout, quelles aventures nous aurions loupées! Bonne route!

Si vous avez d’autres craintes et appréhensions à l’égard du cyclotourisme, faites-nous-en part et nous tenterons de les dis­siper…

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