Si le débat sur la toponymie du lieu – Estrie ou Cantons-de-l’Est ? – n’est pas encore tout à fait réglé, les cyclistes peuvent néanmoins s’entendre sur le fait que cette région du Québec est reconnue pour être le paradis des routes de gravelle. Et moi, j’ajoute qu’elle est également renommée pour ses nombreuses microbrasseries. Parfait dans le cadre de cette chronique !
À l’occasion de ce parcours automnal, je suis allée visiter les chemins estriens, histoire de voir ce qu’ils ont à offrir en matière houblonnée et gourmande. Au moment de prendre le départ, au centre-ville de Cowansville, depuis le bistrot-brasserie Le sage brasseur, je fuyais la pluie annoncée à Québec pour l’attendu soleil des Cantons-de-l’Est. Chaque année, quand l’automne s’installe, je suis toujours déconcertée : autant j’aime les effluves des feuilles humides, leurs teintes orangées et l’atmosphère nostalgique qu’elles dégagent, autant je suis contrariée par les caprices de la météo de la saison de vélo qui s’achève. J’hésite constamment entre une tasse de thé chaï et un verre de bière ambrée aux épices. Cependant, depuis un certain temps, le vélo de gravelle m’a permis de me réconcilier avec ces sentiments contradictoires, et il me paraît tout indiqué en cette saison.
Dès les premiers coups de pédale, j’ai compris que je m’étais trompée concernant la météo mais, heureusement, pas au sujet des paysages et des routes de gravelle bien compactes et roulantes. Néanmoins, à quelques kilomètres seulement de Cowansville, l’accueil du Chemin Nord et la vue sur les vignes soigneusement alignées d’un premier vignoble ont été suffisants pour que j’oublie les gouttes de pluie qui déjà tombaient sur mon casque.
Du 10e au 25e km s’enchaînaient des vallons en série, dont certains font longer les pistes de la station de ski et de vélo de montagne avant qu’on ne redescende dans la vallée bromontoise. Si la traversée de Bromont est hasardeuse, on retrouve vite la quiétude des premiers kilomètres en ascensionnant le mont Shefford, un 5 km qui rappelle la non lointaine campagne vermontoise. La descente conduisait à la brasserie rurale La Ferme et sa spacieuse terrasse. Lors de mon passage, un gigantesque méchoui s’y préparait, et de divines odeurs provenaient du gril. Dommage, mon premier ravito était prévu plus loin !
Quoique le reste du trajet ne comportait plus vraiment de montées imposantes, les chemins et les rangs empruntés entre le canton de Shefford et la municipalité de Warden étaient garnis de quelques bosses amusantes jusqu’au premier arrêt houblonné, au 62e km, chez Robin bière naturelle, juste à l’entrée de Waterloo.

Robin bière naturelle propose des bières affinées en tonneau fabriquées à partir d’ingrédients locaux.
Le décor de la microbrasserie Robin cadrait parfaitement avec cette journée fraîche qui se déroulait sous le thème de l’éloge de la lenteur en nature : on y sert des bières fermières brassées à partir d’ingrédients de la région et vieillies en tonneaux entre 3 et 24 mois. Étant néophyte en matière de bières barriquées, j’ai demandé conseil et ai finalement choisi de me réchauffer d’un galopin de Triple, une farmhouse au sirop d’érable que j’ai sirotée sous le chauffe-terrasse, assise sur un ballot de paille. D’une belle robe brune, juste assez sure, juste assez sucrée, la bière était bien équilibrée et très désaltérante malgré son imposant pourcentage d’alcool.

La piste cyclable La Campagnarde
La pluie ayant diminué et ma soif aussi, mes vêtements ayant séché un peu, j’ai réenfourché ma monture et repris la route. Rapidement, j’ai bifurqué vers la piste cyclable La Campagnarde, en poussière de pierre, qui s’étend de Waterloo jusqu’à Lac-Brome. Ces 15 km de tranquillité traversent de multiples ponceaux et côtoient le lac Brome, ponctués de magnifiques points de vue. Malgré le sol légèrement ramolli par l’humidité, le couvert d’arbres me protégeait relativement de la faible averse, imprégnant de mélancolie cette balade automnale.

Le lac Brome
Puis, ô joie, à la 81e borne de cet itinéraire est apparu, au bout de la rue Victoria, la Knowlton Co. Une fois de plus j’étais choyée en matière de terrasses, car celle-ci aussi est couverte : elle allait me garder au sec. Dans un décor à mi-chemin entre le chalet cossu et la galerie d’art, la brasserie artisanale est sans doute encore plus invitante en soirée, quand on s’installe auprès du foyer extérieur, à quelques pas du ruisseau Pearson.
Comme j’ai bientôt atteint la limite de ma capacité à me réchauffer sous la pluie intermittente d’octobre, je me suis dirigée vers mon point de départ, où j’allais pouvoir enfiler des vêtements secs et me ravitailler convenablement. Par chance, les quinze derniers kilomètres du parcours, via le chemin du Centre, étaient majoritairement descendants et ramenaient rapidement au Sage brasseur. Une fois le nettoyage sommaire de la boue collée sur mon vélo terminé, la microbrasserie au mignon logo de hibou m’a réconfortée d’un plateau de charcuteries et fromages et d’un verre de rousse irlandaise maltée comme je les aime, pourvue d’une subtile amertume en finale.
Clin d’œil brassicole
L’ensoleillement qui diminue et la pluie qui survient plus fréquemment me font apprécier les bières chaleureuses et réconfortantes telles que les ales écossaises. Également appelé wee heavy, ce type de bière se démarque par son côté sucré, son puissant goût de malt et, souvent, son pourcentage d’alcool élevé. La haute teneur en malt de cette bière provient du fait qu’elle a été fermentée à une température plus basse que les autres ales. C’est une bonne bière d’accompagnement de desserts, et sa robe sombre s’harmonise admirablement avec le cocooning d’automne.
Robin bière naturelle
Se spécialisant dans les bières affinées en tonneau, Robin bière naturelle saura vous surprendre par son utilisation d’ingrédients locaux comme la rhubarbe, l’épeautre, les fleurs sauvages et les pêches.
À déguster sur place : la Grisette d’épeautre, très désaltérante en raison de son caractère minéral et légèrement acide.
La Knowlton et Co.
Suivant sa devise – La vie est rude, la bière est douce –, la microbrasserie de Knowlton souhaite réunir les amateurs et amatrices de houblon (et de burgers et de pizzas), qu’ils soient à l’intérieur ou autour du feu de camp. Chaque canette porte fièrement son design unique inspiré de l’univers de la BD, et vaut le détour tant pour les yeux que pour les papilles.
À déguster sur place : la rafraîchissante IPA de la côte ouest, aux notes résineuses.
Le sage brasseur
Établies dans un ancien garage d’ambulances, les installations de brassage sont visibles depuis le salon de dégustation et permettent à la clientèle d’admirer le processus brassicole tout en savourant le résultat, de préférence accompagné d’une offre alimentaire simple mais efficace.
À déguster sur place : la Troglodyte épicée, une stout impériale bien sucrée, aux arômes chocolatés qui se terminent par le goût piquant du jalapeño.
À manger
Fromagerie gourmande de Bromont
La Fromagerie gourmande de Bromont, au look rétro modernisé, met en valeur le fromage en grains dans son menu. Des poutines aux burgers en passant par les pizzas, tout cycliste trouvera à s’y sustenter.
Fiche technique
• Longueur : 103 km
• Dénivelé : +950 m
• Revêtement : 39 % asphalté (très propre), 61 % gravelé (assez roulant, sur fond dur)
• Vélo et pneus recommandés : vélo de gravelle aux pneus de 35 mm ou plus
Pour voir le parcours, c’est ici !
