Elle l’a fait. Contre toute attente, défiant tous les pronostics, Magdeleine Vallières Mill est devenue championne du monde sur route à Kigali. Pour y parvenir, elle a du cocher plusieurs cases. J’en fais la liste. Et j’avoue que moi aussi, j’ai été très très agréablement surpris.
J’écoute presque toujours les courses cyclistes en anglais. Les britanniques aiment beaucoup l’expression « fortune favors the brave ». Ça vient d’une locution latine qui signifie que la prise de risque conduit au succès.
Pas toujours. Mais il en faut. Souvent. Et en particulier à vélo. Un risque calculé, qui nécessite aussi une grande intelligence de course. Surtout aux championnats du monde, où les radios sont interdites.
Un sans faute
En revoyant la fin de course des Championnats du monde féminin remportée par Magdeleine Vallières, je me disais qu’elle avait tout fait parfaitement.
Et qu’elle a eu juste ce qu’il fallait de chance.
Parce que pour gagner une course, surtout une immense comme celle-là, il faut que tous les astres s’alignent.
La forme? Elle était là, sans l’ombre d’un doute. L’évasion de la Québécoise -qui course en saison régulière pour EF Education-Oatly- dans les derniers kilomètres l’a démontré, de même que sa capacité à soutenir le rythme, voire à l’imposer, dans un groupe d’évadées solides.
La chance? Elle a été double. L’échappée qu’elle a prise était la bonne et les grandes favorites ont trop longtemps hésité derrière, ce qui les a condamnées.
L’intelligence de course? Encore là, c’était de saisir la chance, et la bonne, donc de choisir judicieusement le bon groupe et le bon moment. Ça aurait pu ne pas fonctionner, la faute à pas de chance, comme dirait l’autre. Mais si on n’essaie jamais, les chances de réussite sont nulles.
Enfin, justement, il fallait le courage. On a beau avoir les meilleures jambes de sa vie, devant de pareilles concurrentes, il fallait que la Québécoise se sente sûre d’elle pour attaquer comme elle l’a fait.
De figurante à championne
Et le spectacle qu’elle a offert était grandiose. Surtout parce qu’inattendu.
Même lorsqu’elle s’est évadée avec le groupe gagnant, même lorsque ce groupe s’est réduit et qu’elle en était toujours, on la désignait au mieux comme une figurante. Le plus souvent, les commentateurs l’ignoraient. Pour être franc, vous m’auriez demandé, je n’y aurais pas cru non plus. Je lui aurais sans doute préférée la Néo-Zélandaise Niamh Fisher-Black, dont le palmarès est mieux garni.
Mais Magdeleine a rassemblé toutes les conditions gagnantes, pour faire ce que tout le monde semblait lui refuser, sauf son équipe : croire en elle. Et vaincre dans la plus grande gloire possible, après avoir laissé loin derrière ses adversaires.
Aujourd’hui, non seulement les sceptiques sont confondus, mais ils sont, eux aussi, submergés de fierté.
Championne du monde! Une Canadienne! Une fille qui n’a presque rien gagné chez les pros s’envole vers le sommet à Kigali pour ravir la tunique arc-en-ciel. L’impensable est devenu réalité. Vous rangerez ça au rayon de la grande beauté du sport.