Je vous propose d’explorer la gravelle de la région de Bellechasse. Préparez vos jambes d’expert, car il s’agit d’un défi costaud à la fois en distance et en dénivelé. L’itinéraire sillonne les rangs de gravier aux alentours du splendide parc régional du Massif-du-Sud. Les panoramas montagneux sont à couper le souffle et les points de vue sur les vallées agricoles, grandioses.
Le départ et l’arrivée de ce circuit s’effectuent à la ferme brassicole Frampton Brasse, aux limites de la Nouvelle-Beauce et de Bellechasse. Dès les premiers coups de pédale, je comprends que ce sera exigeant. Gravelle rime souvent avec montées franches, et c’est vraiment le cas ici. J’aperçois les éoliennes au loin, et c’est plus fort que moi, j’essaie naïvement d’adapter la rotation de mes jambes à celle des ventilateurs géants.
Ce que j’aime des routes non asphaltées, c’est qu’en outre du crunch méditatif que font entendre les pneus au contact du gravier, les voitures y sont rares. On peut donc laisser libre cours à ses pensées et profiter de la vue. Avoir la liberté d’admirer le paysage n’a pas de prix et, croyez-moi, des points de vue, sur cet itinéraire, il y en a une profusion. Les différents angles sur le massif du Sud sont éblouissants.
On arrive vite au bord de la rivière Etchemin, et les paysages s’enchaînent, tout comme les côtes. Des pourcentages que je pensais impossibles à affronter en gravelle sans me lever en danseuse – dans le but d’éviter tout dérapage de la roue arrière – se gravissent pourtant en souriant. Un des reliefs les plus costaud se trouve au 14e km, sur la route de la Montagne, qui porte bien son nom. Cette montée non asphaltée de 4 km accorde une brève pause sur un plateau de 500 m, le temps de reprendre son souffle, pour repartir de plus belle, culminant à la jonction de la route des Fillion. Gardez-vous des forces pour le final, où on se gâte avec des pourcentages avoisinant les 20 %. Dorénavant, chaque fois que je verrai un panneau signalant un chemin fermé en hiver, mes cuisses se prépareront à chauffer. Il faut aussi demeurer très attentif dans la descente qui suit l’ascension, tellement elle est à pic. Tenez-le-vous pour dit : en gravelle, on ne s’ennuie jamais.
Il est possible d’emprunter un raccourci de quelques kilomètres au km 25, via la route principale 216. Mais attention, celle-ci ne comporte aucun accotement bitumé.
Mon arrivée à la Microbrasserie de Bellechasse se fait un peu avant midi, au km 45, mais déjà, le breuvage houblonné est bienvenu, car la barre des 1000 m d’ascension est franchie. Je me laisse séduire par une excellente lager rousse du Pub de la contrée qu’on accepte gentiment de me servir cinq minutes avant l’ouverture – une belle attention, vu mon horaire de côtes chargé. Le soleil plombant mur à mur, la pinte de rousse légère, agrémentée d’un subtil goût de caramel et de céréales, est désaltérante à souhait.
Bien réhydratée, je retourne me casser les jambes et j’attaque la fameuse côte Magnétique dans le rang Saint-Louis, un attrait de la localité de Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland. Bien qu’on évoque parfois des origines surnaturelles, le phénomène est purement visuel. La pente abrupte, jumelée à l’impossibilité de voir l’horizon, déjoue les sens et donne l’impression de descendre, alors qu’en réalité on monte. Hélas, pas d’illusion d’optique dans mes jambes ! Le vélo est loin d’avoir grimpé tout seul, et j’ai eu besoin de mouliner pas mal pour atteindre le sommet. Heureusement que la récompense pour les yeux est agréable : en haut, le belvédère aménagé surplombe la vallée en contrebas.

La section gravelée représente une grosse moitié de cette sortie, et ce n’est pas la plus facile.
Comme ma provision de collations est presque vide, je profite d’un tronçon asphalté à Saint-Luc-de-Bellechasse pour un dîner en formule dépanneur. Située à mi-parcours, une petite épicerie me propose un sous-marin garni et du fromage en grains du coin, ce qui m’assure de pouvoir reprendre énergiquement la route.
Toute la journée, j’ai eu la sensation d’avoir le vent dans le dos, au point de me demander si le fait de me trouver dans un secteur d’éoliennes y était pour quelque chose. Effet d’abri induit par les éoliennes ou non, je ne m’en plains pas. Trente-cinq kilomètres et de magnifiques rangs de garnotte plus tard, le lac Etchemin apparaît enfin dans mon champ de vision.
Une brève incursion dans la MRC des Etchemins permet de visiter Verso microbrasserie, ma deuxième halte houblonnée du jour. On découvre le look épuré et apaisant du Pub du lac, aménagé en rez-de-jardin du Manoir Lac-Etchemin. On a envie d’y flâner tout l’après-midi, émerveillé par le décor lacustre que laissent voir les immenses fenêtres. Afin de rester dans l’atmosphère relaxante, je savoure la Hygge, une stout aux bleuets sauvages. Même si sa touche fruitée est grandement camouflée par son goût de malt torréfié, cette noire azotée descend vraiment bien et est particulièrement pétillante. Après avoir contemplé le lac, je puise dans mes dernières réserves pour affronter la suite.
Les 15 km suivants se dévalent rapidement. Le bitume de la route 277 est impeccable, et on est constamment en élan pour attaquer la bosse à venir. Ces portions sur route accordent un répit aux muscles. Heureusement, car les 7e et 10e Rangs réservent une longue montée de 10 km de gravelle. Les ultimes coups de pédale servent, non sans effort, à gravir quelques raidillons. Sachant que ce sont les derniers, je m’en délecte sans retenue et je visualise le breuvage de Frampton Brasse que je rapporterai à la maison en prévision de l’apéro, histoire de célébrer l’accomplissement de ce parcours relevé.
Clin d’œil brassicole
Durant l’été, un style de bière qui convient à toutes les occasions et rejoint beaucoup d’amateurs est la neipa, pour New England Indian Pale Ale, également connue sous le nom de IPA du nord-est ou de la côte est. Souvent comparée à la IPA de la côte ouest, plus houblonnée et résineuse, la neipa est moins amère et dégage des arômes d’agrumes et de fruits tropicaux. À l’origine, l’amertume des IPA provient du fait qu’on surchargeait la bière en houblon, de façon à assurer sa conservation lors du transport en bateau, qui durait plusieurs jours. La neipa est une valeur sûre si vous aimez les bières au profil fruité comportant moins d’amertume mais beaucoup de goût.
Microbrasserie de Bellechasse / Pub de la contrée
Spécialisée dans la fabrication de bières vieillies, la Microbrasserie de Bellechasse abrite aussi une brûlerie, et le café est torréfié sur les lieux. Soucieux du commerce local, l’établissement offre un menu complet élaboré à partir de produits régionaux. À déguster sur place : la Beaumont, une brune légère très foncée aux arômes de céréales avec une finale de pain grillé.
Verso microbrasserie / Pub du lac
Implantée à quelques mètres du lac Etchemin, la Verso microbrasserie brasse tous les styles, et sa localisation est idéale pour savourer une bière lors de chaudes journées d’été. Accompagnez-la d’un burger ou mesurez votre talent sur le terrain de pétanque près de la terrasse. À déguster sur place : la Don Pomelo, une neipa classique recelant des notes d’ananas et de mangue exprimant une subtile amertume.
Frampton Brasse
La ferme brassicole Frampton Brasse offre des visites de ses installations de brassage et des animaux de la ferme. Établie dans un bâtiment ancestral servant autrefois de gîte, la microbrasserie s’ouvre sur un chaleureux salon de dégustation et une grande terrasse qui donne sur la canopée et les plus beaux couchers de soleil du coin. À déguster sur place (ou à rapporter à la maison) : la Nuit d’automne, une savoureuse quadruple ale bien maltée aux notes de fruits confits et de caramel grillé.
À manger
La boulangerie Le Vieux Buckland
Confectionne des viennoiseries et des mets préparés.
La Pralinière
Propose chocolat et crème molle.
Fiche technique
• Longueur : 114 km • Dénivelé : + 2100 m
• Revêtement : 46 % asphalté (très propre), 54 % gravelé (assez roulant, sur fond dur)
• Vélo et pneus recommandés : vélo de gravelle avec pneus de 38 mm ou plus
