Les championnats canadiens de cyclocross se dérouleront à Lévis la fin de semaine du 15 et 16 novembre. En prime, on aura aussi droit à une course de calibre majeur à l’échelle nord-américaine (C1, une coche sous les coupes du monde). Un de ses organisateurs, Eric Blais, nous explique comment Lévis est en quelque sorte devenue la Mecque du cyclocross au Québec.
À l’autre bout du sans-fil, soit des ondes cellulaires qui transitent par une série de tours de transmission, Eric Blais hésite un peu. Rien à voir avec la connexion. « Je ne suis pas super habitué à donner des entrevues », s’inquiète-t-il.
Il n’a pourtant pas de mal à exposer l’intérêt grandissant pour ce sport atypique qui pourrait débarquer aux jeux olympiques d’hiver en 2030. Le comité olympique doit rendre sa décision en décembre, soit avant les jeux de Milan-Cortina qui se dérouleront en janvier. (Le cross country, soit la course à pied extérieure sur un terrain accidenté, pourrait, lui aussi, s’ajouter à la liste des jeux hivernaux).
« Le cyclocross, ça se passe dans une ambiance de party, c’est super accessible. On peut se déplacer partout sur le parcours, sans problème. On aura de la musique, de la bouffe de qualité », expose-t-il sommairement.
En Belgique, le cyclocross est presque le sport national (après le foot, disons). Les courses se déroulent dans une ambiance de kermesse, on y mange des tonnes de frites et on y boit beaucoup de bière. Les coureurs et coureuses que je connais qui y ont compétitionné témoignent d’une célébration parfois déchaînée. En particulier pendant le temps des fêtes où il y a presque une course par jour.
Plusieurs pros de la route y excellent, que l’on pense à Wout Van Aert (3x champion du monde) et Mathieu van der Poel (7x champion du monde), par exemple. (Tadej Pogačar a lui aussi affûté ses aptitudes techniques en tâtant du cyclocross, ce qui explique sans doute son aisance sur les pavés lors des classiques printanières.)
Et ici aussi, le « cross » est une affaire de party.
La foule est généralement nombreuse, bruyante et surexcitée. Les courses sont de courte durée (autour d’une heure) et l’épreuve en soi comprend une variété d’éléments qui la rendent particulièrement captivantes, parce qu’ils nécessitent d’être extrêmement habile à la technique, de gérer son énergie et de capitaliser sur ses forces et les faiblesses de ses opposants. De l’asphalte, du gazon, du sable, des racines, des montées abruptes, des barrières artificielles à franchir en démontant de son vélo pour courir à côté ou en sautant par-dessus : le parcours est truffé de virages serrés sur un terrain meuble où la moindre erreur peut coûter cher.
« La course se déroule dans un parc municipal à Saint-Romuald, sur l’ancien domaine d’une abbaye, détaille Blais. Le sol travaillé (anciennes terres/vergers) est souple, sans roches : parfait pour tracer, drainer et virer serré. En novembre, ça devient boueux, donc technique, avec sections rapides, de longs tirants et de vrais run-ups (on descend du vélo et on court). En prime, on a une vue imprenable sur le fleuve et les ponts de Québec, et plusieurs points de vue d’où l’on voit presque tout le parcours. »
Lévis, Mecque du cyclocross
Eric Blais est aussi l’un des organisateurs des compétitions locales du mercredi, qui se tiennent dans un autre parc de Lévis. Son équipe est la même qui organise la course de gravel à Buckland.
D’un côté, les courses hebdomadaires servent à démocratiser le sport et à forger la relève. De l’autre, la popularité de la Buckland permet à l’organisation de bénéficier d’un coussin financier qui la rend moins vulnérable financièrement que d’autres dans l’organisation de ce genre d’événement. « La C1, c’est 20 000$ de plus que la C2, on verse 17 000$ en bourses », détaille-t-il. « Avec l’OSBL qui organise la Buckland, on s’est constitué un bon tampon financier qui nous permet d’être à l’aise avec ça ».
Pendant ce temps, Blais et consorts travaillent à rendre le sport plus accessible avec leurs « championnats du monde » du mercredi. « Grâce à la popularité du vélo de montagne, la région est une sorte de « powerhouse » pour le cyclocross. On voit un beau renouvellement dans les tranches d’âges les plus jeunes et on a environ 60-70 personnes au départ toutes les semaines. Il y a dix ans, on était 13-14. On a aussi un autre départ pour les plus jeunes, pour un peu dédramatiser tout ça. » Une manière de tremper le gros orteil et se faire aller sur le parcours pendant une vingtaine de minutes, sans se faire anéantir par les plus forts du groupe.
Dans la roue de Mag
Depuis plusieurs années, Magalie Rochette est sans doute celle qui a le plus contribué à faire connaître le sport chez nous avec ses nombreux podiums en coupe du monde, dont une victoire, de même que son chapelet de titres nationaux. Les regards se tournent aussi désormais vers la prodigieuse Rafaëlle Carrier, aussi prolifique en vélo de montagne, qui compte déjà d’épatantes performances en coupe du monde chez les juniors et chauffe les plus grands talents mondiaux chez les U23.
D’autres gros noms canadiens et quelques américains (qui confirment généralement leur présence à la dernière minute) devraient être de la partie pour la C1.
On y sera, une bière à la main, à crier jusqu’à manquer de voix.

