Pour la mer, les cols, sa population accueillante, ses infrastructures irréprochables, et son industrie du vélo dynamique, Taïwan est parmi mes pays préférés où rouler. En quelques tableaux, découvrez pourquoi l’île asiatique est synonyme de vélo.
Le tour de l’île
King Liu n’était pas destiné au vélo. L’entrepreneur a notamment été éleveur d’anguilles avant de fonder Giant en 1972. Mais ce n’est que 35 plus tard qu’il se met lui-même à pédaler. En 2007, à l’âge de 73 ans, il se lance pendant 15 jours dans une randonnée de 927 kilomètres le long de la côte accidentée de Taïwan.
Il en est revenu inspiré et milite en faveur du vaste réseau de pistes cyclables dont dispose aujourd’hui Taïwan (en plus de contribuer à la création du système de vélos en libre-service). Aujourd’hui, la route cyclable nationale n°1 fait le tour de l’île, en passant par la capitale Taipei, le parc national de Taroko, le lac du Soleil et de la Lune et les plages de la côte est. On y croise nombre de Taïwanais qui font le tour de leur pays à vélo et même à pied.
Taichung, capitale mondiale du vélo
Sur la côte ouest, la région de Taichung fabrique depuis un demi-siècle des millions de vélos par année. Autour des goliaths Giant et Merida, on estime à pas moins de 1 000 le nombre de fournisseurs et d’usines liés là au savoir-faire cycliste. On peut même visiter le Musée de la culture cycliste de Giant. Surtout, l’industrie mondiale se donne rendez-vous chaque année à la Taichung Bike Week.
Cinq hôtels sont réservés au centre-ville pour des rencontres entre acheteurs et manufacturiers locaux, de Chine et d’ailleurs. J’y ai aperçu des murs couverts de cadres en carbone brut, des pièces et composants prêts à se faire étamper des marques de commerce européennes ou nord-américaines, sans oublier de récentes avancées technologies.
La montée la plus difficile du monde
Le Taiwan KOM (King of the Mountain) Challenge est considérée comme la course la plus difficile du monde. Son parcours – qui passe notamment par les magnifiques gorges de Taroko – débute au niveau de la mer, à Hualien sur la côte est, et grimpe en 105 km jusqu’à 3 275 m. L’inclinaison s’accentue avec les kilomètres et culmine à 27 % vers la fin.
Je l’ai grimpé du côté ouest. Le paysage y est moins épique, mais les options d’hébergement et de camping y sont plus nombreuses. Comme toute montée qui se respecte, elle est suivie par une descente. Elle part du col de Wuling, c’est 150 km sans pédaler ni freiner qui vous attendent en direction nord jusqu’à Yilan. C’est LA plus belle descente que j’ai faite (deux fois) de ma vie. Pendant deux jours, on passe à travers les nuages, on longe des escarpements bordés de thé et de fruits, on zigzague dans des champs de laitue. Le tout le long d’une rivière qui se gonfle jusqu’à la mer.
Tranquille Taipei
Avec une population de 7 millions d’habitants, Taipei (et sa voisine New Taipei) est une ville particulièrement agréable où rouler. Les trois rivières qui l’encerclent sont bordées de pistes cyclables, ses larges boulevards sont presque désertés dès l’heure du souper et un énorme parc s’étend tout juste au nord du centre-ville. Dans tous les quartiers de la métropole, vous trouverez une boutique Giant prête à vous louer un deux-roues.
Vous partagerez votre balade avec des deux-roues motorisés. Taïwan compte 14 millions de scooters… pour 24 millions de Taïwanais.
Maxway Cycles, le Graal du métal
« Je me sens comme à Disney ! » Yiyi Chiu et sa sœur Meg, copropriétaires de Maxway Cycles à Taichung, me remercient, mais ne comprennent pas tout à fait l’émotion que je ressens à visiter leur mythique usine.
Il y a près de 40 ans, l’industrie manufacturière cycliste s’est déplacée du Japon vers Taïwan. Sur une plaine, entre le détroit de Taïwan et les hautes cimes de l’île, s’est développé au fil du temps un savoir-faire unique exportant des millions de vélos par année. D’abord soudeur, Yiyi s’est allié au talent marketing de sa sœur pour pénétrer un marché bien spécial en Europe et en Amérique du Nord. Surly, Salsa, All-City, Fairlight, Ritchey, Rivendell, Sklar : les compagnies de cyclisme d’aventure (et aujourd’hui de gravelle) font la queue pour travailler avec le duo et leurs 54 employés.
Si les cadres de carbone et d’aluminium sont maintenant surtout fabriqués en Chine et au Vietnam, les cadres en titane ainsi que ceux d’acier de haute qualité, le sont toujours à Taïwan. Les minces tubes sont produits localement ou importés d’Angleterre (Reynolds), d’Italie (Columbus) ou du Japon (Tange). Ils entrent chez Maxway par la porte arrière pour être triés et inspectés pour leur longueur, leur épaisseur et leur diamètre. Puis, chaque étape de soudage sera faite par un employé différent, et inspectée à l’aide de plans détaillés en 1:1.
Les cadres d’acier sont à la fois des structures simples et des œuvres d’art. Parfois plus légers que le carbone, souvent parés d’œillets pour accueillir des bagages, ils prennent la forme physique que les compagnies ont imaginée. « C’est le triangle arrière qui est le plus difficile, m’explique Yiyi, en raison du pliage requis pour les pneus. Nous utilisons une panoplie d’outils pour y arriver. »
Je remonte vers l’avant de l’usine. À chaque station, les cadres prennent de plus en plus forme sous les doigts habiles de travailleurs habitués. Triangles avant, bases, haubans et supports de pédalier. Passage interne ou externes pour les gaines. On s’assure qu’il n’y ait aucun espace entre les pièces. Des brasures sont ajoutées et les cadres sont alignés et vérifiés à nouveau. La peinture sera faite par une autre des nombreuses manufactures de Taichung, à quelques kilomètres d’ici.
Chaque année, Maxway Cycles produit pas moins de 50 000 cadres haut de gamme à la main. Chacun d’eux prêt pour des aventures à venir, sur les pavés d’Europe, les chemins forestiers du Québec et qui sait, peut-être même revenir sur les pistes cyclables de Taïwan.





