On a un peu l’impression de voir un monument qui s’écroule au ralenti.
Campagnolo n’est certainement pas la seule entreprise cycliste en crise, mais après deux années d’injections majeures de fonds et, en 2025, une coupure de 40% de ses effectifs, on est tenté de croire que l’entreprise italienne compte parmi celles qui souffrent le plus du ressac dans l’industrie.
Et ce n’est pas de n’importe quelle entreprise dont on parle ici.
Les plus jeunes n’ont pas connu son âge d’or, mais il fut un temps, pas si lointain, où le fabricant dominait outrageusement le marché des gruppos. On lui doit essentiellement l’âme mécanique des vélos d’aujourd’hui. La déclenche rapide, c’est Campy. Le dérailleur, c’est aussi Campy.
Pendant plusieurs décennies, l’entreprise fondée par Tulio Campagnolo (1901-1983) régnait sans partage sur le monde des composants. Ce n’est que dans les années 1980 que Suntour et Shimano, puis SRAM un peu plus tard, sont venus lentement mais sûrement lui arracher des parts de marché. Ses décevants groupes dédiés au vélo de montagne, alors que le genre explosait, ont sans doute aussi contribué à son déclin.
La compagnie, dont les groupes Super Record et Record étaient les fers de lance, n’a cependant jamais cessé d’innover. Souvent en avance sur la compétition, Campagnolo n’arrivait toutefois pas à rivaliser avec ses concurrents japonais et américains. Ces derniers déclinaient plus efficacement leurs innovations, à moindre coût, et ont finalement réussi à se partager quasiment l’entièreté du marché des fabricants de cadres qui vendent des vélos « prêts à rouler ».
Outre les artisans, comme Marinoni, presque plus personne ne vend des vélos « tout Campy ». Autrefois synonyme d’excellence et de luxe, la marque est devenue un produit de niche. Presque une curiosité.
La voilà maintenant en situation de crise extrême. Ses dirigeants n’ont pas l’intention de déménager la production en Asie, disent-ils, mais le contexte difficile du marché, lié au manque d’intérêt pour la marque, la placent dans une situation de plus en plus critique.
C’est comme un palais vénitien qui coule lentement dans la lagune. Ça se produit au ralenti, mais ça semble inévitable.
Et c’est d’une tristesse que de voir ce monument auquel on doit le génie de la bicyclette moderne mourir à petit feu…