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Des nouvelles de Jonathan B. Roy

Les reines du monde

28-08-2020
cyclotourisme femmes

Laura glissant sur la route en Oregon

Est-ce possible pour une femme de voyager seule à vélo ? «Bien sûr que oui!» m’ont répondu en chœur d’inspirantes cyclovoyageuses qui ont décidé de laisser flotter leurs cheveux aux quatre vents.

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Laura Pedebas

Ouverte à la nature et aux autres

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Laura La Cyclonomade

Laura Pedebas a longtemps hésité avant de partir seule à l’aventure. Sa première expédition cycliste s’est effectuée avec un compagnon de voyage rencontré sur un site spécialisé. Plus tard, elle est partie avec un conjoint. Et en dépit d’une rupture amoureuse au beau milieu d’un périple à travers l’Amérique du Nord, la Française d’origine qui habite maintenant au Québec a la piqûre. Elle décide de poursuivre le pédalage seule, en Patagonie argentine à partir d’Ushuaia, la ville la plus australe d’Amérique du Sud. Son retour à la maison sera ensuite suivi d’un autre voyage: 5000 km jusqu’au Mexique, à la rencontre des fameux papillons monarques.

La préférence de Laura pour le vélo s’explique par l’autonomie et la polyvalence de ce moyen de transport. «L’absence de carrosserie autour de soi permet de s’ouvrir davantage à la nature et aux autres», expose-t-elle.

La voyageuse m’avoue avoir roulé plus vite à quelques reprises, pourchassée par quelques chiens voraces dans le sud des États-Unis. Ou s’être demandé quoi manger lorsque son réchaud a rendu l’âme au milieu des steppes patagoniennes. Malgré cela, ses plus beaux moments de voyage ont été réalisés en solitaire. «Vivre mon premier camping sauvage, surmonter des défis mécaniques… Ces situations m’ont permis de me faire davantage confiance.»

Une confiance utile, et qui donne certainement de bonnes anecdotes. «Une fois, un voyageur à vélo est venu “à mon secours” alors que je faisais de la mécanique sur mon vélo. Il me croyait en danger et pensait que c’était son devoir d’aider une femme en détresse. En quelques minutes, c’était moi qui lui donnais des cours de mécanique!»

«La routine, les besoins et les défis sont les mêmes pour les deux genres. Mais il existe une certaine pression sociale laissant entendre que les femmes ne peuvent pas voyager de cette façon, et encore moins seules, poursuit-elle. En contrepartie, nous, les femmes, recevons plus d’aide et d’encouragement que les hommes sur la route.»

Les 30 000 km de Laura sur quelques continents l’ont changée. «Je me connais mieux, je suis plus autonome.» Au moment d’écrire ces lignes, la cyclonomade de 29 ans ne planifie cependant pas d’autres voyages en solo. Elle est à la veille d’accoucher d’un premier petit cycliste, mais compte bien commencer à rouler en famille dès que possible.

Laura tient un blogue (lacyclonomade.net), dans lequel elle donne entre autres de l’information aux femmes cyclistes.

Lenka Mrackov

Complète liberté

bicycle touring women

Lenka Mrackova à Puerto Yungay, au Chili, tout juste avant de commencer son premier voyage à vélo

J’ai rencontré Lenka sur un traversier au Chili. La jeune Tchèque s’apprêtait à se lancer seule dans son tout premier voyage de vélo. Bourlinguant avec son sac à dos depuis plusieurs mois en Amérique du Sud et voyant passer de nombreux cyclotouristes, elle a eu envie de se procurer un deux-roues et d’essayer ce mode de transport. «Si eux le font, pourquoi pas moi?» s’est-elle naturellement dit.

Il faut dire que Lenka est partie de son pays natal à tout juste 20 ans, en direction de l’Angleterre… sans parler un mot d’anglais ! Quelques années et plusieurs pays européens plus tard, l’aventurière met le cap sur l’Amérique du Sud, où évidemment elle se met à l’espagnol. Et au vélo

Là-bas, elle déniche une monture, passablement usagée, et quelques sacoches. Ce qui ne devait être au début qu’une aventure de quelques semaines sur la Carretera Austral chilienne a plutôt été pour elle une révélation. Après plusieurs mois, l’Européenne roule toujours, en plus d’être maintenant accompagnée de Sofia, une chienne errante adoptée en cours de route. L’animal alterne entre la course et une place confortable dans une remorque pour enfant, laquelle s’est ajoutée au bagage de la cycliste.

Cette dernière me dit qu’après avoir connu le vélo, elle ne se voyait pas refaire du pouce, son ancien moyen de locomotion. «J’aime trop cette complète liberté. Je peux décider où aller, rouler autant que je veux et choisir où installer mon campement. Je peux aussi décider de parler aux gens ou pas, contrairement à l’autostop où il faut toujours faire la conversation.» Elle apprécie également le fait de savoir exactement où elle se trouve. «En me déplaçant lentement, je regarde beaucoup plus la carte, et je peux mieux me souvenir des endroits visités, des détails du paysage, des odeurs de la nature.»

Lenka souligne par ailleurs qu’on lui demande souvent si elle a besoin de quelque chose, une allusion à peine voilée que d’autres cyclovoyageuses ont déjà entendue aussi. Plus souvent qu’un homme, croit-elle. Elle dit se fier à son instinct pour évaluer les situations.

Celle qui a passé la majeure partie des six dernières années à voyager n’a toujours pas idée où son périple se terminera. Mais elle sait qu’il se poursuivra pour un bon bout à vélo. En continuant vers le nord du Chili, direction le Pérou et l’Équateur, puis où le vent la soufflera, elle et sa Sofia à quatre pattes!

« Il m’est arrivé d’avoir peur à cause de la façon de conduire des autres usagers de la route. Mais c’est la même chose pour un homme. »

Madeleine Bousquet

Madeleine Bousquet

Expériences extraordinaires

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Aminda (à gauche) a pris soin de Madeleine lors de son passage au Salvador.

Elle n’en est pas à son premier voyage. Dès la fin des années 1970, Madeleine Bousquet part seule avec son sac à dos pour l’Équateur et le Pérou. Puis ça a été les voyages de cyclotourisme en famille, avec ses quatre enfants. Quand ces derniers sont devenus adultes, la cycliste de Québec a simplement continué de voyager, mais cette fois seule, en partant d’un endroit déterminé pour revenir à vélo jusqu’à la maison. De Windsor, en Ontario (1600 km), en 2012, puis de Boston (1200 km) en 2015.

En 2018, juste après sa retraite, la jeune sexagénaire décide de prendre encore davantage son temps et de renouer avec la chaleur des gens et du climat latin. Pendant trois mois, elle parcourt ainsi la route de 2400 km entre Cancún, au Mexique, et le canal de Panama. En complète autonomie dans huit pays connus plus souvent pour leurs mauvais côtés.

«Il m’est arrivé d’avoir peur à cause de la façon de conduire des autres usagers de la route, m’a-t-elle confié. Mais c’est la même chose pour un homme.»

En fait, le sac d’histoires de Madeleine est bien plus rempli de bonnes que de mauvaises expériences. Comme lorsqu’un de ses essieux s’est brisé près du lac Érié, en Ontario, et qu’un couple l’a invitée avec plaisir chez eux, avant d’aller la reconduire jusqu’à l’atelier de vélo le plus près, à plus de 40 km de là. «Deux anges sur ma route», me dit-elle.

«Si j’avais écouté tous les prophètes de malheur qui me déconseillaient de partir seule en Amérique centrale, je serais passée à côté d’expériences extraordinaires. Alors ayez confiance en la vie et en l’humanité, et osez réaliser vos rêves», conclut Madeleine, positive.

Plus d’information sur le voyage en Amérique centrale de Madeleine sur son site: madeleinebousquet.com

Cloé Ando

Belle image d’espoir

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« La route est longue, mais en vaut la peine.» Étonnant panneau que Cloé a croisé sur sa route dans le nord-est de l’Inde, à quelques jours de son arrivée en Birmanie.

C’est dans une ville-oasis d’Ouzbékistan que j’ai rencontré Cloé Ando il y a près de trois ans. La vingtenaire se promenait alors sac au dos avec sa mère et son frère, entre deux sessions universitaires en architecture. La vue d’un étrange voyageur à vélo sortant du désert l’aura marquée. Quelques mois plus tard, elle se lance à son tour. De sa France natale, elle se dirige vers l’est avec comme objectif lointain le Japon, d’où est originaire son père. «À dans deux ans… ou dans deux jours!» lance-t-elle à sa famille à l’aube de son tout premier périple cycliste.

Presque 2 ans et 18 pays traversés plus tard, elle ne pourrait être plus heureuse de sa vie. «À vélo, on vit la route, on ressent le pays et son climat, on s’immerge dans sa culture.» Acceptant toutes les invitations, Cloé s’en sort même avec un étonnant budget quotidien de 3$ dans certains pays du Sud-Est asiatique!

«Les gens sur ma route s’inquiètent davantage pour les voyageuses. J’ai droit à énormément de conseils, d’avis, même de réprimandes parce que je voyage seule.»

Pourtant, Cloé s’adapte avec prudence à chaque culture. Elle ne pédale pas à la noirceur et ne campe pas seule en Inde, et tente le plus souvent de se faire inviter par des familles. Elle adapte aussi son habillement aux coutumes locales, en évitant les shorts en Turquie, par exemple. En Iran, elle portait même un voile à longueur de journée, y compris en pédalant, en plus de se couvrir jusqu’aux poignets et aux chevilles

La jeune fille positive ne s’en formalise pas, au contraire. «Les femmes des pays que je traverse m’aperçoivent à vélo, seule et libre, alors que beaucoup d’entre elles sont enchaînées à leur mari, leur champ, leur famille ou leur cuisine. Nous, les cyclovoyageuses, nous sommes leur plus belle image d’espoir. En un coup de pédale, un sourire, un mot, nous leur ouvrons de nouvelles perspectives, une nouvelle vision sur la condition de la femme. Et peut-être qu’un jour, elles aussi, inspirées, révoltées, elles se diront “Pourquoi pas moi?”.»

«À vélo, on vit la route, on ressent le pays et son climat, on s’immerge dans sa culture. »

Cloé Ando

Stéphanie Vincent

Se fier à son instinct

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Stéphanie devant le volcan Cotopaxi, en Équateur

En 2012, à 22 ans, Stéphanie Vincent décide de rouler de Vancouver jusqu’en Terre de feu, au bout de l’Amérique du Sud. Juste ça. Accompagnée d’une amie jusqu’au Costa Rica, elle poursuit ensuite son voyage en solitaire. Son compteur s’est arrêté à un peu plus de 23 000 km. Depuis, elle a roulé dans les Maritimes, en Alaska, au Yukon, en Colombie-Britannique…

Selon elle, il y a une différence à voyager en tant que femme. «En camping sauvage, je ne dors jamais entièrement sur mes deux oreilles.» Toutefois, elle ajoute, philosophe: «Mais ce n’est pas parce qu’on a peur que c’est dangereux.»

Au contraire de plusieurs cyclistes, Stéphanie semble être plus consciente des dangers. Peut-être cela la rend-elle plus forte. Aux nombreuses femmes qui lui ont posé des questions au fil des années, elle leur a toujours dit de se fier à leur instinct. «Tout est risqué dans la vie: traverser la rue, conduire sa voiture, être sédentaire… Alors aussi bien pédaler les Amériques!»

Stéphanie a raconté ses aventures cyclistes dans son blogue: crazygirlonabike.wordpress.com

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