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Le blogue de David Desjardins

Chute!

27-04-2022

Tomber. Je n’y pense presque jamais quand je roule. Trop souvent quand je regarde les courses à la télé. Tous les matins quand je vois ma cicatrice au visage, sous mon œil droit. Chaque fois que je mets un sac à dos et sens l’étrange contact avec ma clavicule en titane.

Dans le peloton, quand ça tombe en groupe, le son est effrayant. On ne l’entend jamais à la télé, comme lors de l’hécatombe de Liège-Bastogne-Liège il y a quelques jours. L’empilade rendue silencieuse par la distance nous prive du degré supplémentaire d’horreur de la chose. En vrai, le plus horrible est le son du carbone et du métal qui râclent le bitume, doublé de celui, sourd, des corps qui s’arrêtent net au sol.

Avant, presque toujours, il y a les cris. Surprise. Avertissement. Peur. Terreur en décibels qui déchirent le cœur.

Parfois, la chute se fait en douceur. Je me souviens d’un matin, dans un col forestier, à Majorque. Un lieu peu fréquenté, presque secret. Une plaque d’asphalte encore humide de rosée. La roue arrière qui se dérobe dans le virage et hop, une petite glissade. C’est à peine si je me suis éraflé la hanche. Mon cuissard n’était même pas déchiré. Je me suis relevé et j’ai conclu ma sortie sans la raccourcir d’un kilomètre. Le lendemain, c’était presque comme s’il ne s’était rien produit.

En montagne, c’est autre chose. Cela m’arrive assez souvent de me planter à très basse vitesse. Comme en ski. Je suis alors moins attentif, et bam, me voilà au sol sans comprendre pourquoi. Ma roue avant a glissé sur un cran de granit l’été dernier. J’y étais passé au moins vingt fois cette année-là seulement. À ce jour, je n’ai aucune idée de ce qui s’est produit, sinon que j’étais sans doute trop confiant en raison de l’habitude. J’ai hérité d’un tatouage temporaire sur un mollet et d’une main ensanglantée (je ne porte pas de gants, je déteste ça).

J’ai l’air de constamment tomber. Sauf que je fais environ 150 sorties de vélo par année. Ajoutez à cela quelques années de compétition où ça frotte et où le risque de toucher la roue devant vous est décuplé. Le risque croît avec l’usage, comme on lisait autrefois sur les paquets de clopes.

La souffrance physique est secondaire

Mais ce n’est pas la douleur qui me terrifie quand j’y songe, que je me souviens de chaque incident. J’ai même quelques souvenirs qui sont assez drôles quand j’y repense. Dont la fois où j’étais à poil dans une jaquette d’hôpital en attendant qu’on vienne me chercher à l’urgence de Cowansville (on avait découpé mon cuissard et mon jersey pour m’examiner et désinfecter mes plaies).

Non, ce qui me hante, c’est le handicap qui s’ensuit. Les voyages annulés. Les journées à laisser mes plaies sécher dans le divan. Les nuits à mal dormir. Et surtout, le pire: les journées à voir le soleil briller dehors sans pouvoir sortir rouler.

Souffrir, c’est ennuyeux. Être privé de vélo, c’est l’enfer.

 

 

 

 

 

 

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