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Le blogue de David Desjardins

Dimanche brumeux en zone 2

29-04-2024

Je me suis réveillé après avoir dormi 10 heures, des lambeaux de fatigue accumulée me lestaient et me faisait traîner les pieds en allant me faire du café. J’ai lu les journaux et une trentaine de pages du très beau dernier livre de Claire Legendre, j’ai bossé deux heures, puis j’ai passé le plus clair de l’après-midi à faire comme mes voisins : brûler des branches dans le petit crachin d’un dimanche gris opaque.

À 15h, j’ai laissé les restes du feu aux bons soins de ma fiancée et suis allé rouler un peu dans la campagne alentours.

Objectif du jour : me remettre de ma longue échappée à fond de train de la veille, donc mon plan était de faire peu moins de deux heures en zone deux.

Le meilleur indice pour savoir si on roule à cette intensité est la capacité de soutenir une conversation en étant tout de même un peu essoufflé. Seul, c’est pareil. Avec ou sans mon capteur de fréquences cardiaques ou celui de puissance, je sais que je suis au bon endroit quand les pensées affluent librement comme elles le font en cet après-midi de la fin d’avril. Je me parle, mais je dois parfois reprendre mon souffle dans ma tête.

La brume s’est emparée de mes Hauteurs. Le village de St-Ferréol s’est mué en décor d’un roman de Stephen King, ou d’un vieux Vendredi 13. Ne manque que le Lac Cristal et quelques adolescents prêts à faire la fête pour être mieux massacrés pour leurs péchés. Vous ne trouverez pas plus moral qu’un film d’horreur américain des années 80. Les drogués, les alcolos et les adeptes du sexe en dehors des « liens sacrés du mariage » y meurent toujours les premiers. Aller simple pour les feux de l’enfer où les attendent d’autres supplices, pour l’éternité.

Le temps maussade a gardé tout le monde à la maison, dirait-on. Le contraire de la veille; j’étais allé m’épivarder dans le coin de Lac Beauport et de Sainte-Brigitte-de-Laval. Tout ce qui avait un moteur était sur la route, ou dans le pit de sable aux abords du Boulevard Raymond où VTT et motocross rivalisaient de vrombissements. Les uns stridulaient pour répondre aux grondements des autres.

Dimanche, dans le silence et aveuglé par les nuages descendus du ciel pour le Jour du Seigneur, j’ai plongé vers Beaupré sans rien voir devant ou presque, me félicitant d’avoir installé ma lumière clignotante rouge pour me faire mieux voir. Une vraie purée de pois. Je devinais les crevasses et les trous dans le bitume à la dernière seconde. Ça s’éclaircissait dans la Côte de Beaupré. Un cheval et quelques bovins m’ont regardé filer doucement, l’air indifférent.

Il n’y avait pas un chat à la Basilique non plus. Le Café Apollo était fermé. J’ai filé avec mes pensées et mon coup de pédale le plus fluide vers St-Joachim, poussé par un léger vent de dos. Les pensées m’arrivaient de partout. Les plus belles : celles de l’inspiration. J’ai songé à ce roman qui s’écrit dans ma tête depuis au moins douze ans. Je crois enfin tenir ce qu’il faut, pour la centième fois au moins. Puis j’ai fait l’inventaire des autres trucs à rédiger, des contrats de l’agence dont je dois m’occuper, mon horaire de la semaine se construisait dans mon esprit avec un aisance rare.

La cabane à sucre Le Bec Sucré, au sud du Cap-Tourmente, était déserte pour la première fois depuis le début du printemps. Pas un chat. Pas une auto. Le silence uniquement rompu par le cacardement des oies, massées dans les champs aux alentours. Je suis remonté vers chez moi. Presque douze bornes de grimpe en dents de scie pour finir, jusqu’à 350 mètres au-dessus des oies et de la cabane à sucre.

Je gardais un œil sur l’écran de mon Wahoo, m’assurant de ne pas trop dépasser le wattage de récupération: il faut être plus attentif dans les côtes. J’avais une bonne raison de m’attarder et de monter lentement. À un kilomètre de la maison, j’ai retrouvé la brume dense qui semblait vouloir s’attarder en altitude jusqu’en fin de journée. J’étais moi-même perdu dans un brouillard de pensées, toutes agréables, délivrées du stress et des contingences émotionnelles de nos vies de dingues.

Ces moments de solitude sont bénis. Ils m’apportent une paix trop rare. Puissent-ils croiser votre route et vous couvrir de calme, comme le léger crachin du brouillard que l’on traverse sans trop s’essouffler lors d’un dimanche après-midi brumeux en zone 2.

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