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Le blogue de David Desjardins

Faire les choses à moitié

21-09-2017

Le plus souvent, j’évite les pistes cyclables. Parce que ce ne sont généralement pas des pistes cyclables, mais des voies récréatives. On y trouve des patineurs, des piétons, des enfants qui gambadent, des chiens pas toujours en laisse, des mères qui prennent les deux voies avec leurs poussettes. Et en ville, de plus en plus de touristes.

Tout cela est très bien. J’applaudis. Et quand je me déplace de manière utilitaire, entre la maison et le travail, ce léger chaos me convient. Je prends mon temps.

Je ne rechigne pas non plus à prendre la piste des Cheminots vers le nord, pour ensuite aller jouer dans Portneuf, la Jacques-Cartier, ou dans le coin du lac St-Joseph. Mais je choisis des moments sans achalandage. À plus de 30km/h, je n’ai pas lieu de me mêler au lent trafic de paisibles usagers. Bref, c’est moi l’extra-terrestres, pas eux.

Mais il y a beaucoup de pistes que j’évite scrupuleusement parce qu’elles sont dangereuses.

Une des pires : celle du Vieux-Port, dont on annonçait hier le déplacement vers les quais, parce qu’elle bloque une voie et provoque des bouchons de circulation.  (Pour m’être retrouvé dans l’un d’eux en début d’été, dans ma voiture, je sais qu’ils sont parfois monstrueux.)

Quand je me suis questionné sur la pertinence de bloquer une voie, j’ai posé des questions à des experts du transport cycliste en zone urbaine, et on m’a expliqué que plusieurs options avaient été mises sur la table pour faire transiter les vélos dans le secteur. Celle choisie était la plus viable, m’avait-on alors dit. Pourquoi pas les quais? Parce que le port ne voulait pas (il semble avoir changé d'avis). Pourquoi pas les rues comme Sault-au-Matelot, St-Pierre? Moins pratique, apparemment.

Le problème est cependant là pour les usagers cyclistes: le tracé est extrêmement dangereux tout au long, pour tout le monde, et pour l'intégrité des rutilantes carrosseries des voitures.

Entre le Vieux-Port et la traverse, la piste est un véritable gymkhana. Au Bassin Louise, le trafic des entrées et sorties des différents festivals (de la bière, du vin, de la poterie à matante et autres) constitue le premier écueil. Suivent les piétons qui marchent sans regarder dans une piste mal balisée, ponctuée de passages en bois qui se transforment en patinoires à la moindre averse… Et hop encore un stationnement à franchir, puis un autre d’où les voitures sortent sans avoir de visibilité, pointant donc le nez de leur voiture dans la piste. Si on n’a pas encore eu d’attaque de panique, il reste à traverser la Place des canotiers à travers le déluge de passants, puis de le stationnement des croisières AML dont les clients sortent sans égard pour les cyclistes ou les piétions.

Plus de 2000 personnes roulent là tous les jours? Moi j'emprunte la rue. Avec les camions et les autobus, oui : parce c'est bien moins dangereux. Pas que je roule si vite. Dans ce coin-là, c’est relativement impossible, à moins d’entretenir un malsain rapport avec la mort. Mais au moins, les usagers de la route, engagés dans le trafic, regardent où ils vont (la plupart du temps). Je me mets au milieu d’une voie, comme une auto. C’est ce que j’ai trouvé de plus sécuritaire. J'aime mieux les klaxons des mécontents que de foncer dans un touriste distrait qui décide de mettre le pied devant moi de manière inattendue.

Plusieurs dénoncent la décision de la ville de redonner la voie asphaltée qu’emprunte la piste aux voitures. On y voit une démission de la part du maire. Un geste sans doute électoraliste.

J’y vois surtout le résultat d’un habituel manque de vision qui condamne trop souvent les cyclistes à une solution où le compromis vire à la compromission. J’ai longtemps défendu l’idée d’essayer de faire plaisir à tout le monde dans l’aménagement routier, je n’y crois plus vraiment. Du moins, pas partout ni tout le temps.

Il va bien falloir se déniaiser un jour et cesser de faire les choses à moitié. Avec ou sans piste cyclable dans une de ses voies, le Vieux-Port est un cauchemar automobile aux heures de pointe. Une voie de plus ou de moins n'y change pas grand chose. Commencer par y interdire les autobus, les fardiers, les camions de transport, et ainsi cesser d’en faire le lieu de transit qu’il ne devrait pas être, ce serait déjà bien. Éliminer entièrement la voie de droite en direction ouest pour la rendre aux cyclistes tout l'été, ç'eut été l'idéal. On avertit les citoyens: ne passez pas par là l'été, c'est tout.

Il ne s’agit pas, comme le croient quelques grands penseurs de la radio, d’en faire une guerre à l’automobile. Mais plutôt de repenser nos déplacements pour rendre les milieux de vie plus agréables. Les zones touristiques aussi. Et pour cela, oui, il faudra renoncer à aller partout, tout le temps, en auto.

Autrement, il va falloir deux choses pour qu’on arrive enfin à cesser de plaquer une piste cyclable n’importe où pour se donner bonne conscience en se fichant plus ou moins de la sécurité des usagers.

Du courage politique pour tenir tête aux fortes voix du statu quo. Puis une vision, une expertise, l’audace de faire peur aux conservateurs en présentant des plans qui bousculent les conventions et le confort des habitudes.

En attendant, vous me trouverez le plus souvent au milieu du trafic.

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