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Le blogue de David Desjardins

Le Giro en deux livres

15-05-2015

C’est le Giro, deuxième plus grand tour cycliste après celui de France. Mais pour plusieurs –dont moi-, c’est le plus spectaculaire, parce qu’enclin à la démesure. Il couronne non pas seulement des gagnants, mes parfois aussi des héros nationaux, acclamés par des tifosi hystériques, idoles d’un peuple.

Et l’histoire du Giro d’Italia, c’est peut-être Herbie Sykes qui la raconte le mieux.

Comme au cinéma

Dans un premier livre, intitulé Maglia Rosa, l’Anglais remonte à la naissance du Tour d’Italie, et retrace certains moments marquants qui jalonnent son histoire, mais aussi, -et c’est la force de ce journaliste qui œuvre entre autres chez Rouleur-, en racontant ses héros oubliés, ses histoires enterrées dans les mémoires, et qui n’ont jamais accédé au livre des légendes et des mythes de la boucle italienne.

On y croise évidemment les Bartali, Coppi, Gaul, Anquetil, Gimondi, Merckx et Cie. Certains chapitres leur sont entièrement consacrés, parce que des pans entiers de l’histoire du Giro le leur sont parfois aussi. De 1968 à 1974, par exemple, le Cannibale (Merckx) va remporter le Giro 5 fois. Il en fera d’ailleurs de même au Tour de France pendant la même période, remportant donc parfois ces deux grands tours la même année. Un exploit que vise en ce moment Alberto Contador, et qui n’a pas été réalisé depuis 1993, par Miguel Indurain.

Ce Maglia Rosa est un travail d’historien amoureux fou de vélo, qui fait alterner les faits glanés à gauche et à droite avec les témoignages, lorsque c’est possible, d’acteurs et de figurants qui étaient sur place.

Ainsi, lorsqu’il relate la mort d’Orfeo Ponzin, sur le Giro de 1952, Sykes livre un récit haletant, ponctué de morceaux de citations diverses, donnant son texte la forme d’une boule à facettes sur laquelle il envoie une lumière crue, donnant l’impression de projeter sur les murs de nos esprits une constellation de petites histoires à 360 degrés plutôt qu’un récit linéaire qui serait éclairé d’un seul projecteur de poursuite. D'où le sentiment d'immersion qui s'apparente au cinéma.

Héros oubliés

Pour son autre œuvre majeure, celle-ci sur Fausto Coppi, dont le nom est à jamais, avec celui de son rival Bartali, attaché à la légende du Giro, il laisse entièrement parler les autres.

Ceux qui ont croisé Coppi, et dont on a oublié jusqu’au patronyme. Ils ont gagné une étape. Ils ont terminé 4e ou 5e au général d’un quelconque Giro. Ils ont fait office de domestique, sous son règne, chez Bianchi. Ils racontent surtout leur histoire, dont la trajectoire croise celle de la superstar, et démontent parfois, au passage, les boulons de quelques statues. En particulier celle de Bartali, le pieux, qui en prend pour son rhume.

Ils sont pour la plupart paysans, ou alors issus de familles d’artisans (comme Marinoni, dont les aïeux étaient couteliers), et le vélo étaient pour eux une manière de s’extraire de leur condition. Parfois d’échapper à l’armée, au travail harassant. Certains ont pu amasser ce qu’il fallait pour s’émanciper de la ferme familiale, s’acheter un commerce. Coppi n’est pas un livre sur le Campionissimo autant que sur tous ceux qu’il voyait sans parfois reconnaître, sur ceux qu’il a aidé et trahi.

Ce livre, c’est l’histoire du cyclisme en Italie alors que l’Italie est atomisée par la guerre, et que le Giro et ses champions agiront comme le fil un peu grossier du patriotisme sportif qui viendra en recoudre les petits morceaux.

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