a.s.o./charly lopez
Non, c’est vrai, je n’ai encore rien écrit sur le Tour de France.
Pourtant j’y étais. En France, depuis la fin juin. Et sur le Tour, il y a quelques jours. Tout en haut du col du Soulor, dans les Pyrénées. J’y ai passé dix jours à rouler sans discontinuer ou presque. J’étais en vacances, je n’avais pas envie d’écrire. Juste de vivre, sans contrainte, sans compte à rendre. C’est rare quand même.
Je n’allais cependant pas rater la Grande Boucle qui passait presque à ma porte.
Le plan
Après avoir étudié la carte, j’étais allé en reconnaissance, trois jours plus tôt, pour tester mon parcours pour rejoindre celui du Tour. Je quittais de Lourdes (sûrement une des pires horreurs du tourisme religieux à ciel ouvert), contournais les montagnes en suivant la vallée du Gave de Pau vers l’ouest, puis j’obliquais vers le Sud, en direction de Laruns, au pied de l’Aubisque.
C’est mon col favori des Pyrénées, et tout en haut, il rejoint le Soulor par le sud, pile où passait le Tour en direction du final à Hautacam. Après, je suivrais le peloton, une fois la route rouverte. M’attendaient 20km de descente et autant de faux-plat descendant pour rentrer.
Foule sentimentale
C’était une journée chaude comme la France en a subi à la tonne cet été. Quelques semaines plus tôt, j’étais dans l’Hérault, chez des amis. Nous avons grimpé le Mont Aigoual dans une touffeur suffocante. En bas, dans les terres, il faisait 38.
Même en montagne, la fraîcheur se faisait rare. En haut du Tourmalet, je n’ai même pas mis de veste. Ni ailleurs, la plupart du temps, la fournaise à peine atténuée par l’altitude.
Je suis parti dans ce genre de chaleur écrasante qui n’était cependant pas pour éteindre l’enthousiasme des spectateurs. Sur mon itinéraire, j’empruntais un long segment plat du parcours du jour. Partout, il y avait des caravanes, des enfants, des familles, des tables pliantes, des drapeaux, des pancartes. C’était jeudi. On aurait dit qu’ils avaient fermé la région pour le passage du Tour.
J’avais déjà assisté à l’événement, une fois, en Corse, en 2013. Je n’avais cependant jamais mesuré l’effet que procure cette foule qui s’étire sur des kilomètres.
On la voit à la télé, elle fait partie du décor, mais une fois sur place, il y a quelque chose de réellement émouvant dans ce déploiement humain de gens qui, selon l’échantillon pas trop scientifique de mes discussions, ne connaissent pas grand-chose au vélo.
Mais tout le monde parlait de Kevin Vauquelin, l’espoir du moment, qui évolue au sein d’une équipe française pauvre et condamnée.
Dans le col du Soulor, ils étaient parqués par centaines depuis ma visite quelques jours plus tôt, pour avoir une place de choix. Ce serait la fête au sommet, jusqu’à ce que les coureurs soient passés.
J’en ai presque oublié la course à force de parler aux gens autour. Anyway, il n’y avait pas de signal au sommet et je ne pouvais donc pas suivre son déroulement sur mon téléphone. J’ai parlé avec un charmant veuf venu de Bretagne. J’ai flatté un âne. J’ai filmé, avec tout le monde, l’atterrissage d’hélicoptères monstrueux à côté de nous. Et puis j’ai évidemment beaucoup ri du ridicule de la caravane publicitaire qui précède le Tour et qui, quand on y pense, ressemble à la parade du Carnaval de Québec, dont chaque millimètre visible est commandité.
Puis Mike Woods est arrivé en tête au sommet, devant Mattias Skjelmose, suivi des autres échappés du jour. On voyait bien que ça avait tiré du canon dans cette montée tellement les coureurs arrivaient par petits groupes, tous exsangues, essorés par la chaleur et l’effort.
Le retour tout sourire
Une fois les coureurs passés, mon plan a déraillé : les gendarmes ne nous laisseraient pas descendre de ce côté du Soulor (vers Argeles-Gazost) avant une bonne heure. Il était 17h passées. Nous nous sommes donc rabattus pas dizaines vers les deux autres issues.
Si je reprenais l’Aubisque, je m’embarquais pour un autre 75km. J’allais essayer autre chose.
Je suis parti un peu à l’aveugle vers l’autre versant du Soulor. Nous descendions en grappes, parfois freinés par des voitures et des caravanes qu’il fallait dépasser. Tout le monde était de bonne humeur, et moi aussi. La perspective de devoir rouler encore deux bonnes heures pour rentrer ne m’ennuyait pas le moins du monde.
Nous avons fait la file en bas du col pour remplir nos bidons à la fontaine. Je me suis installé en position aéro, j’ai avalé un gel, et je suis parti à travers les champs délavés par le soleil, les petits villages, surveillé par les oiseaux de proie qui vous tournent toujours au-dessus de la tête dans ce coin du monde. J’ai filé comme une fusée, porté par la liesse de la foule que je laissais derrière moi.
À Payolle, je suis arrêté dans une petite épicerie. J’ai avalé un sachet d’arachides, un Coke, rempli un de mes bidons d’eau pour finir ma course, et j’ai mis deux grosses canettes de Leffe blonde dans mes poches de maillot.
Je les ai éclusées une fois rentré à l’appartement, en regardant la course sur mon ordi, en différé.
Par intérêt pour le sport, qui me passionne, mais aussi pour faire durer la fête du Tour qui fait bourdonner les routes de France.