Juste en regardant le parcours, on savait que ce Tour ne serait pas comme les autres. Avec l’absence de grosses pointures attendues et la performance surprenante des Français, on assiste à la plus belle course qu’on pouvait espérer. Un Tour comme dans le temps. C’est-à-dire avant que le talent acheté avec l’argent ne l’étouffe.
On entre dans le dernier droit du Tour de France. On n’a pas encore mis la roue dans les cols alpestres que déjà, le suspense est à son comble.
Vite comme ça, je ne me souviens pas d’un Tour aussi surprenant. Allez, on y va avec une affirmation à l’emporte-pièce : ça doit bien faire AU MOINS dix ans que la Grande Boucle n’a pas été aussi haletante.
2011, Cadel Evans remportait la course en faisant bailler tout le monde d’ennui. Et depuis, si on exclut la victoire de Nibali en 2014, c’est la Sky (désormais Ineos) qui a outrageusement dominé la course, l’étouffant sous son surplus de talent.
Voilà donc un improbable Julian Alaphilippe en jaune au pied des dernières montagnes. Un second héros français en Thibault Pinot, sans l’ombre d’un doute le mieux outillé des deux pour affronter les grimpeurs des autres nations.
Cocorico!
Je parle de pays plutôt que d’équipes à dessein : la France contemple pour la première fois, de manière plausible et réaliste, une victoire sur le Tour depuis… 1985. Et il faut le dire, c’est un peu l’hystérie dans les médias là-bas.
D’autant que les Français s’arrachent sur la route et y laissent tout. Ils gagnent des secondes avec des élans de bravoure. Ils conjurent leurs erreurs (Pinot, pris dans un coup de bordure) en attaquant avec panache.
Et nous voilà devant un Tour complètement ouvert, où rien n’est gagné. Donc tout est possible. Ou presque.
Je ne crois pas trop à Alaphilippe en jaune à Paris. Mais Pinot, ça oui. Toutefois rien n’est perdu pour Ineos. Et il faudra surveiller Landa (4 :54 du meneur), qui est loin mais va tout tenter parce qu’il n’a rien à perdre. De même que son coéquipier Valverde, affûté à mort, tout juste derrière lui au classement général (5:00). On les voit bien, l’un ou l’autre, victorieux sur une étape. Et peut-être vont-ils provoquer des mouvements de foule derrière.
Parlons-en, d’ailleurs, de ce classement général: derrière Alaphilippe, qui va vraisemblablement craquer dans les 3 prochains jours, vous avez Thomas, Kruijswijk, Pinot, Bernal et Buchman qui, dans l’ordre, se baladent à l’intérieur de la même minute d’écart. De 1 :35 à 2 :14.
Que dis-je : c’est 45 secondes! Et pour une fois, celui qui mène n’est pas le leader d’une machine incassable à fabriquer des champions.
Le niveau de tension dans le peloton va être à son comble dans les prochains jours. Il y a aussi des équipes qui tenteront de racheter leur Tour (comme Astana, sans doute, qui a perdu Fuglsang sur une chute et Luis Leon Sanchez qui n’en menait pas large mais tentait de survivre pour épauler son leader… jusqu’à ce que celui-ci doive capituler.
Au bout de mon siège
Les Michelton-Scott vont-ils continuer de récolter les étapes, ou tout au moins l’essayer en lançant des attaques à répétition?
Et surtout : que se produira-t-il chez Ineos entre Bernal et Thomas? Est-ce que Buchman pourra continuer de silencieusement grapiller les minutes? Avec l’équipe sans doute la plus constante du peloton cette année au Tour, Kruijswijk va-t-il se hisser en tête du classement?
Et finalement, Pinto tiendra-t-il le coup jusqu’au bout, pourra-t-il tenir Bernal à distance et reprendre le 15 secondes qui le séparent le Thomas.
Je sais pas pour vous, mais moi, je vais avoir de la difficulté à travailler l’avant-midi à partir de demain!