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Le blogue de David Desjardins

Un peu de progrès svp.

10-05-2016

Il y a quelques jours, la ville de Québec a fait plusieurs annonces concernant l’amélioration du réseau cyclable à Québec.

Bonne nouvelle, la Capitale commence à sérieusement envisager les déplacements cyclistes autrement que depuis l’angle du loisir. Pour preuve : la création prévue d’un axe cycliste nord-sud entre Limoilou et la Haute-ville, passant par la rue Du Pont, puis l’escalier de la Chapelle (le long du complexe Méduse) où sera aménagé un dalot afin de pouvoir facilement pousser son vélo jusqu’en haut.

Le problème ? Pour faire place à la voix cyclable, il faudra retrancher une voie aux automobiles, ce qui fera de Du Pont un sens unique.
 

La crainte des commerçants

Le projet a soulevé l’ire de nombreux commerçants dans le quartier St-Roch. Ils affirment que leurs clients, déjà ennuyés par la difficulté de stationnement, vont abandonner le secteur si on les prive de l’une des très rares voies à double-sens du quartier.

À leur décharge, c’est bien vrai, la circulation automobile dans le secteur est assez cauchemardesque. Mais de là à dire que cet aménagement pourrait nuire aux affaires du coin, c’est autre chose. D’autant qu’ailleurs, c’est généralement l’inverse qui se produit.

À Portland, on s’est rendu compte que les clients qui se déplacent à pied ou à vélo dépensent 24% fois plus que les clients motorisés. À New York, la création d’une voie cyclable protégée sur 9th Avenue a fait explosé le chiffre d’affaires des commerces qui la bordent, avec une augmentation de 49% (et en plus, ça a considérablement amélioré le trafic automobile). À Toronto, l’aménagement de réseaux cyclables a fait exploser le trafic cycliste. La clientèle n’a pas pour autant décliné dans les quartiers concernés. Au contraire.

En fait, l’amélioration du réseau cyclable est presque toujours synonyme de prospérité pour les entreprises aux alentours.

Maintenant, je comprends l’inquiétude de ces gens, mais il y a un truc qui m’ennuie ici. Et c’est qu’à la longue, les atermoiements du monde automobile concernant le développement du réseau cyclable deviennent sérieusement ennuyeux, en plus d’être stériles.
 

Pour en finir avec la complainte automobile

À entendre les automobilistes, il manque toujours de stationnement, d’espace pour circuler tant le trafic augmente. Comme on ne va pas raser les édifices pour élargir les rues en ville, il faut donc trouver d’autres solutions de transport. Comme le vélo. Or, pour ce faire, il faut offrir aux cyclistes la meilleure voie possible, c’est à dire la plus rapide, fluide, pratique, et en même temps sécuritaire. Ça veut dire, parfois, le long d’une artère. Ça veut dire couper des voies à certains endroits. Ou des stationnements.

Et comme on le sait désormais, les compromis, le plus souvent, ça ne fonctionne pas.

Un exemple? Il y a quelques années, quand on a proposé de faire un axe cyclable est-ouest sur René-Lévesque afin de relier le Vieux-Québec et l’Université Laval, les commerçants et les résidents du quartier Montcalm ont hurlé que cela les priverait de nombreux espaces de stationnement. D’autant qu’il y a aussi, sur ce boulevard urbain, une voie réservée aux autobus (autre objet de détestation).

Bon prince, je me suis dit qu’il ne serait peut-être pas fou d’épargner un peu ces pauvres gens (dont je suis, après tout, puisque je conduis une voiture moi aussi) et d’aménager la voie cyclable sur une avenue moins engorgée, soit Père Marquette, à peine quelques mètres au au nord.

Mais j’étais complètement dans le champ.

Je le sais, parce que c’est le projet qui a été retenu. Et c’est nul. Oh, c’est bien pépère, mais c’est surtout inefficace.  Il faut constamment s’arrêter, la cohabitation avec les voitures est loin d’être simple et la création de cet accès dédié aux transports à vélo a forcé un réaménagement des rues qui fait hurler les résidents. Bref, le compromis n’était finalement pas une bonne idée. Pire : il incite tous les utilisateurs à la délinquance parce qu’il est mal foutu en raison de sa situation.

On aurait du aménager la piste sur René-Lévesque. C’est tout. Ce serait rapide, fluide, sans problème.

Les automobilistes? Ils ne peuvent pas tout avoir. Ils ont déjà le confort d’un habitacle tempéré. La radio. Le Bluetooth pour parler au téléphone. Parfois, ils connaissent le malheur de devoir marcher deux coins de rue entre leur lieu de stationnement et le commerce où ils se rendent.

C’est peut-être ennuyeux et parfois moins pratique pour eux, mais les changements structurels dont ont besoin les villes ne se feront pas sans bouleverser leurs habitudes. Ils devront peut-être marcher 3 coins de rue, désormais.
 

C’est juste de la business

Quant aux commerçants, on comprend qu’ils craignent pour leurs affaires, déjà passablement difficiles. Mais si la ville va de l’avant en encourageant efficacement les déplacements à vélo, cela risque aussi d’augmenter considérablement le nombre de personnes qui transiteront par le quartier en route vers le travail ou la maison. Ça, c’est de nouveaux clients. Des clients qui, justement, ne venaient peut-être pas en raison du stationnement et de la circulation difficiles.

Tandis que la pratique du cyclisme hivernal explose, que Limoilou se met à déborder de bobos qui trippent vélo et que la circulation sur les principales artères de la ville est déjà parfois invivable, ça ne semble pas une si mauvaise idée que de créer un boulevard cycliste au cœur de ce quartier.

Le commerce décline dans les quartiers centraux de Québec et migre vers les banlieues. Quelques places de stationnement en plus ou une voie de circulation en moins n’y changeront rien. Ce qu’il faut stimuler, c’est le désir de vivre en ville autrement et attirer des résidents vers le centre en créant un espace de vie favorable aux déplacements alternatifs. Pour le vélo, ça veut dire des voies faciles d’accès, sécuritaires, des « racks à bécyks » en masse, et des commerces de proximité qui favorisent les arrêts fréquents…

C’est pas de la fantaisie. C’est pas de la politique. C’est pas un truc de granoles. C’est juste de la business. C’est de l’urbanisme. C’est une vision à long terme. C’est voir que le changement s’en vient, comme partout ailleurs, et s’assurer d’être à jour, comme ville, afin d’en tirer profit.

Allez, un peu de progrès svp. 

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