Publicité
Le blogue de David Desjardins

Une forteresse de solitude

29-07-2025

Faire le Tourmalet des deux côtés, c’est passer quelques heures à souffrir tout seul. Et c’est formidable.

Lorsque le mythique personnage de Superman doit s’isoler pour lécher ses plaies ou réfléchir au sens de ses actions, il se réfugie dans un endroit appelé « forteresse de solitude ».

C’est le nom que je donne à cette expérience transcendante qui consiste à rouler pendant de longues heures, sans personne pour partager sa trajectoire.

Au bout de trois ou quatre heures, l’expérience atteint un niveau méditatif que je suis incapable de reproduire autrement. Le flot de pensées qui affluait pendant les premières heures s’est tari. Il ne reste plus que l’expérience sensorielle pour habiter l’esprit.

Les jambes endolories. La beauté du paysage. Le vent et le soleil qui caressent la peau. La pluie qui fait greloter. Les poumons qui brûlent. Le regard qui surveille le danger. L’ouïe, un radar qui compense pour ce que l’œil ignore.

Il y a une sorte de vérité qui relève presque du sacré dans ces moments où je suis ainsi lancé dans le monde, à la poursuite d’une promesse d’évasion des soucis qui nourrissent mes angoisses et, autrement, m’habitent constamment.

J’ai redécouvert récemment ce plaisir qui flirte avec l’expérience mystique lors de mon récent voyage en solitaire dans les Pyrénées. Dix jours à ne rien faire d’autre que rouler.

J’ai l’habitude de rouler seul. En réalité, c’est ce que je fais la majorité du temps. Mes sorties avec des amis s’avérant plus l’exception que la norme. Relevé de mes fonctions de fiancé, de père, de patron, de propriétaire d’une résidence et de tout ce qui habite ma conscience au quotidien, je vivais une liberté adolescente, libre de toute contingence liée au monde adulte. Personne n’attendait jamais rien de moi. Ni moi de personne. Chaque jour, je décidais de mon parcours, pouvais le modifier à l’envi, partir à l’heure que je souhaitais et rentrer quand bon me semblait. J’allais à la vitesse qui me plaisait.

Qu’on m’entende bien : j’adore partir avec mes amis. J’ai profité de moments d’immense bonheur avec ma Fiancée et avec des potes dans les jours qui ont précédé ce périple. Et sans doute cela a-t-il contribué à créer un état d’esprit encore plus favorable à cette expérience dans ma forteresse de solitude.

Mais me retrouver dans un décor inconnu, partir à l’aventure chaque jour en n’ayant personne d’autre que moi-même pour me sortir du trouble, m’aventurer sur des routes périlleuses et mettre à l’épreuve mon corps en étant l’unique témoin des événements m’a apporté une joie intense, pure, que rien n’aurait pu édulcorer.

J’ai eu le sentiment de me retrouver. De sentir la vie circuler en moi avec l’intensité de mes 20 ans, alors que j’en ai 50.

Je n’ai jamais tenu en place assez longtemps pour méditer. Même le yoga actif me demande un effort de retenue. Mais pédaler pendant toute une journée, se concentrer sur son corps et sa respiration : voilà une sorte de pratique méditative qui m’amène ailleurs.

Hors du monde. Je sors alors de moi pour mieux y retourner. Le regard que je porte alors sur le monde est à jamais transformé.

Publicité

Autres suggestions

Le blogue de David Desjardins

Si par une nuit d’hiver, un fatteur…

C’était un jeudi soir. Certains s’habillaient pour aller au resto, pour sortir danser. Moi je chargeais mes lumières pour aller fatter. L’hiver ...
David Desjardins 28-11-2025
Le blogue de David Desjardins

Le cross country, ce mal aimé

L’an dernier, je me suis racheté un pur coursier de cross-country. Résultat : je n’ai jamais eu autant de plaisir avec un vélo de montagne. ...
David Desjardins 28-11-2025
Le blogue de David Desjardins

La guerre des plateformes

Avec l’hiver qui s’est pointé hâtivement, plusieurs cyclistes qui résident sous les cieux neigeux ont quitté le monde réel pour celui, virtuel, ...
David Desjardins 19-11-2025