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Le vélo de montagne, un sport de filles… aussi !

07-03-2022

© Yan Kaczynski

Avril 2020. De retour au pays après un tour du monde cycliste de quatre ans, je reviens à mes racines de vélo de montagne. Dès mon arrivée dans le stationnement, je réalise que le sport a changé : exit les dudes, le vélo de montagne est maintenant un sport de filles.

J’exagère, mais à peine. S’il n’y a pas de statistiques officielles sur l’achalandage des sentiers, certains centres, dont Empire 47 et Sentiers du Moulin, estiment à 30 à 40 % la présence féminine au quotidien. Benoit Simard, copropriétaire des deux boutiques Espresso Sports dans les Laurentides, le confirme : « Nous vendons actuellement autant de vêtements de vélo pour femmes que pour hommes. » Et l’anecdote de Maude Côté, présidente du C. A. du groupe cycliste Les Tordues, basé au mont Sainte-Anne, résume cette explosion de la demande : « Quand nous avons ouvert nos inscriptions de la saison 2021 à toutes, nos places se sont comblées en neuf minutes ! »

© Yan Kaczynski

De nouveau vélos

Une foule de raisons expliquent cet engouement. Audrée Vaillancourt a commencé le vélo de montagne en 1996 à l’âge de 13 ans, et les compétitions l’année suivante. Au fil des années, l’athlète a acquis une expérience de Coupes du monde en crosscountry puis en descente (dont une récente victoire en catégorie maîtres), en plus de participer à quelques courses d’enduro, de route et de fatbike.

« À mes débuts, se souvient-elle, les vélos étaient soit pour le cross-country, soit pour la descente. » Les adeptes pouvaient alors choisir entre le spandex et l’armure. « Le cross-country, poursuit Audrée Vaillancourt, c’était pour les athlètes avides de performance, tandis que la descente attirait les kamikazes qui se rendaient au sommet de la montagne en télésiège. »

L’apparition progressive des vélos d’enduro et de trail est venue combler cet espace entre les disciplines en permettant d’ouvrir ses poumons lors des montées et d’obtenir une dose d’adrénaline de l’autre côté. « Dans ma jeunesse, relate Audrée Vaillancourt, on faisait presque nécessairement toujours de la compétition. Depuis les vélos d’enduro, plus polyvalents, le sport a été démocratisé, et les gens le pratiquent maintenant pour le simple plaisir, moins soucieux de performance. »

A. Vaillancourt © Alain Denis – Trees Mountain Appareil

De nouveaux sentiers

If you build it, they will come, comme disent les rêveurs. Des centres de vélo de montagne ont poussé et grossi un peu partout dans la province, accueillant chaque année une clientèle plus importante, parmi laquelle un nombre croissant de familles qui débarquent avec leurs quatre vélos de montagne.

Marie-Christine Daignault, créatrice du populaire blogue Filles de bois, répète le mot plus en parlant de cette offre grandissante. « Il y a plus de centres, plus de pistes par centre, et celles-ci sont plus roulantes. Elles contiennent également moins de roches et de racines et ont plus de flow. » « Nous avons de vraies pistes, maintenant ! » se réjouit le « vieux de la vieille » Benoit Simard. « Comme beaucoup, j’ai longtemps roulé sur des pistes de quatre roues. C’est aujourd’hui vraiment plus facile et sécuritaire de débuter et de progresser. »

M-C Daignault (Filles de bois) © Sébastien D’Amour

Un nouveau marché

Il y a une dizaine d’années, plusieurs manufacturiers se sont rendu compte qu’ils ne s’adressaient qu’à la moitié masculine du marché. Des marques et gammes de vélos commercialisées à l’intention des femmes sont progressivement apparues, accompagnées d’accessoires et de vêtements. Au-delà des couleurs différentes, ce sont les trois points de contact qui établissent la plus claire distinction : la selle, les guidon et poignées, de même que les souliers. Audrée Vaillancourt se remémore l’époque où les quelques filles devaient porter les plus petites tailles des vêtements de vélo ou de motocross pour hommes. « On nous identifiait par nos queues de cheval qui dépassaient du casque ! »

De nouveaux clubs

Conjointement aux vélos polyvalents, aux pistes sécuritaires et à l’équipement adapté à la morphologie féminine, des modèles féminins se sont distingués.

Ce rôle a été inspiré à Geneviève Baril-Guérard lors de son année en Colombie-Britannique. « J’ai participé là à une fin de semaine de cours pratiques spécifiques aux femmes, raconte-t-elle. Certaines descendaient aussi vite que les boys et faisaient le gros drop. J’ai eu moi aussi le goût de devenir un modèle pour mes paires. » À son retour au Québec, Geneviève Baril-Guérard ramène cet esprit de communauté et fonde en 2014, avec son amie Catherine Pitre, le chapitre de Bromont des Muddbunnies. Un autre chapitre suivra à Oka en 2016. Le club cycliste féminin a comme but de « sortir à vélo entre filles, avoir du plaisir, s’inspirer mutuellement, partager ses forces, et surtout montrer la possibilité d’évoluer dans le sport sans avoir à se casser des membres ou jouer au superhéros ! » Cette manière de voir les choses diverge agréablement de la méthode d’apprentissage typiquement masculine, où le « t’es pas game » et les points de suture étaient à l’honneur.

Ce désir d’inspirer et d’aider est également ce qui a poussé Dominique Alarie à mettre sur pied Les Poules qui roulent. « J’ai fait ma première sortie de vélo de montagne en 2012 à 39 ans… et ça a été la pire expérience de ma vie ! » rigole celle qui a pourtant persévéré grâce aux encouragements de sa meilleure amie. « Le niveau était trop élevé pour moi, continue Dominique Alarie, et je me suis dit que si toutes les femmes commençaient de cette façon, il n’y en aurait pas beaucoup dans les sentiers ! » Le groupe Les Poules qui roulent était né. D’abord à Mont-Tremblant, puis à Sainte-Adèle et à Bromont, avec comme objectif d’offrir un cadre sécuritaire et adapté aux femmes voulant s’initier gratuitement au vélo de montagne sans pression de performance.

Une approche plus sécuritaire

Cet apprentissage sécuritaire revient dans pratiquement toutes les conversations. « Le vélo était perçu par la communauté féminine comme un sport extrême, croit Dominique Alarie. Nos nombreuses bénévoles tentent lors de nos sorties de démontrer qu’il s’adresse plutôt à toutes les générations et niveaux d’habiletés. »

Maude Côté a cofondé le groupe Les Tordues dans la région de Québec. Elle considère qu’elle-même apprend plus rapidement en compagnie d’autres filles du même calibre. « Même si mon copain ralentit son rythme, je ne suis pas toujours certaine d’être capable d’emprunter les mêmes lignes que lui. En roulant entre filles, nous observons les lignes des unes et des autres et travaillons davantage l’aspect technique. Nous nous encourageons, non pas à être parfaites mais à oser essayer ! » Marie-Christine Daignault, du blogue Filles de bois, abonde dans le même sens : « Les femmes parlent davantage de sécurité, de contrôle, de technique. Nous décortiquons la façon de franchir un obstacle avant de nous lancer. »

Au bénéfice de tous

Depuis mon retour aux sentiers où j’ai été surpris par toutes les femmes dans le stationnement du centre de vélo de montagne, le nombre d’adeptes ne fait que continuer d’augmenter. Il y a davantage de femmes, mais également d’enfants, de familles au grand complet, et même de chiens accompagnateurs !

Cette démocratisation du sport et la présence constante de groupes d’apprentissage en forêt ont eu des effets bénéfiques sur mon propre pilotage. Roulant en sentier depuis une vingtaine d’années, je me suis mis cet été à regarder des vidéos YouTube par souci de mieux comprendre mes erreurs et de perfectionner ma technique. Maude Côté, des Tordues, résume cette incroyable diversité où toutes trouvent leur place et contribuent à améliorer le sport : « Des femmes ultra en forme, des crinquées de descente, des compétitives, des contemplatives, des femmes qui font des drops de dix pieds, certaines qui aiment les montées techniques et d’autres les descentes flowy, des femmes qui y vont maquillées et d’autres en ample t-shirt, des femmes petites, grandes, sur des hardtails ou des vélos de descente… Tout ça dans la même journée ! »

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