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Actualités, Reportage

Les bienfaits de la déconnexion

04-08-2025

© Marie-Christine Daignault

« J’aime le vélo de montagne parce que lorsque je roule, je n’ai pas le temps de penser à ma liste d’épicerie ! »

Marie-Christine Daignault

Cette image forte, constamment répétée par les adeptes, exprime bien le sentiment de liberté ressenti quand on se retrouve derrière un guidon à piloter entre roches et racines. Finis les tracas, notre cerveau expulse tous les petits stress du quotidien pour se concentrer à 100 % sur la tâche, à grandes doses d’adrénaline.

Paradoxe étrange : alors qu’on recherche la liberté en montagne, les sentiers n’ont jamais été aussi segmentés, chronométrés, géolocalisés. Photogéniques, ils sont devenus la scène de nos exploits, un canevas parfait pour animer nos 15 secondes de gloire. Cellulaire en main, nous traçons et immortalisons nos sorties, publions nos prouesses, nous informons auprès de groupes de passionnés, accumulons les statistiques. Arrive inévitablement le moment où nous nous comparons. Alors revient le stress… L’activité n’est plus une partie de plaisir, c’est la conquête d’un trône virtuel, une récompense sociale, une chasse aux followers. Pas besoin d’être un athlète aguerri pour se sentir vite opprimé ou dépassé par tout ce bruit virtuel qui nous éloigne toujours un peu plus des raisons premières qui nous ont poussés à pratiquer notre sport, à commencer par ses bienfaits sur notre santé physique et mentale.

Trouver un équilibre dans un univers de dualité

Je ne sais pas si, comme moi, vous êtes quelquefois troublé par le clivage des opinions sur les réseaux virtuels, plateformes sociales et groupes privés qui visent, à la base, à réunir des gens qui partagent une même passion. Parfois, au lieu de créer des discussions, on a l’impression de se retrouver au centre d’un débat manichéen sans nuance.

Que ce soit concernant les freins, la transmission, la géométrie, les suspensions ou le choix du vélo, il est possible, dans un même échange, de lire tout et son contraire. Chacun y va de ses convictions, de son expérience. S’installe alors un dialogue de sourds au cours duquel se forment des clans, ce qui donne, malheureusement, l’impression qu’il faut choisir le sien ! Avec ou sans moteur ? Mulet ou traditionnel ? Progressif ou linéaire ? Cross-country ou enduro ? Naturel ou travaillé ? Ketchup ou mayonnaise, avec les frites ?

De quel côté de la force êtes-vous ? Les débats sans fin sont nombreux, et chacun cherche le meilleur. À la question : « Quel est le mieux entre X et Y ? », la réponse plate est : « Ça dépend. » Il est vrai que tout peut s’avérer bien ou mal… selon son contexte. Il n’y a pas vraiment de marque inadéquate, de configuration idéale, de composants magiques ou de vérités absolues… il y a seulement des options !

Pour choisir ce qui nous convient réellement, notre premier devoir est de prendre en considération notre situation personnelle et non pas de jouer au voisin gonflable. Où est-ce que je roule ? Avec qui ? Combien de fois par saison ? En visant quel objectif ? Sur quel type de terrain ? Qu’est-ce qui me fait plaisir ? Quel est mon contexte ? Où ai-je vraiment le sentiment de me réaliser ? Est-ce que je m’informe auprès des bonnes sources ? La personne qui me conseille tient-elle compte de ma réalité ?

Décrocher de la comparaison

Dannie Rousseau, instigatrice du groupe privé Girls go MTB sur Facebook, constate que les médias sociaux sont à la fois source d’inspiration et de stress. On peut y nouer des amitiés, voire y trouver l’amour, apprendre, découvrir des destinations nouvelles. Du même souffle, elle ajoute qu’on peut aussi vite se mettre beaucoup de pression à vouloir publier ses plus belles prouesses et à se comparer en regardant celles des autres. « À partir d’une seule photo entraperçue sur un fil d’actualité, on peut se juger, se bâtir des appréhensions. Il importe de relativiser : c’est juste une photo, un instant, on ne sait pas comment ça s’est vraiment passé dans ce sentier. »

Dannie Rousseau remarque combien il est épuisant de ne pas suivre son propre rythme. « À force de se comparer, vient un moment où on est un peu déçu de ses performances, observe-t-elle. C’est bien de s’inspirer des plus forts ; toutefois, on ne doit pas perdre de vue sa progression individuelle. » D’abord très active sur les médias sociaux, elle a choisi, dernièrement, de prendre un pas de recul, de revenir à ses racines, à ses motivations personnelles, à ce qui l’a amenée à se passionner pour son sport. « Je me suis posé beaucoup de questions sur la pertinence de publier mes photos et vidéos. Je trouve ça bien d’en prendre, mais les publier me semble de moins en moins important. J’essaie de profiter davantage de l’instant présent. Il m’arrive parfois d’être contemplative, méditative. Je veux apprécier pleinement ces moments que je passe avec moi-même sur mon vélo. »

« Je suggère de faire comme on fait sur le tapis de yoga : écouter sa respiration, habiter son corps pendant l’activité, vivre et profiter du moment. On ne regarde pas les autres, on reste à l’intérieur de soi. »

Dannie Rousseau

Déconnecter pour mieux se reconnecter

Même son de cloche du côté d’Anne-Marie Gauthier, une athlète de cross-country qui a participé à sa première Coupe du monde en vélo de montagne en octobre 2023, à l’âge de 39 ans. « À coups de Queen of the Mountain, de segments et de vitesse, on expose une vitrine de performance sportive qui peut mener à la comparaison. »

Selon elle, la chasse à la récompense cache une pression de performance que peuvent éventuellement ressentir, même s’infliger, les sportifs, qu’ils soient compétitifs ou récréatifs. « J’ai toujours aimé Strava : l’effet de groupe, l’inspiration de mes amies, la ludification des entraînements. Sans compter que je peux suivre mes sorties, le kilométrage parcouru et ma cadence. Selon la maturité de chacun, ça risque d’enclencher une spirale de comparaison. Bien humblement, ça m’a déjà joué des tours. À la course à pied, en vue de mon premier marathon, je me suis mal entraînée à cause de ce désir (certes malsain) de maintenir un pace moyen public acceptable. Tellement nono, j’en conviens ! » raconte-t-elle.

Ce constat établi, Anne-Marie Gauthier a décidé de revenir au plan d’entraînement sur papier, munie d’une bonne vieille montre à chronomètre. « La préparation de mon deuxième marathon a été bien meilleure : je n’écoutais que moi et mes réelles zones 1. Puis j’ai couru Boston, sans montre, dans le plaisir et la pleine conscience, et en retranchant 20 minutes à mon temps de qualification », cite-t-elle en exemple comme bienfait de la déconnexion.

Aujourd’hui, Anne-Marie Gauthier a une relation amour-haine avec Strava. « Chaque personne a son contexte particulier et ses propres motivations, objectifs, priorités… Oui, je l’avoue, j’ai récemment ressenti un petit inconfort en me comparant, alors sans hésiter, je me suis à nouveau déconnectée. Pour me ramener aux réels bienfaits du sport, pour moi. Juste un gros crochet de fierté, à moi de moi, sur mon plan d’entraînement en papier ! » Pour elle, les bienfaits sont grands : se recentrer sur soi et ses objectifs, et sentir qu’elle le fait pour elle et elle seule.

Bonne dé/re/connexion !

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