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Un dimanche au Tourmalet

13-07-2017

Mes jambes sont molles. Je me tourne vers Marie-­­Josée et Luc, cherchant dans leur regard la réponse à la question qui me tenaille : pourquoi ne retournerions-­nous pas à l’hôtel ? Bon, Marie-Josée Gervais, grande maîtresse des Défis du Parc, n’est pas du genre à reculer devant un défi. Quant à Luc Arvisais, il se coltine de 5000 à 6000 km chaque année et il ne semble pas nerveux. Certains de nos compères français ont 65, voire 70 ans : la montagne, ils connaissent, ils sont nés dedans.

Bon, le départ sera donné dans cinq minutes, trop tard pour lâcher. Ça démarre doucement, car nous sommes en ville, à Bagnères-de-Bigorre, et les 15 premiers kilomètres doivent servir à s’échauffer. Après 3 ou 4 km, ça commence à monter, des buttes, 6 ou 7 %, 500 m de long. Mais la vitesse ! Dieu que ça roule ! Le calibre est très fort. Après être passé à travers ce premier segment, plus de doutes : ce sera dur !
Nous pédalons ensuite une cinquantaine de kilomètres en direction de Lourdes, puis de Luz-Saint-Sauveur où nous attend… vous savez qui ? Le Géant des Pyrénées, le Tourmalet, le « mauvais détour » d’après le patois gascon. Ce tronçon est magnifique, relativement plat, et il permet de retrouver les bonnes sensations dans les jambes.
Quelques kilomètres avant Luz-Saint-Sauveur s’amorce un faux plat, et on aperçoit le profil des Pyrénées pour la première fois. Wow ! Les cimes enneigées, la verdure des montagnes : c’est bien vrai, c’est là qu’on va. En sortant de Luz, ça grimpe déjà sérieusement, et le compact à cassette de 28 dents est sollicité. Pas de réserve, tout à gauche.

À l’assaut du Géant

Puis arrivent les choses sérieuses : un virage serré à droite, et le ­panneau annonçant le col du ­Tourmalet, 19 km, 7,39 % de moyenne. Il fait un temps splendide, 25 degrés sans vent, tout va bien. Le premier tiers n’est pas trop difficile, jusqu’à Barèges. Après, ça se corse, et les pentes deviennent plus prononcées, rien d’extrême, mais un 8,5 % soutenu qui ne lâche pas avant Super ­Barèges, la station de ski ­située aux trois quarts de la montée. Les organisateurs y ont placé un ravitaillement, liquide seulement, fort bienvenu. Le reste de l’ascension sera rude, les pourcentages rarement sous les 8. On ne peut pas dire que ça fait mal, cependant le corps entier se vide, incluant la tête, alors on s’arrête prendre des photos, la belle excuse… Le dernier kilomètre viendra nous arracher tout ce qu’il nous reste avec des tronçons à 12 %. L’arrivée au sommet est quelque peu chaotique à travers les autocaravanes, les vélos, les lamas, bref, pas bucolique du tout, mais ô combien satisfaisante.

Un point de ravitaillement nous attend au sommet du Tourmalet. Au menu : eau, Coca-Cola, brioche et, quelle ne fut pas ma surprise, des saucissons bien gras mais tellement délicieux. Je confesse que j’ai abusé desdits saucissons, me disant que si les Français, qui s’y connaissent en vélo, le suggèrent, c’est que ça doit être bon.
La descente du Tourmalet vers Sainte-Marie-de-Campan n’est pas de tout repos. Le début est si abrupt qu’on a l’impression de monter dans un manège. Passé la station de La Mongie, il y a quelques paravalanches, des tunnels où, attention ! les animaux en liberté se réfugient par mauvais temps. Ils s’y soulagent, rendant la chaussée très glissante et, comme il y fait sombre, il faut redoubler de prudence, parole de votre humble serviteur.

Ouf, un premier col de La Pyrénéenne de franchi, et pas le moindre. Il en resterait un. Selon le profil du parcours étudié avant le départ, il ne paraît pas trop exigeant. Le Sarrat de Bon débute par un raidillon à 15 %. On se dit : « OK, le pire est fait. » Mais non, ça se poursuit à coups de passages escarpés sur quelques kilomètres avant de se modérer avec des 3-4 %, le tout sur 6 km – si le parc de la Mauricie a sa côte « Pas nécessaire », la Pyrénéenne 2016 a sa « Pas fine ». L’arrivée au lac de Payolle a lieu dans un cadre enchanteur, merveilleux, surnommé le Petit Canada en raison des hauts conifères et du microclimat qui fait tomber d’importantes  quantités de neige sur le secteur. Le délicieux repas, l’ambiance à l’arrivée et le ­décor contribuent à faire oublier ­rapidement la longue, très ­longue journée.

À faire dans la foulée

Nous avons eu la chance d’être accompagnés et guidés par quelques membres du club Avenir Cycliste de Bagnères-de-Bigorre, dont le président, Gérard Labrunée. Ces messieurs nous ont cajolés toute la semaine en nous amenant sur des parcours superbes. D’abord, la Hourquette d’Ancizan, majestueux col d’une dizaine de kilomètres avec 500 m d’ascension à partir de Payolle, pas trop raide ni trop long, aux paysages à couper le souffle, et toujours ces zones pastorales et ces animaux en liberté. Puis le col d’Azet depuis Saint-Lary-Soulan, plus long et plus raide, d’où la vue s’étend sans discontinuer sur la vallée de la route en corniche. Enfin, rien de plus magique que de s’offrir la descente du lac de Payolle vers Bagnères-de-Bigorre : 25 km et 545 m de dénivelé négatif. Il s’est passé quelque chose de mémorable lors de ce court segment : les gros rouleurs du club avaient envie de s’éclater, alors ils se sont mis devant le peloton d’une dizaine de cyclistes et nous ont fait « descendre » vers Bagnères. On se serait cru en pleine course, les ­17 premiers­ kilomètres parcourus à une moyenne de 46,6 km/h. Époustouflant !

Nous avons terminé cette semaine de rêve par une randonnée d’une soixantaine de kilomètres vers Lourdes, puis retour par des campagnes tranquilles et un dernier col, celui de Lingous, 8 km à 3,7 %, tout doux. Des paysages inouïs, des circuits variés, des visites passionnantes et surtout des gens extraordinaires, d’une remarquable générosité et d’une simplicité attachante, voilà le sommaire d’un voyage que je vous recommande de faire au moins une fois dans votre vie. Et vous savez quoi ? Même si 1574 km au compteur avant de se lancer dans cette aventure, c’est bien peu, sachez que tout doucement, la montagne vous récompense, vous redonne ce qu’elle vous a pris au début et, quelques centaines de bornes plus tard, vous n’êtes plus le même cycliste.

Le Tourmalet

Octave Lapize fut le premier cycliste du Tour de France à atteindre le sommet du col du Tourmalet le 21 juillet 1910. L’étape Luchon-Bayonne – longue de 325 km et comprenant les montées successives des cols de Peyresourde, d’Aspin, du Tourmalet et d’Aubisque – restera dans les mémoires comme la plus difficile jamais courue. À l’arrivée, Lapize a vilipendé les organisateurs du Tour présents en leur lançant le, depuis, célèbre : « Vous êtes des assassins. Oui, des assassins ! » La statue de Lapize trône tout en haut du Tourmalet depuis le 26 juin 1994. Elle y passe les étés mais est descendue chaque hiver car, une fois recouverte de neige, les skieurs pourraient l’endommager ou, pire, se blesser en la frappant.

 

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