Le vélo en Inde
C’est en mars 2014 que le Pondy Cycle Tour voit le jour au centre culturel Sita de Pondichéry. Aux résidents et aux étrangers désireux de découvrir et parcourir la ville autrement, on propose d’abord le Wake up Pondy Tour puis, à partir de novembre 2015, l’Afternoon Photo Tour.
Il faut savoir qu’il n’y a pas si longtemps, en Inde, la majorité des gens se déplaçaient à vélo, moyen de transport aussi commode que peu dispendieux. Un boom économique plus tard, les particuliers ont pu se procurer motocyclettes et voitures, reléguant ce bon vieux vélo au rang peu reluisant de « moyen de transport utilisé par les pauvres ». Aujourd’hui, les mentalités tendent vers la renaissance du vélo alors que les questions environnementales, notamment, se font de plus en plus pressantes partout au pays.
C’est donc sans grande surprise qu’on constate l’absence de règlements entourant les déplacements à vélo dans la ville de Pondichéry, à l’instar du reste de l’Inde. Ici, c’est le gros bon sens et l’impétuosité (que dis-je, la folie !) de la circulation qui incitent les cyclistes à la prudence. Aller à vélo dans une ville indienne est souvent synonyme de lutte : celle qu’on doit mener afin de prendre sa place dans le trafic et celle qui exige de repousser ses instincts de cycliste occidental dans un État où vélos, mobylettes et voitures roulent à gauche.
En Inde, le port du casque de vélo n’est que vaguement recommandé (le centre culturel Sita s’assure tout de même de proposer des casques de qualité à ses visiteurs). À Pondichéry, point de pistes cyclables. C’est en pleine rue qu’on pédale et qu’on plonge dans cette frénétique vie indienne. Heureusement, la chaussée asphaltée de la ville blanche (ancien surnom donné au quartier français englobant aujourd’hui toute la ville) est en bon état, et la température agréable lorsqu’on prend la sage décision de partir tôt le matin.
Dans les 53 plus grandes villes de l’Inde, les deux moyens de transport les plus utilisés pour se rendre au travail sont le vélo et… les pieds ! Dans tout le pays, on souhaite ardemment redonner au vélo ses lettres de noblesse, non seulement parce que c’est un moyen de transport durable, mais également parce qu’il s’agit d’un générateur économique important (on n’a qu’à penser aux divers emplois qui y sont reliés, de l’entretien à la vente en passant par la réparation). À Pondichéry, la circulation est parfois si intense que le gouvernement fait pression afin que le vélo trouve un second souffle ; on tente d’implanter dans la ville le concept de ville intelligente, par exemple en limitant aux seuls piétons, en soirée, l’accès à la promenade et peut-être bientôt à l’ensemble de la partie historique de la ville.
Explorer Pondichérysur deux roues
C’est en compagnie de Manisha que j’ai découvert Pondichéry à vélo (un vélo vintage et coloré, de surcroît), lors d’une randonnée de deux heures relevant davantage de la balade contemplative que du défi sportif. Aux alentours de 7 heures du matin, la ville se fait ombragée, plutôt tranquille et franchement chaleureuse. En nous conduisant à travers les routes et ruelles de cette ville qu’elle connaît par cœur, notre guide en a profité pour partager avec nous les joyaux locaux et les véritables perles historiques de Pondy, ville fondée par les Français en 1674 et délaissée par la majeure partie de ceux-ci après la guerre et l’indépendance en 1947.
Dans un français impeccable, Manisha nous a raconté sa ville natale en abordant sa richesse multiculturelle (la population est en majorité hindoue, mais de nombreux chrétiens et musulmans y vivent), son ouverture sur le monde, son architecture tantôt indienne, tantôt française. L’arrêt à l’église du Sacré-Cœur, située sur MG Road et dont la façade orangée allie caractère oriental et style gothique, m’a, à l’avenant de l’incursion dans le quartier musulman, donné le sentiment de respirer du même souffle que les habitants.
Alors que je mettais la clé dans la serrure de mon vélo laissé sans crainte devant l’animé marché Goubert, Pondichéry m’a charmée par son côté sécuritaire au cœur d’une folie typiquement indienne. L’excursion, fort dépaysante dans ce marché situé en plein centre de la ville, s’est faite à la fois gourmande et poétique.
En empruntant la toute calme rue Nehru menant au fameux ashram de Sri Aurobindo comme en me promenant dans le minuscule village de pêcheurs de Kuruchikuppam, l’impression d’arpenter une Pondichéry inconnue de la majorité des touristes m’a émue. À Pondichéry, j’ai pédalé dans le sable sur une plage léchée par le golfe du Bengale. J’ai fait un clin d’œil au dieu Ganesh en passant devant le temple Manakula Vinayagar et j’ai salué la statue de Gandhi en fendant l’air salé, le long de l’avenue Goubert toujours bondée en soirée. J’ai aussi vu défiler les bâtiments à l’architecture coloniale du célèbre quartier français (également appelé le quartier Heritage), à l’est du canal séparant la ville en deux, depuis les rues François Martin, Romain Rolland, Dumas et Saint Louis.
« Notre but est de faire connaître la ville aux gens d’une façon locale, durable, relaxante et authentique, m’a expliqué Manisha entre deux coups de pédale.
Grâce à une activité aussi aisée que le vélo, nous créons des moments de rencontres, d’échange et de discussions entre les participants, puis entre les visiteurs
et notre belle ville. »
C’est d’ailleurs pour cette raison que le Wake up Pondy Tour se conclut dans le jardin ensoleillé du centre culturel Sita, où les cyclistes de partout dans le monde partagent un délicieux déjeuner français ou sud-indien. Ce dernier, exotique à souhait et présenté sur une feuille de palmier, sera composé de masala puri (sauce à base de pommes de terre, curcuma et poudre de piment rouge) servi entre deux pooris (pains ronds frits), d’upma (mélange de semoule, lentilles, poivron vert, graines de moutarde et gingembre), d’idli (petits pains de farine de lentilles fermentées et de riz), de chutney de noix de coco et de dosas (crêpes).
Langues parlées : tamoul, telugu, malayalam et hindi
• Il faut compter 1200 roupies indiennes par personne, soit environ 24 $, pour prendre part au Wake up Pondy Tour. Ce prix inclut les services d’un guide, la location d’un vélo, une carte de la ville, une bouteille d’eau, la location d’un casque et le petit déjeuner façon sud-indienne ou française.
• Le vélo vient de l’atelier My Vintage Bicyclette, une jeune entreprise dont la fondatrice, Fionna, est une artiste française établie à Pondichéry. Sa spécialité ? La personnalisation de vélos dans le but de transformer ceux-ci en moyens de transport attrayants, originaux, rétro et colorés tout en préservant le style indien. En outre des tours guidés à vélo, la compagnie offre un service de restauration de vieilles bicyclettes où artistes peintres et cordonniers locaux démontent puis réassemblent les vélos à leur manière en partant de zéro (chaque pouce de matériel composant les vélos est remodelé). Les accessoires colorés sont également vendus au centre culturel (phares et feux, paniers, selles en cuir…).
• Pour en savoir plus sur les balades à vélo à la découverte de Pondichéry proposées par le centre culturel Sita : pondicherry-arts.com/fr