Chaque cycliste a exploré le territoire entourant son lieu de résidence. Dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres, sentiers, chemins ou routes bitumées ont été roulés. En terrain de connaissance, la notion d’aventure se perd, à moins de diversifier sa pratique. C’est ce que j’ai fait en remontant et descendant la rivière des Mille Îles sur une trentaine de kilomètres.
J’ai la chance d’habiter à Terrebonne proche de la rivière des Mille Îles. Longue d’une quarantaine de kilomètres, celle-ci a une bonne largeur et un débit généreux. Elle prend sa source au lac des Deux Montagnes, lui-même un élargissement de la rivière des Outaouais. À défaut d’accueillir autant d’îles que son appellation le laisse entendre, elle en est tout de même parsemée d’une centaine qui sont plutôt de format poche. Alors qu’elle était un lieu de baignade dans la première décennie du XXe siècle, l’urbanisation rapide a dégradé la qualité de ses eaux, et ses plages ont été fermées dans les années cinquante. Depuis, 14 stations d’épuration nettoient l’eau, rendant la pratique des activités nautiques tout à fait acceptables.

Au mois d’août, la flore de la rivière arrive à sa pleine maturité.
La rivière des Mille Îles est un écosystème riche. Quand on navigue sur ses eaux, les érablières sur ses îles, les herbiers et marais, les plantes flottantes font oublier qu’on est si proche d’une zone urbanisée. Les espèces animales y sont également très présentes : une quarantaine d’espèces de mammifères, 25 espèces de reptiles et d’amphibiens, 60 espèces de poissons et 200 espèces d’oiseaux s’y abritent.
Ma petite aventure d’une journée consiste à pédaler jusqu’au lac des Deux Montagnes, un canot gonflable et tout le matériel nécessaire fixé sur mon vélo. Ce sera ensuite au tour de mon canot, cette fois-ci gonflé, de transporter mon vélo, et à moi de pagayer dans le sens du courant jusqu’à la maison.

Le canot bien roulé se glisse dans un support fixé sur le guidon.
Je roule bien serré mon canot gonflable Kokopelli Twain-Lite afin de l’installer dans son support sur mon guidon. À l’arrière, dans un sac de selle, j’ai tout ce qu’il faut pour la partie navigation : une pagaie démontable, le sac de gonflage, un gilet de sauvetage, un pique-nique… L’ensemble prend de la place, mais le vélo reste facilement manœuvrable.
Pour suivre la rivière, il suffit d’emprunter la côte de Terrebonne (route 344), qui deviendra chemin de la Grande-Côte un peu plus à l’ouest. Comme cette route n’est pas directement au bord du cours d’eau, on ne doit pas hésiter à prendre, quand on le peut, les rares voies cyclables qui le longent. Je traverse Bois-des-Filion et Lorraine, marque une pause à Rosemère histoire d’admirer la bibliothèque fleurie. Le parcours est plutôt urbain, mais tranquille en milieu de journée, et une piste cyclable borde la route. Je traverse Boisbriand puis arrive à Saint-Eustache.

Quelques rares voies cyclables longent la rivière jusqu’au lac des Deux Montagnes.
Je m’arrête juste en face de l’église de Saint-Eustache, sur la promenade Paul-Sauvé, où se trouve la rampe de mise à l’eau. Le canot est gonflé relativement rapidement grâce au sac de gonflage. J’enlève la roue avant de mon vélo et fixe le tout à l’aide de lanières à la proue de mon embarcation.
Dès les premiers coups de pagaie, je suis rassuré quant à la stabilité du canot. Le poids de mon vélo ne déséquilibre pas trop l’ensemble, et je peux progresser en ligne assez droite sur la rivière. Je suis loin d’aller aussi vite qu’à vélo : je chemine à un petit 6 km/h en pagayant régulièrement, 8 avec l’aide du courant.
C’est incroyable comme le paysage est différent quand on est au cœur de la rivière. L’urbanisation laisse la place à une végétation luxuriante. Les zones de marais sont fleuries de plantes aquatiques, de grandes feuilles vertes flottant à la surface de l’eau. Sur le bord, les maisons sont parfois cachées par de hauts arbres. Au début de ma navigation, le cours d’eau est large. Lorsque j’arrive au niveau de l’autoroute 13, je slalome dans un chapelet d’îles. Sous le pont, ma voix résonne et j’entends le grondement sourd des voitures.
Maints oiseaux s’envolent à mon passage. D’autres ne daignent même pas relever la tête, continuant de piocher dans la rivière pour se nourrir. Un héron lève le bec, avalant un poisson qu’il vient tout juste d’attraper. Des familles de tortues se chauffent au soleil sur les rochers, avant de plonger si je m’approche trop près. Dans les herbes, des bouillonnements signalent la fuite de poissons.
Les ponts qui enjambent la rivière me permettent de me situer. Je passe sous la 15. C’est l’heure de pointe, encombrée sur le bitume mais pas sur le cours d’eau même si je suis au cœur du parc de la Rivière-des-Mille-Îles. Quelques canoteurs et kayakistes explorent l’endroit et s’arrêtent sur les nombreuses îles pour lire les panneaux d’information qui présentent l’écosystème.
Je passe en dessous de la 117, puis je pagaye sous le soleil jusqu’au pont de la 335. Le courant s’accélère, je n’ai même plus besoin de forcer pour avancer. Je vois l’île aux Vignes et l’étroit passage navigable qui la divise. Je me retrouve sur un bout de rivière vraiment pas large bordé de grands arbres matures. La ville est loin !

« Home sweet home »
Une dernière ligne droite, et j’aperçois la maison. Je m’approche de la rive pour ne pas me faire embarquer par les rapides d’Argenson qui la précèdent. La journée a été pleine de belles découvertes, et ce, sans même aller au bout
du monde.
Photos : Jacques Sennéchael

Le Twain-Lite de Kokopelli – Poids : 4,5 kg – Dimensions : 41 cm x 20 cm (plié) – 281 cm x 89 com (gonflé) – Capacité : 136 kg. © Kokopelli
En test • Kokopelli Twain-Lite
Flotter et ne pas prendre l’eau
Kokopelli est né en 2012 au Colorado en se consacrant tout d’abord à des embarcations de rafting. Une quinzaine de bateaux sont maintenant proposés pour divers usages : eaux calmes ou rapides, expédition, solo ou duo…
Avec l’arrivée du bikepacking, la compagnie a profité de son expertise en polyuréthane et nylon pour confectionner des sacs (selle, cadre, etc.) qui ont le grand mérite d’être imperméables. Un support de guidon a été mis au point dans le but de transporter entre autres un canot et sa pagaie.
Le modèle utilisé au cours de cette mini-aventure est le Twain-Lite, pensé spécifiquement pour les expéditions en eaux calmes.
Sa conception est robuste : plancher de polyuréthane et boudins en nylon. Un siège dorsal gonflable et réglable s’installe dans le fond du canot. Un aileron amovible stabilise le canot lors de la navigation. Plusieurs solides boucles de fixation facilitent le transport du vélo ou des bagages. L’étrave est large et suffisamment relevée pour réduire la traînée sans compromettre la stabilité.
Un sac de gonflage permet de gonfler aisément et rapidement le canot, bien qu’il faille tout de même finaliser en soufflant.
Une fois qu’on est bien calé sur le siège comportant un dossier, le Twain-Lite s’avère confortable. Même chargé de menus bagages et le poids du vélo à l’avant, il est stable et facilement manœuvrable sur eaux calmes.
