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Le blogue de David Desjardins

Apprendre à ralentir

28-03-2024

Photo: Adita Wardhana sur Unsplash

Je termine ma journée de travail. J’ai tellement passé de temps devant l’écran que j’ai la nausée. Maintenant, je dois descendre à la cave faire mes intervalles sur le rouleau. Un entraînement de Vo2Max de 90 minutes. J’en inspecte les détails : échauffement, puis 6 fois le même bloc complètement brutal.

J’ai encore plus mal au cœur. Je n’ai même pas commencé.

Maintenant, se disent le lecteur et la lectrice atterrés de me voir ainsi m’imposer la torture de l’entraînement en intensité : pourquoi tu te fais ça, buddy?

Pour aller vite, forcément.

J’aime rouler rapidement, grimper avec force. Souffrir sur le rouleau pendant la morte saison fait partie du processus pour atteindre le niveau de performance souhaité.

Non, je ne fais plus de compétition. Non, je ne suis pas en quête de tous les KOM sur la Côte de Beaupré. Et non, la souffrance comme telle ne m’inspire pas tant que ça. Je le répète : j’aime aller vite. Me faire mal fait partie du processus pour y parvenir.

Ce n’est d’ailleurs pas avec les entraînements les plus exigeants que j’ai un problème, dans ce fameux processus. C’est avec le repos que j’ai de la misère.

J’arrive à 50 ans, je ne suis plus capable de me défoncer à tous les jours ou presque, comme avant. Je travaille comme un fou, je ne dors pas toujours bien. Mais je voudrais y aller à fond tout le temps.

On a beau me vanter les vertus des sorties en zone 2 : c’est plaaaaaaaate. Surtout sur le rouleau.

C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’intègre la course à pied à mon régime d’entraînement : je trouve plus facile de garder mes fréquences cardiaques basses et de modérer mon effort en courant. En plus, les sports d’impacts favorisent le maintien de la masse osseuse.

De retour à mon entraînement au sous-sol. Je monte sur le vélo. J’ouvre le AppleTV et démarre la classique du jour sur FloBikes et j’avance de quelques heures pour ne regarder que la portion excitante de la course.

Me voici, après mon échauffement, qui cherche l’inspiration dans le courage d’Alberto Bettiol alors qu’il donne tout sur Dwars Door Vlaanderen dans une attaque en règle.

Ça me donne l’élan pour le premier bloc. Je survis. Mais mes pulsations ne grimpent comme autant qu’elles le devraient (signe de fatigue) et je cherche mon air en râlant. Deuxième effort, ouf, j’ai failli échouer. Pour le troisième, je change un peu de stratégie et y vais en graduant l’effort (je vise la moyenne en commençant un peu en dessous de la cible), mais à 15 secondes de la fin (chaque bloc dure 6 minutes), je n’en peux plus.

Mes 4 minutes de récupération me redonnent confiance, je m’essaie donc au bloc suivant… mais je me déglingue en route. Physiquement, mentalement, je me sens comme un personnage de dessin animé dont la voiture se décompose en roulant et perd tous ses morceaux pour ne plus être qu’un conducteur qui tient un volant, assis sur son siège au milieu de la route, immobile.

J’essaie quelque chose d’un peu plus facile pour finir. J’en suis incapable, il ne me reste plus rien.

Bettiol aussi explose, ou s’est blessé, je ne sais trop.

Je termine donc la session, un peu penaud, en tournant les jambes. Puis je regarde mon calendrier d’entraînement des jours précédents: ski et muscu la veille. Ski et tempo sur le rouleau avant. Sept heures de sports (ski et rouleau) au cours du weekend, sans parler de deux séances courtes de musculation. Et j’ai livré une quantité ahurissante de boulot à travers ça. Je suis sur les rotules. Ma dernière journée de repos remonte à plus d’une semaine.

Profil d’accro

La frontière entre la volonté et la dépendance est parfois ténue. Je ne suis jamais déçu d’être allé rouler ou de m’être entraîné. Mais je dois apprendre à mieux faire confiance au processus. Il faut que je trouve la volonté… de lâcher prise. Sinon je risque l’overdose, soit le surentrainement.

Je n’ai pas besoin de plusieurs visites chez le psy pour le savoir : je fais partie de ces gens qui ont la dépendance facile. Je suis de celles et ceux qui ont troqué un mode de vie de fêtard pour celui d’athlète. Même si je n’ai aucun objectif réel à la clé, désormais, sinon de maintenir mes acquis.

Une dépendance est une dépendance. Mais il n’est pas question d’arrêter, loin s’en faut. Il faut doser. Il y en a qui doivent apprendre à souffrir pour aller rapidement. Moi, je dois apprendre à ralentir. Même -et surtout- quand je n’en ai pas envie.

Comme quoi il y a mille manières de se défoncer et le sport en fait partie.

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