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Le blogue de David Desjardins

Dopage : l’obsession morbide

04-07-2021

La victoire de Tadej Pogacar au contre-la-montre a, sans surprise, provoqué des accusations de dopage sans fondement.

Oui, il y a sûrement encore du dopage dans le cyclisme. Mais il existe un discours chez certains fans de vélo qui révèle une sorte de malsain plaisir à réduire chaque performance à la tricherie. 

Le cyclisme professionnel est marqué par le dopage jusque dans son ADN. Depuis les frères Pélissier, dont le journaliste Albert Londres rapportait les méfaits en étalant leur tristement célèbre pharmacopée, jusqu’à Voldemort (lire : un certain non-gagnant de 7 Tours de France), l’histoire du Tour, elle aussi, parait tissée en partie avec le délétère fil de la tricherie.

L’affaire Festina. La mort de Tom Simpson sur le Ventoux, camé jusqu’à la moelle. Indurain avec son gabarit de tracteur qui remporte cinq fois la Grande Boucle. J’arrête ici. D’autant qu’on n’en sait pas la moitié.

Sauf que.

Sauf que je n’en peux plus de la rhétorique de la tricherie permanente. En fait, je ne comprends même pas qu’on puisse à la fois aimer le vélo et en même temps, chaque fois qu’il se produit quelque chose d’extraordinaire, crier au dopage.

Il y a quelques jours, c’était Tadej Pogacar sur le contre-la-montre. Il y a deux ans, c’était Alaphilippe sur un autre chrono. « Ça se peut pas », « C’est des extraterrestres », répète-t-on chaque fois. Je parle du Tour, parce que tout est plus gros pendant ces trois semaines, tout est amplifié, mais c’est ainsi à l’année

On nous dit : oui, mais le Slovène vient d’un pays où ça se dope comme c’est pas permis. Oui, mais UAE, c’est les anciens de Saulnier-Duval. À ce compte-là, pardonnez-moi, mais tout le monde est suspect. Des anciens pros dopés qui oeuvrent toujours dans des équipes aujourd’hui, on en trouve à la pelle. Et ça ne prouve rien.

Je ne dis pas que tout le monde est propre. En fait, je suis convaincu du contraire : il y a certainement encore des coureurs cyclistes qui parviennent à contourner les contrôles, à trouver des manières indétectables d’améliorer leurs performances. Mais dans la mesure où l’on n’en sait rien, faut-il nécessairement toujours évoquer la possible tricherie?

Dans les réseaux sociaux, certains en ont fait leur pain et leur beurre. Je pense à Antoine Vayer, qui se dit « la mouche du coche » du vélo. C’est une manière de voir les choses. La suspicion permanente et les accusations sans fondement scientifique (ne me parlez pas de sa méthode débile pour mesurer les watts dans les montées en regardant les coureurs à la télé, svp) ni preuve sont sa marque de commerce. Vayer n’est pas une mouche. C’est un troll de la pire espèce. C’est un conspirationniste qui a fait de la diffamation son mode de communication.

Parler de triche, c’est sa vie. C’est ainsi qu’il existe dans le monde du vélo.

Mais il n’est pas seul. Des centaines de fans de vélo penchent du côté de ce qui pourrait avoir l’air de la lucidité, mais qui ressemble plus à une sorte d’inclination malsaine. Ce que révèle ce discours, c’est une sortie d’obsession morbide. Le plaisir de l’un de voir l’autre se casser le cou. Le désir d’avoir découvert la crosse avant tout le monde en accusant tout le monde de crosse. L’incrédulité de l’un synonyme d’automatique culpabilité pour l’autre.

Oui, il faut demeurer vigilant. Oui, il y a des performances qui éveillent le doute. Oui, il y a sûrement encore du dopage dans le cyclisme. Mais à ne parler que de ça, à imaginer chaque exploit comme un méfait, comment aimer encore ce sport?

Ma posture est simple : soyons impitoyables avec les tricheurs. Traquons-les de toutes les manières, en s’en donnant les moyens. Mais jusqu’à preuve du contraire, je ne présume pas des meilleurs qu’ils se dopent.

Ça ressemble à quelque chose comme une idée de la justice dans la civilisation. Mais aussi, à la condition pour encore prendre un minimum de plaisir dans le cyclisme.

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