Publicité
Le blogue de David Desjardins

L’éveil de la bête

15-03-2022

Photo par Viktor Bystrov sur Unsplash

Le printemps s’annonce. Avec lui, la promesse de jours heureux, de paysages à avaler tout rond et d’amitiés qui se recousent dans le mouvement.

Je sais pas pour vous, mais moi, je me peux plus.

À cette période de l’année, je suis à fond dans ma consommation de courses cyclistes. Je bouffe du Paris-Nice au déjeuner et je me gave de Tirreno-Adriatico en faisant du rouleau le soir.

Parce oui, je roule au sous-sol, comme un enragé, même. Parce non, je n’ai toujours pas reçu mon fatbike commandé il y a maintenant presque 14 mois. Parce que l’hiver de ski que nous avons eu a été passablement exaspérant de froideur pour ensuite virer à l’impraticable mouillasse. Parce que je travaille comme un con et que je n’ai pas des heures à perdre à me promener en voiture tous les jours pour aller sur les pistes, anyway. Parce que courir dehors, ça va deux fois par semaine, trois à la limite, ce qui ne me suffit pas. Parce que c’est aussi la seule manière de rendre toute cette consommation de courses cyclistes relativement productive.

Et puis il y a les courses, sur RGT, où je me défonce chaque samedi… Faut bien m’entraîner pour suivre les jeunes.

Je roule avec les écouteurs fichés dans les oreilles. J’écoute les Stone Roses, Chemical Brothers, Nirvana, LCD Soundsystem, Les Louanges ou n’importe quoi dont je connais les paroles pour mieux encaisser la douleur. J’ai parfois le regard perdu dans l’écran allumé devant moi et qui diffuse une connerie, tandis que je rêve de bitume, du son des pneus qui chuintent sur le sol, de l’eau qui frise sans le sillage de ma roue arrière pour me détremper le cul. Je fantasme de gants de néoprène, de couvre-chausses prétendument étanches, de froid qui mord les joues. J’ai hâte de rentrer, détrempé, frigorifié, d’enlever tous mes vêtements alourdis par l’eau, dans l’entrée, et de les déposer dans l’évier pour leur retirer les deux kilos de sable collés aux tissus avant de tout mettre à la laveuse. Puis de sentir la brûlure de l’eau chaude sur mes pieds dans la douche.

Les courses que je regarde me font l’effet d’émissions de cuisine pour un boulimique. J’alimente le manque, la névrose, la dépendance. Je cultive mon obsession. Je nourris la bête qui sort d’hibernation et ne demande qu’à rugir.

L’hiver est une jachère. C’est le moment où le désir croît dans un sol dûment laissé à l’abandon pendant quelques mois. Je fais des plans de voyage. Le monde retrouve un semblant de normalité. Cette année, ce sera les Alpes (j’y reviendrai).

Je m’ennuie de mes amis de vélo. Des sorties à bloc et de celles où l’on parle sans effort. J’ai hâte de faire le plein de kilomètres et de paysages. Quand la blancheur aura retiré du sol son linceul hivernal pour rendre le monde et notre pratique cycliste à la vie.

Publicité

Autres suggestions

Le blogue de David Desjardins

Petit guide pour débuter la saison des courses

Avez-vous passé la fin de l’automne et le début de l’hiver sous une roche, complètement décroché du monde du cyclisme pro. On se fait une mise à ...
David Desjardins 12-02-2025
Le blogue de David Desjardins

Réflexions pré-saison

J’ai cinquante ans. C’est juste un chiffre et pas seulement non plus. D’un côté, je suis dans une forme tout à fait enviable. De l’autre, je ...
David Desjardins 30-01-2025
Le blogue de David Desjardins, Non classé

Le moment de vérité de l’industrie du vélo

L’industrie cycliste connait à la fois un âge d’or et un moment de vérité: saura-t-elle apprendre de (et survivre à) la crise qu’elle traverse ...
David Desjardins 30-01-2025