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Le blogue de David Desjardins

Portrait de pro: Magdeleine Vallières Mill

15-03-2024

Magdeleine en reconnaissance sur les routes blanches de Toscane. (Crédit: Jered Gruber & Ashley Gruber | Gruber Images)

La jeune coureuse québécoise Magdeleine Vallières Mill a récemment remporté sa première victoire chez les pros. On revient sur ce fait d’armes, son boulot d’équipière et le casque qui lui a volé la vedette à Majorque. 

Magdeleine Vallières Mill n’a pas franchi la ligne d’arrivée de Strade Bianche. Comme plus de 80 coureuses, elle a mis de clignotant à droite après avoir fait son boulot sur les routes blanches de Toscane. « Je suis rentrée avec une trentaine d’autres filles en évitant de passer dans le parcours», me raconte-t-elle deux jours plus tard.

Rien de honteux ni d’alarmant. À peine plus d’une cinquantaine de coureuse ont terminé l’épreuve, particulièrement sévère en matière d’éliminations liées à l’écart de temps permis pour éviter l’élimination. Le taux d’abandon et de retardataires était aussi énorme chez les hommes.

C’est le jeu du cyclisme : « J’avais fait mon travail pour cette course, explique la coureuse québécoise de l’équipe EF Education-Cannondale. On devait positionner Kristen (Faulkner) pour le final. » Mission accomplie. L’Américaine s’est retrouvée dans le groupe de poursuite à quelques secondes des meneuses pour terminer 6e de l’épreuve, à 40 secondes de la gagnante, Lotte Kopecky.

« Je me sens bien dans ce travail d’équipière, de domestique », admet l’une des rares rescapées de l’équipe EF Education-TIBCO-SVB, disparue dans la tourmente engendrée par la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) et le retrait de TIBCO. (EF Education – Cannondale partage un commanditaire, des couleurs, mais il s’agit en fait d’une toute nouvelle entité administrative).

Son attitude par rapport à ce rôle de soutien commence cependant à changer. Surtout depuis qu’elle a remporté Trofeo Palma, à Majorque, de manière magistrale. Sa première victoire professionnelle et la seconde en autant de jours pour l’équipe qui ne possède désormais qu’une licence continentale (l’ancienne avait le statut World Tour).

« C’était la première fois que j’avais une opportunité comme celle-là, raconte-t-elle. Il y avait trois cols. J’ai attaqué dans le premier, ça a fait un petit trou, sans donner grand-chose. Après la deuxième bosse, je suis partie avec Sylvia Persico, mais elle ne travaillait pas, parce qu’elle avait des coureuses de son équipe derrière. »

C’est dans le col de Sa Creu que s’est jouée la victoire. En descente. Ce qui n’est pas une mince affaire.

J’ai monté deux fois ce col l’an dernier. Descendu une fois. Il est très étroit, irrégulier, ponctué de virages excessivement serrés. Et comme le souligne la coureuse de Sherbrooke transplantée à Gérone, le goudron employé sur ces routes devient facilement glissant. Quand sa rivale a chuté après avoir pris un virage trop serré, elle a tourné la poignée du turbo. « Je suis à l’aise dans les descentes », dit-elle. Il faut l’être pour partir comme elle l’a fait. Un solide morceau de bravoure.

« Il fallait ensuite que je fasse le reste de la distance en solitaire, il restait une dernière petite bosse. L’équipe m’a dit de tout donner. Ils savaient que si j’arrivais à la bosse seule, je pouvais le faire jusqu’au bout. »

Et la Québécoise a donc levé les bras pour la première fois à l’arrivée une course pro.

« La veille, c’était ma cochambreuse qui avait gagné. En blague, je lui disais : imagine si c’est moi qui gagne demain. » Elle peut maintenant prétendre à ce genre de titre en étant sérieuse.

Le couvre-chef qui vole la vedette

De manière un peu étrange, c’est le casque aérodynamique de la compagnie POC que portait la coureuse qui a défrayé la manchette. (De même, lors de la victoire d’Alberto Bettiol sur Milano-Turino, moins de deux semaines plus tard, il était beaucoup question de son casque et de l’ensemble de son accoutrement aéro qui n’est probablement pas étranger à sa capacité à tenir à quelques secondes de distance ses poursuivants sur plus de 20km).

Le casque, qui ressemble à un modèle conçu pour le contre-la-montre, possède une visière intégré et sa forme détonne dans le peloton. Mais à l’ère des gains marginaux cumulés, « ça fait une différence, croit Magdeleine. Surtout si tu es seule en avant comme je l’étais à la fin. »

Quelques jours plus tard, l’équipe masculine de Jumbo-Lease a bike allait faire la manchette pour des raisons semblables, avec un casque totalement spectaculaire.

Pour revenir à Magdeleine et son talent, celui-ci s’aiguise visiblement. Elle a beau chérir son statut d’équipière, on risque de lui donner un bon de sortie plus souvent, désormais. « J’ai encore beaucoup de choses à apprendre de ce côté-là, tempère-t-elle, malgré qu’elle se sente gonflée de confiance suite à cette victoire. Je dois apprendre à voir la course différemment et à mieux m’économiser dans ce genre de situation, alors que normalement, je prend du vent, je couvre les échappées… »

Nouvelle équipe, services de pointe

On serait tenté de croire que la perte d’une licence de 1re division signifie aussi un recul sur le plan de la qualité des services offerts aux coureuses. Or, c’est exactement l’inverse.

« J’étais stressée quand on a su que l’équipe ne revenait pas, je me suis pris un agent, puis j’ai rapidement su que j’étais une des rares à faire le bond vers la nouvelle entité. Même si nous n’aurons pas l’opportunité d’obtenir une licence World Tour avant 2026, nous sommes invitées à presque toutes les courses d’importance. Et en plus, tout est mieux. On a accès aux mêmes choses que les hommes : des coaches, des nutritionnistes, des médecins. Les salaires sont comme ceux du WorldTour aussi. »

En retournant vers Sienne, après Strade Bianche, Magdeline Vallières Mill rejoignait son équipe. Mais aussi son père qui, après lui avoir rendu visite à Gérone, en Catalogne, avait fait le chemin à vélo pour la voir en Toscane. Un peu plus de 1000km. La jeune coureuse a visiblement un bon modèle en matière d’échappées au long cours.

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