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Le blogue de David Desjardins

Tour de France : beau et cruel

24-07-2023

22/07/2023 – Tour de France 2023 – Etape 20 – Belfort / Le Markstein Fellering (133,5 km) – VINGEGAARD Jonas (JUMBO – VISMA)

S’il faut juger un Tour au pourcentage d’excitation que celui-ci procure sur une période de trois semaines, l’itération 2023 de la Grande Boucle compte parmi les meilleures du cru.

Un début enlevant au Pays Basque. Un duel pour la tête qui nous a tenu au bout de nos sièges jusqu’à la dernière semaine. Mais surtout, d’énormes morceaux de bravoure qui nous ont permis de vivre des étapes dont le « fastforward factor » (le pourcentage visionné sur l’avance rapide puisque je regarde presque tout en différé) s’est avéré très très faible.

Les étapes 18 et 19, par exemple. Deux jours en ligne avec une échappée qui ne tient qu’à un fil.

J’aime ces tentatives un peu kamikazes. Les chances qu’elles se rendent au bout sont infimes. Elles reposent sur une entente parfaite (ou le travail de sape des coéquipiers à l’arrière). Puis, souvent, sur le sacrifice d’au moins un ou deux membres du groupe d’évadés.

Lors de la 18e étape, c’est le Belge Victor Campenaerts qui a tout laissé sur la route pour son coéquipier Pascal Eenkhoorn, malheureusement (pour eux) incapable de battre l’excellent Kasper Asgreen au sprint.

C’était la seconde fois dans l’étape que Campenaerts se sacrifiait pour Eenkhoorn, puisqu’il l’avait attendu pour le ramener avec les échappés un peu plus tôt.

Une sapristi de belle course, ponctuée d’attaques, de neutralisations. Mais aussi de gestes disgracieux de la part du sprinteur Jasper Philipsen qui a passablement outrepassé les limites de la bienséance en tentant d’empêcher Ennkhoorn de rejoindre l’échappée.

Si ton équipe n’est pas capable de contrôler les échappées, c’est pas une raison pour faire de pareilles niaiseries. Crier? Ok. Marquer? Évidemment. Pousser quelqu’un dans le fossé? Ça mérite des baffes.

Déjà qu’il sprinte comme un danger public, il serait temps qu’on lui assène le coup de règle sur les doigts qu’il mérite.

Le lendemain, on a encore eu droit à une course complètement folle, menée à un train d’enfer. Vous m’auriez demandé ce que j’attendais de ces deux étapes, je vous aurais répondu : un snoozefest après que tout le monde se soit désâmé dans le Col de la Loze.

Eh non. On a plutôt eu droit à un feu roulant d’action, l’avant de la course promise à une fin prochaine pendant une éternité. Puis ce sprint, disputé entre le vainqueur de la veille, Asgreen, et l’excellent coureur Slovène Matej Mohorič. Une victoire au millimètre, déterminée par un photo finish.

Un sport cruel

Mohorič a ensuite livré l’une des meilleures entrevues jamais vues dans ce sport. Pas parce qu’il pleurait, même si c’était très touchant. Non, c’est plutôt les sacrifices de tous les membres de l’équipe qu’il voulait souligner. Les soigneurs, les mécanos, les directeurs sportifs, les autres membres de l’équipe. Et puis cette sorte de collaboration entre les coureurs pour obtenir une victoire où il faut bien, au final, trahir ses associés du moment pour remporter la palme.

C’est ce qu’a brillamment fait Mohorič. Parfaitement positionné dans le sprint final. Indélogeable de la protection que lui offrait Asgreen à 700m de l’arrivée.

C’est un sport beau et cruel, c’est bien vrai. Je l’aime beaucoup parce qu’il ressemble à la vie, faut croire.

Un petit frigo jaune

Après l’habituelle conférence de presse des meneurs au terme de la 20e étape, nos confrères de Escape Collective ont rebaptisé Jonas Vinegegaard le « petit frigo » (mini-fridge). Un clin d’œil à l’attitude robotique de son collègue Primoz Roglič, lui aussi d’une sidérante platitude en entrevue et qu’on surnommait plus simplement, le frigo.

Je n’ai évidemment pas vécu l’époque d’Anquetil et Poulidor, mais la rivalité et la popularité de Pogačar et Vinegegaard leur fait subtilement écho. Anquetil : froid et calculateur. Poupou : héros accessible et populaire.

La différence, c’est que Poupou n’a jamais remporté le Tour. Pogi, deux fois. Et il vient de terminer deuxième, quelques mois après s’être fracturé un poignet. Pas si mal. Il s’est même essayé à l’échappée sur les Champs Élysées et a sprinté pour la victoire de la 20e étape la veille plutôt que de s’apitoyer sur son sort.

Il reste qu’on n’aime pas Vingegaard parce qu’il n’est pas aimable, simplement. Froid, austère, fermé, protégé par une équipe dont les relationnistes de presse sont aussi excitants que votre hygiéniste dentaire qui débite des banalités sur la météo pour rompre le silence.

Pendant ce temps, Pogačar s’amuse. Il rend le vélo excitant, drôle. Il donne envie à l’amateur de faire des sprints de pancartes avec ses amis. On respecte le premier. On aime le second.

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