Sylvie Sanschagrin et Alain Guimond aiment aller toujours plus haut à vélo. Ils ont commencé piano piano avant de s’attaquer aux plus grands défis. Rencontre avec un couple pour qui grimper est un art de vivre.
Avant de devenir cycliste, Alain Guimond était un joueur de hockey, dans son Abitibi natale, puis à l’Université Laval, où il a obtenu un doctorat en biologie moléculaire. Dans les années 1980, lui et moi faisions partie de la ligue universitaire, dans l’équipe des Cerveaux lents. Il était le seul parmi nous qui «avait des mains», c’est-àdire qui était capable de compter des buts. Cela lui permettait d’exceller sans trop se forcer.
Nous nous sommes ensuite perdus de vue, jusqu’au jour où nous nous sommes croisés par hasard lors du Grand Tour Desjardins, en 2006. Le joueur de hockey s’était métamorphosé en cycliste accompli. Il avait fière allure sur son Trek ; on aurait dit Lance Armstrong sur une diète de crème glacée.
Tout en roulant, il m’avait présenté sa nouvelle conjointe, Sylvie Sanschagrin, toute menue et affûtée comme Alain ne le sera jamais. Sylvie était technicienne de laboratoire au Conseil national de recherches du Canada et mère de trois enfants. Pour sa part, Alain travaillait dans le domaine pharmaceutique, en plus d’être papa de deux enfants. Installés à Montréal, ils ont d’abord partagé la course à pied comme activité sportive, ont ajouté le marathon, puis le vélo, et ont participé à quelques duathlons. Des voyages organisés à vélo ont suivi et, mine de rien, la petite reine s’est installée pour de bon dans leur routine d’adultes actifs.
Cette édition du Grand Tour leur servait de préparation pour un défi d’envergure: la traversée des Alpes, avec Vélo Québec Voyages. Deux semaines, du lac Léman à la Méditerranée, une trentaine de cols à franchir. Un défi qu’ils ont relevé non sans difficulté, car le froid et la pluie les attendaient fréquemment au sommet des cols. Mais Alain et Sylvie ont la couenne dure et adorent grimper, deux qualités essentielles pour ce genre d’expédition.
Ce voyage initiatique a donné suite à une série de circuits de plus en plus relevés. Toujours encadrés par Vélo Québec Voyages, ils ont découvert les Dolomites, les Pyrénées, puis les Alpes à nouveau.
En 2014, au début de la cinquantaine, Alain et Sylvie étaient mûrs pour une formule encore plus difficile, et compétitive: la Haute Route des Pyrénées. Six journées de cyclosportives de plus de 100 km, de 2500 à 3500 m de dénivelé positif chaque jour, plus un contre-la-montre en milieu de semaine… pour récupérer!
Ils ont adoré l’expérience, si bien qu’ils l’ont répétée les années suivantes, se fixant cette épreuve à réaliser à la fin de l’été, un but qui leur donnerait envie de s’entraîner toute l’année. Ils ont donc parcouru la Haute Route des Alpes, puis celle des Dolomites. L’an dernier, ils ont opté pour la Haute Route de Norvège, qui dure trois jours plutôt que sept. Ce format de trois jours est d’ailleurs ce que met de l’avant l’organisation Haute Route, ajoutant ainsi des parcours partout sur la planète.
Alain a bien voulu répondre aux questions que nous nous posions sur le phénomène Haute Route.
Les Hautes routes
L’objectif de l’organisation Haute Route est de «permettre aux cyclistes amateurs de vivre une expérience similaire à celle des cyclistes professionnels, à vélo et une fois la ligne d’arrivée franchie». En tout, 14 épreuves sont proposées (3 sur sept jours, 11 sur trois jours), en formule duo ou solo, tant en Amérique, en Europe, en Asie qu’au Moyen-Orient.
Vélo Mag: Comment un cycliste du dimanche se prépare-t-il à de telles épreuves?
Alain Guimond: Tout d’abord, il ne peut plus être un cycliste du dimanche, car il doit accumuler les kilomètres. Comme les Hautes Routes sont des cyclosportives en haute montagne, il doit aussi perdre du poids! Personnellement, durant l’hiver, je me maintiens autour des 80 kg, et je vise les 75 kg pour l’été, mais ce n’est pas facile. Il faut aussi savoir s’organiser. Pour ma part, je fais appel à un entraîneur afin de planifier mon entraînement annuel, en tenant compte de mes nombreuses heures de travail, de la pratique d’autres sports, des vacances, des blessures… et autrefois de la garde partagée de mes jeunes enfants (ils sont aujourd’hui adultes et autonomes, ouf!). Sylvie suit le même programme, en l’adaptant au besoin ; elle préfère les séances en groupe plutôt que les heures en solitaire sur un appareil d’entraînement au sous-sol.
Les blessures sont-elles fréquentes?
Plus on s’entraîne intensément, plus on devient vulnérable. Dans mon cas, quand j’attrape une grosse grippe, je suis en arrêt pour deux semaines. J’ai aussi des maux de dos, sans compter les bobos de cyclistes: éraflures après une chute, boutons sur les fesses… J’ai d’ailleurs réglé ce problème dès que j’ai trouvé la bonne selle ; tous mes vélos ont maintenant la même. Concernant mon dos, je consulte des spécialistes au gym qui m’aident à renforcer mon gainage. Je vais mieux, tant que je continue la musculation.
Faut-il s’entraîner dans les côtes pour ce genre de parcours?
Évidemment, c’est le plus important. Les fins de semaine, nous nous déplaçons vers les montagnes Vertes, Jay Peak, Lake Placid, Charlevoix ou Orford. La semaine, c’est sur Camillien-Houde que ça se passe.
Quel est le secret pour bien récupérer dans un circuit de sept jours?
Il est très important de bien manger; pas question de sauter un ravitaillement. D’ailleurs, le chronomètre arrête dans les zones de ravito. Les organisateurs fournissent toute une gamme de produits, mais il est préférable d’emporter nos barres habituelles.
Des différentes Hautes Routes parcourues, laquelle est la plus difficile?
Celle des Dolomites était robuste. Les montées sont abruptes, souvent plus de 10%. Comme elle a lieu tardivement en saison, nous avons subi la neige et le froid dans les cols les plus difficiles: Gavia, Stelvio, Martyreolo. Par contre, toutes les Hautes Routes sont difficiles, car nous roulons de 7 h à 13 h, traversons deux ou trois cols, sur des distances variant de 100 à 175 km.
Laquelle est la plus belle?
Pour les paysages, la Haute Route des Alpes et celle des Dolomites avec ses massifs de roc sont difficiles à battre. Mais notre préférée reste celle des Pyrénées, où chaque étape était impressionnante. En plus, notre ami Charles a gagné dans sa catégorie! Le col de l’Ahusquy est un secret bien gardé qui en a fait baver plusieurs.
Que reste-t-il sur votre bucket list?
Le Ventoux et les îles Canaries figurent parmi les destinations envisagées. Pour la Haute Route Ventoux, en octobre, il s’agit d’un circuit de trois jours, donc l’idéal est de le jumeler avec un autre séjour en Europe. Sylvie voulait faire la Triple couronne, qui consiste à parcourir l’une après l’autre les trois Hautes Routes que sont les Pyrénées, les Alpes et les Dolomites. Toutefois, comme il n’y a plus de parcours sur sept jours dans les Dolomites, ce n’est plus possible. Je l’ai échappé belle…