Il y a les segments archiconnus et très fréquentés de la Route verte. Et il y a ceux qui passent sous le radar bien que n’en demeurant pas moins superbes. Les trois décrits ci-dessous ont été triés sur le volet.
Pierreville–Bécancour
Bucolique à souhait
Luc Labrecque est reconnu comme Monsieur Vélo dans son coin de pays. Et pour cause: cet ancien directeur des loisirs et des services à la communauté de la Ville de Nicolet et rouleur devant l’Éternel connaît chaque parcelle d’asphalte des rangs sillonnant le Centre-du-Québec. Sans surprise, il a été – et est toujours – très impliqué dans le développement régional de la Route verte. Sa section favorite? «Celle qui s’étend entre Pierreville et Bécancour», répond-il sans hésiter et non sans une pointe de chauvinisme.
Long d’approximativement 70 km, le trajet plat à 95% s’aventure tout d’abord dans l’arrière-pays rural de Saint-Elphège et de La Visitation-de-Yamaska, des secteurs peu achalandés. «Les automobilistes pressés prennent la route 132 en direction est. Cela laisse tout le loisir aux cyclistes de lever la tête du guidon, au risque d’empiéter sur la chaussée», note Luc Labrecque. Aux confins de la petite municipalité de Sainte-Monique, la tapisserie pastorale cède la place à la rivière Nicolet, qui serpente jusqu’à la ville du même nom par l’entremise du rang du Bas-de-l’Île. De loin l’un des plus beaux segments de la randonnée, selon notre expert.
Une fois Nicolet traversée par l’entremise d’une piste multifonctionnelle, deux scénarios se présentent au cyclotouriste. Primo: suivre consciencieusement la Route verte, ce qui mène dans les faits à effectuer dans les terres un grand détour qui conduit à l’entrée du pont Laviolette. «C’est l’option sûre, synonyme de circulation anecdotique», souligne Luc Labrecque. L’alternative plus directe consiste à piquer vers Port-Saint-François, puis à passer par le rang des Soixante pour reconnecter avec la Route verte. À partir de là, on ne se pose plus de questions: on vogue jusqu’à Bécancour. Et pourquoi pas jusqu’à Québec par la 132, qu’on occulte trop souvent au profit du chemin du Roy?
Tant qu’à y être
Un arrêt s’impose au parc écologique de l’Anse du Port, tout près de Port-Saint-François. Ce site privilégié pour l’observation de la faune ailée est au confluent de la rivière Nicolet et du lac Saint-Pierre. Paraît-il que les couchers de soleil y sont exceptionnels.
La péninsule de Manicouagan
Balade nord-côtière
Techniquement, la piste cyclable de la péninsule de Manicouagan ne fait pas partie de la Route verte – dans le jargon, on la qualifie plutôt de «réseau associé». N’empêche que cette virée de 50 km sur le plat mérite le détour, d’autant plus que ladite presqu’île est située à proximité de Baie-Comeau. «C’est vraiment un secret bien gardé», insiste Denis Villeneuve, directeur général de la corporation de la Véloroute des baleines. «À part un court tronçon (avec accotement) de quelques kilomètres sur la route 138, il n’y a pas de circulation automobile. Et on peut même s’arrêter pour une saucette, au moment des chaudes marées estivales.»
On entame la boucle en sens antihoraire en provenance de la localité de Chute-auxOutardes. Le circuit sinue d’abord dans les forêts nord-côtières, avant de bifurquer vers le littoral et de poursuivre sur une piste cyclable en poussière de pierre d’environ six bornes. Dès lors, des tourbières font leur apparition, et le décor se ponctue de longues plages de sable fin réputées parmi les plus belles de la Côte-Nord. Une passerelle en aluminium inaugurée en 2017 permet notamment de franchir la rivière Saint-Athanase, un mince bras d’eau qui se jette dans le fleuve Saint-Laurent. Le retour s’effectue par le village de Pointe-Lebel.
Tant qu’à y être
Envie de passer la nuit dans un nichoir géant? Cinq hébergements insolites de ce type sont offerts par le Parc Nature de Pointe-auxOutardes. Chaque «prêt-à-nicher» est inspiré d’oiseaux présents sur place, comme le merle bleu, la chouette lapone ou l’hirondelle de rivage.
Waterloo–Eastman
Sur la trace des diligences
Louis Carpentier est le chef d’orchestre de la Route verte. À titre de directeur du développement de la Route verte pour Vélo Québec, il coordonne les efforts des nombreux acteurs chargés de polir ce joyau de 5300 km. Cela ne signifie toutefois pas qu’il a pédalé l’ensemble du plus vaste itinéraire cyclable en Amérique du Nord. «Bien au contraire: il me reste plusieurs coins à explorer», révèle ce cycliste et père de trois jeunes mousses, eux-mêmes adeptes de la petite reine.
L’une de ces zones à découvrir est située entre les localités de Waterloo et d’Eastman, dans les Cantons-de-l’Est. Ou plutôt, était: l’automne dernier, à la faveur d’une escapade professionnelle, il a enfin pu mettre des images sur ces 20 km empruntés par les diligences au XIXe siècle. Ses jarrets s’en souviennent encore. «C’est assez accidenté: il y a de bons vallons! Les sportifs y trouveront leur compte, tout comme les contemplatifs, qui apprécieront ce long rang de campagne bordé d’arbres», indique Louis Carpentier. Attention: ici et là, le revêtement est en terre battue, entre autres à la sortie de Waterloo.
De minuscules et blanches églises anglicanes constellent le trajet, rappelant le riche héritage loyaliste de la région – on en croise d’ailleurs une à mi-chemin, dans l’ancienne municipalité de Stukely maintenant intégrée à Eastman. Puis, à la faveur d’éclaircies champêtres, on aperçoit quelques sommets des pas si lointaines Appalaches. Un tableau digne de la Nouvelle-Angleterre. «Je recommande d’effectuer cette excursion juste avant les moissons, autour de la fête du Travail, alors que les prés sont luxuriants. Mon petit doigt me dit que les paysages sont incroyables», relève Louis Carpentier. C’est entendu.
Tant qu’à y être
Marché public, tables gourmandes, spa: Eastman ne manque pas de bonnes adresses à visiter après l’effort. Vélo Mag vous conseille Les Trois Grâces, un café-bistro niché au cœur du village, aux abords de la rivière Missisquoi. Pour les petites et grosses fringales.