Composer une séance d’entraînement par intervalles digne de ce nom est moins simple qu’il n’y paraît. Survol des bonnes pratiques pour s’y retrouver.
Jean-Philippe Garceau a bien dû planifier – et réaliser – des milliers de séances d’entraînement par intervalles (EPI) au cours de sa carrière. Même s’il occupe ces jours-ci un poste qui, de 9 à 5, le garde éloigné de son vélo, le kinésiologue, entraîneur et consultant en performance sportive continue de superviser des groupes de cyclistes amateurs désireux d’améliorer leur condition physique. Une fois par semaine, en début de soirée, il propose entre autres des séances d’EPI thématiques aux membres du club cycliste Sport-en-Tête, dans la région de Québec, et ce, depuis douze ans.
« Les gens qui se pointent à ces 15 à 20 entraînements par saison le font parce que c’est payant, explique-t-il en entrevue. Ils veulent se dépasser et progresser, pour mieux encaisser les longues sorties de fin de semaine par exemple. » Comme les participants ont des niveaux différents, Jean-Philippe Garceau doit se creuser les méninges pour offrir une formule qui sied à tous. « L’idée est que chacun puisse faire ses efforts à son rythme, souvent sur un même segment commun, comme une côte, un quadrilatère de quartier industriel ou un long faux plat montant. » Sous l’œil attentif du coach, il va sans dire.
De la théorie à la pratique
L’EPI, pour rappel, consiste à alterner des périodes de haute intensité et des périodes de récupération. Ce faisant, le cycliste totalise un volume d’exercice beaucoup plus grand dans les plages de sollicitation réputées bénéfiques pour la forme physique qu’il ne le ferait s’il roulait à ces mêmes intensités en continu. « Faire des intervalles », comme on l’entend fréquemment, permet en ce sens de s’améliorer davantage que d’accumuler des kilomètres et du dénivelé positif. « L’EPI apprend à mettre le turbo plutôt qu’à demeurer en mode diesel », résume l’expert.
Ça, c’est pour la théorie. Dans la pratique, il est facile de se perdre dans les détails de la planification d’une séance d’EPI tant ils sont nombreux. À défaut de pouvoir faire le lien entre une prescription donnée et ses effets escomptés – ce qui demande de solides connaissances en physiologie de l’exercice –, on optera pour du clé en main, soit des séances d’EPI préexistantes. « Je pense notamment à celles proposées par Guy Thibault dans son livre Entraînement cardio : sports d’endurance et performance », souligne le consultant.
Le réel défi serait surtout, selon lui, d’arriver à bien effectuer ces entraînements. Voilà qui est plus simple à dire qu’à faire. « Parmi les erreurs courantes, il y a celle de partir trop fort, d’ainsi se mettre dans le rouge et d’être ensuite contraint de lever la pédale pour terminer la séance. On sait pourtant que c’est l’accumulation des répétitions dans les bonnes fourchettes d’intensité qui est intéressante, pas le fait d’aligner quelques efforts qui vident le réservoir », analyse-t-il. Dans les séances d’EPI comme dans la vie, tout est dans la manière.
-
Connaître ses classiques
Les séances d’EPI de type 30 s-30 s ou 1 min-2 min sont à l’entraînement cycliste que ce sont les Beatles à la musique pop : des classiques. Si ces schémas d’effort ont le mérite d’être éprouvés, ils ont aussi le défaut de paraître exagérément simples. Cela ne signifie pas qu’ils sont faciles pour autant. « Ces séances sont parfaites pour les débutants qui apprennent ainsi à se connaître. Je ne saurais trop leur recommander de solliciter les conseils d’un entraîneur pour faire leurs premiers pas dans cet univers », indique Jean-Philippe Garceau.
-
Créer un environnement propice
Certaines séances d’EPI ont beau sembler parfaites sur papier, elles résistent mal à l’épreuve du réel et s’y transposent avec peine. Le nœud du problème vient souvent de l’environnement dans lequel elles devraient se dérouler. Comment diable tenir une puissance cible élevée sur une route ouverte à la circulation automobile, ponctuée de panneaux d’arrêt et balayée par des vents tantôt favorables, tantôt contraires ? Parfois, il vaut carrément mieux opter pour la base d’entraînement intérieure… même en été. « La sécurité devrait primer avant tout », préconise le kinésiologue.
-
Varier les plaisirs
Il y a les variables connues de l’EPI, comme l’intensité des fractions d’effort, la durée des périodes de récupération passive ou active et le nombre de séries à réaliser. Et il y a celles auxquelles on ne pense pas nécessairement, même si on le devrait. « Dans le cadre de leurs séances d’EPI, les cyclistes de niveaux intermédiaire et avancé gagnent à pédaler à cadence basse ou élevée, à rechercher des côtes très abruptes, voire à alterner entre la position assise et le pédalage en danseuse », précise Jean-Philippe Garceau. Pourquoi ne pas intégrer des récupérations incomplètes, pendant lesquelles on pédale à allure modérée entre les répétitions ?
-
Penser aux détails
Lors de vos sorties entre copains, tombez-vous en roue libre dès lors que vous atteignez le haut d’une côte ? Non ? Alors pourquoi le faites-vous dans le cadre d’une séance d’EPI ? « J’aime dire que la côte finit au début de la descente, ce qui implique de continuer à pédaler au sommet pour basculer », glisse le spécialiste. Cet exemple, anodin, illustre l’importance de s’inspirer de ce qui se produit dans la réalité, lors d’une cyclosportive par exemple, pour composer des séances d’EPI. L’EPI est une formule qui se prête particulièrement bien à ce raisonnement, moyennant un peu de créativité.