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Destinations

Jordanie

08-05-2014

Au nord, la Syrie, à l’ouest, la Cisjordanie et Israël, à l’est, l’Irak et l’Arabie Saoudite, de l’autre côté de la mer Rouge, l’Égypte… le Royaume de Jordanie a des allures de havre de paix au milieu de la tempête. Une excellente raison d’y mettre les roues.

Les olives sont légèrement amères mais délicieuses. Elles sont produites localement, et on en met à toutes les sauces dans les épiceries. Pour le moment, nous les dégustons en guise de premier petit-déjeuner dans un petit hôtel d’Amman. En ce début de décembre, il fait entre 15 et 20°C dans la journée, un peu plus frais la nuit, surtout en zone montagneuse. En nous dirigeant vers le sud, nous devrions gagner en soleil, et aussi une dizaine de degrés. La Jordanie pourrait devenir une destination cycliste hors saison privilégiée des Québécois. Reste à savoir si les routes et parcours sont à la hauteur.

Nous avons eu la bonne idée de choisir de faire nos premiers tours de roue à partir de Madaba, sise à une trentaine de kilomètres de la capitale. La ville est à proximité de l’aéroport et peut servir de point de départ à un beau périple jordanien. Surtout quand la chance nous accompagne –nous, c’est que voyage avec moi mon pote Michel, idéal compagnon de voyage à vélo sans grande préparation, la chance, c’est pour le Black Iris Hotel, un établissement confortable habitué à recevoir des cyclistes. À peine étions-nous arrivés qu’Odeh, le propriétaire, dépliait la carte afin de nous indiquer des parcours potentiels.

Descendre à la mer Morte
Il n’y a pas de doute: nous allons descendre. Avec son –408 m, la mer Morte est le point le plus bas de la Terre. De Madaba, c’est une magnifique descente de 25 km. Bienvenue en Jordanie! Quelques lauriers-roses, des figuiers de Barbarie, puis les arbres disparaissent. Il suffit de suivre des lacets bien tracés dans un paysage minéral fait de sable et de pierre. Aucune trace de vie apparente, à part quelques moutons encerclés par quelques chiens.

Ce sont d’ailleurs des chiens de berger qui nous préviennent que la mer Morte est proche, en nous courant après. Nos coups de pédale énergiques font rire les soldats du check point. La frontière avec Israël et la Cisjordanie est proche, et l’armement conséquent de ces soldats nous rappelle que la tension peut être forte.

Pas question de longer la mer Morte sans y mettre le nez et le reste. Pas facile si vous envisagez une rapide baignade avant de reprendre votre périple cycliste: l’accès aux plages est payant et n’est pas vraiment bon marché. La meilleure solution est d’atteindre le rivage par le pierrier.

La salinité de ce lac n’est pas une légende: alors que celle de l’eau de mer est aux alentours de 4%, la mer Morte contient quant à elle près de 27,5% de sel. Beurk au goût, mais excellente pour soigner un psoriasis ou des rhumatismes! S’y baigner est étonnant, entre autres parce que les jambes atteignent difficilement le fond tant le corps flotte facilement. La position la plus accessible est de faire la planche; on peut même se permettre de lever les jambes et les bras en même temps!

Le retour se fait en passant par Al Maït et Al-Fayhaa. Évidemment, il a fallu grimper ce que nous avions descendu, soit un beau 44 km d’ascension. Nous passons de –400 m à 750 m d’altitude avant de retrouver le Black Iris. Les 85 km vallonnés sont une excellente mise en jambes, surtout en considérant que le parcours en boucle permet de laisser les bagages à l’hôtel.

La route du Roi
Trois mille ans d’histoire: les Juifs l’ont suivie en se dirigeant vers la terre promise, les Nabatéens venant de Pétra l’ont gravie, les croisés ralliaient ses différentes forteresses, et les musulmans ont rejoint La Mecque en y passant. Autant de raisons de l’emprunter à vélo. En partant de Madaba, la route offre une succession de montées et de descentes dans une contrée pierreuse verdie par quelques oliviers. La température est douce, le parcours est roulant, bref, une journée de vélo qui ne fait pas trop mal au corps et repose l’esprit. Ça, c’est jusqu’au Wadi Mujib. Les wadis sont des failles souvent très profondes qui déchirent le paysage et forment des frontières naturelles difficiles à franchir. Celle-ci est surnommée «le Grand Canyon de Jordanie»: 1 km de profondeur, 4 km de large.

Nous nous élançons dans la descente. Comme la route est large, en bon état et peu fréquentée, c’est le genre de descente qui incite à prendre de la vitesse. Encore faut-il savoir s’arrêter admirer le panorama et le barrage qui sommeille au fond de la gorge: tout de même, cette faille va de la mer Morte jusqu’à l’autoroute du désert. Dans la montée, les sacoches nous semblent nettement plus lourdes. C’est 18 km et quelques heures que prend la traversée de cette gorge. Et encore, nous ne sommes pas arrivés à Al-Karak. Il faudra continuer de monter un faux plat éreintant avant d’apercevoir la forteresse, véritable icône de la ville. Les croisés et les armées islamiques de Saladin s’y sont battus à de multiples reprises. Quant à nous, nous avons gagné contre le relief, mais avons épuisé nos forces dans la bataille. En à peine 100 km, nous avons grimpé 2400 m et descendu 1330 m. Nous en avons aussi pris plein les yeux.

Sur la route de Dana
Dana est à 3 km de la route du Roi. Construit au XVe siècle à près de 1700 m d’altitude, il borde le Wadi Araba, qui creuse à une cinquantaine de mètres au-­dessous du niveau de la mer. Étrange village que Dana, auquel nous parvenons après une petite centaine de kilomètres ressemblant à ceux de la veille, pendant lesquels nous avons croisé un autre wadi tout aussi profond et qu’un puissant vent de face a refroidi nos ardeurs. Aucune maison moderne dans ce bourg en bord de falaise, mais des maisons de pierres soigneusement restaurées, quelques hébergements autour d’une rue principale. Le lieu a été déserté par ses habitants partis chercher du travail dans les villes avoisinantes dotées de tous les services. Les jardins en terrasses sont en friche. Ici poussaient autrefois des amandes, des noix, des citrons et des pommes. Les efforts de développement d’un écotourisme dans ce qui est devenu la réserve de la biosphère de Dana ont bien fait revenir quelques habitants, mais les rues sont tranquilles. Il faut dire que la nuit est tombée, qu’il fait froid et que souffle un vent à décorner les bœufs. Nous trouvons notre bonheur dans une minuscule chambre aux murs de pierres, d’épaisses couvertures en guise de chauffage. Le repas se prend avec les gens du gîte, autour du poêle. Demain, nous allons au fond du wadi.

Sous le soleil, Dana semble figé dans le temps. Même si certaines font l’objet de rénovations, toutes les maisons ont une dominante jaune, créant une belle unité. La surprise est au bout de la rue principale: le village semble se jeter dans le Wadi Araba. La cassure impressionne par sa longueur et sa profondeur. Ici et là, quelques végétaux parsèment la terre ocrée et les falaises rouges. Un sentier dégringole vers le fond du cratère… un brin trop pentu pour que nous l’empruntions à vélo. C’est en marchant que nous découvrons la réserve de Dana. Descendre au fond du wadi et remonter visiter Dana demande trois bonnes heures en prenant son temps.

Sur la route de Pétra et de la mer Rouge
Je ne sais pas en ce qui vous concerne, mais commencer une sortie à vélo par une montée en face de singe n’est pas ma tasse de thé. C’est néanmoins ce qui nous attend quand nous quittons Dana pour regagner la route du Roi. Les 3 km se font en ahanant sur nos montures et en maudissant nos sacoches pourtant pas si lourdes. Heureusement, un épais brouillard cache le relief. Il fait à peine 8°C, et nous apprécions les manches longues. Quelques pentes ascendantes et descendantes pendant une cinquantaine de kilomètres, puis une longue descente vers Wadi Musa après que le soleil aura chassé le brouillard et les nuages. Nous devinons qu’ici se cache, dans les montagnes et les contreforts rocheux, le trésor de Jordanie: Pétra. Le site de 853 km2 est incontestablement le phare touristique de la Jordanie. Il reçoit un demi-million de visiteurs par année, et ce n’est que justice (voir l’encadré «Pétra ou la montagne sculptée»).

Il nous faut un peu plus de 50 km de routes de montagne au relief accentué pour cesser de rêver aux beautés de Pétra et surtout pour rejoindre la Desert Highway. Pour filer vers le sud de la Jordanie, il n’y a pas d’autres routes que cette autoroute à travers le désert. Heureusement, les accotements sont généreux, et nous descendons presque tout le temps, encouragés par les camionneurs et aspirés par leurs véhicules.

Une quarantaine de kilomètres plus loin, nous bifurquons vers l’est pour aller nous perdre dans les dunes du désert de Wadi Rum. En aventuriers modernes, nous y passerons une nuit dans une tente de Bédouin. Il fait froid, nos guides nous ont quittés pour la nuit et nous n’entendons que le silence du ciel étoilé. Une expérience à vivre en parcourant Les sept piliers de la sagesse, l’ouvrage de Sir Lawrence d’Arabie qui a laissé quelques vestiges de son passage dans le Wadi Rum.

Il nous reste à peine 70 km sur le Desert Highway avant de gagner Aqaba, sur les rives de la mer Rouge. Nous y voici. La tête hors de l’eau transparente, je regarde à tribord Israël et les Territoires occupés, devant moi la terre d’Égypte et à bâbord l’Arabie saoudite. Je plonge la tête sous l’eau et me retrouve dans ce récif de coraux qu’on a nommé Jardins japonais. C’est vrai que la mer Rouge est aussi le paradis de la plongée.

Pétra ou la montagne sculptée
Avant d’être au cœur du site, on marche dans le Sîq, un étroit défilé au sein des rochers de grès. On ne voit pas le ciel tant les rochers se rapprochent. Ce corridor apprend à être patient. Puis apparaît le trésor, ou Al-Khazneh, éclairé par le soleil. Ses six colonnes pointant vers le ciel, le monument est directement sculpté dans la montagne. C’est ce qui fait le charme de Pétra: tout est sculpté dans la pierre, pas de grandes salles mais des façades, et l’utilisation directe des parois rocheuses comme support artistique. L’humain a travaillé la pierre 7000 ans avant Jésus-Christ et près de 400 ans après sa naissance. Deux tremblements de terre ont mis à mal le site en 363 et en 551 avant qu’il ne tombe dans l’oubli. C’est Jean Louis Burckhardt, un explorateur suisse, qui l’a redécouvert en 1812, le classant ainsi définitivement parmi les grandes richesses de notre monde.
Parcourir Pétra exige au minimum une bonne journée. La visite se fait à pied, et bien chaussé. On peut aussi prendre un «taxi climatisé» ou une «Mercedes Benz» – dans le jargon local, cela correspond à un dromadaire et à un âne. Le ticket d’entrée est assez cher (50 dinars jordaniens, ou 75 CAD), mais c’est une bagatelle au regard de la richesse du lieu.

repères
Royaume hachémite de Jordanie
Monarchie constitutionnelle dirigée par Abdallah II
6,5 millions d’habitants
Capitale Amman
Géographie Plateau désertique à l’est et région montagneuse à l’ouest. Le Jabal Ramm, culminant à 1754 m, est le point le plus haut du pays. Un autre record, tout à fait à l’opposé, est le point le moins élevé, celui du monde cette fois, qui est au niveau de la mer Morte, à –408 m. Le pays, pas très grand, fait environ 460 km entre la frontière syrienne au nord et la frontière de l’Arabie Saoudite au sud. Parfait pour un voyage à vélo d’une dizaine de jours.
Situation économique et politique stable, mais secteur touristique très sensible aux crises régionales des voisins. Lors de notre visite en décembre 2012, il y avait très peu de visiteurs en raison de la situation de crise dans les pays voisins.
Visa Sur place, à l’aéroport
Sécurité Abdallah II est respecté par ses concitoyens, car il met en place des réformes démocratiques et il combat la corruption. Les frontières sont très surveillées, mais nous avons quand même évité le nord du pays, qui jouxte la Syrie.
Vélos Nous avons utilisé des vélos de montagne rigides, mais des vélos de cyclotourisme seraient parfaitement adaptés en raison de la bonne qualité des routes.
Guide Le Lonely Planet sur la Jordanie est très fouillé.

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