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Le blogue de David Desjardins

Transport et courage politique

03-01-2024

Photo: Freepik

Fin décembre, La Presse publiait la brillante lettre d’un élève de 4e secondaire qui est promis à une grande carrière dans l’écriture, le droit, les ventes ou la politique.

Drôle, parfaitement construite, s’appuyant sur des arguments le plus souvent imparables, la lettre du jeune Arnaud Richer est un bijou de chronique que le vieux routier de l’opinion que je suis a lue (et relue) avec délectation.

Pour la forme. Mais aussi pour le fond.

L’auteur y cite dès le départ une étude où l’on démontre que, pour chaque dollar dépensé par un individu pour se déplacer en voiture, il en coûte 5,77$ à la société. Pour le transport en commun, c’est 1,21$. Le transport actif, 0,22$.

Bref, rouler en auto est largement financé par l’état. Pas par vos plaques, pas par votre permis. Mais par les taxes et les impôts de toute la société. On pourrait croire qu’il s’agit d’une redistribution juste, puisque les automobilistes sont aussi taxés sur l’essence. Mais en réalité, ce que cela signifie, c’est qu’une famille comme la mienne, avec deux revenus et une seule voiture « commandite » les familles qui possèdent deux ou trois véhicules.

Gardez ça en tête pour la prochaine fois qu’un forçat de l’auto (lire : un prisonnier volontaire de son style de vie qui en veut aux autres utilisateurs de la route de le priver d’aller à la vitesse qu’il souhaite) vous accusera de ne pas avoir de plaque sur votre vélo ou de pas « payer de taxes ».

Mais revenons à cette lettre, qui démonte les discours négatifs à propos du transport en commun et prouve que le « tout à l’auto » de nos gouvernements (principalement celui du Québec) nous mène à un cul-de-sac.

J’écoutais encore François Legault tenter de ménager la chèvre et le chou à propos de l’abandon du tramway à Québec, du retour du 3e lien d’entre les morts en expliquant qu’il faut toujours écouter la population. Or, ce n’est pas ça, la démocratie.

Ce dont le PM parle, c’est d’électoralisme. De la faveur du public.

La démocratie, c’est de confier, en votant, le contrôle de l’état à un groupe de politiques, tous les 4 ans. Pendant cette période, les élus choisis par la majorité (pas en nombre, mais en comtés, dans notre modèle parlementaire britannique) ont le choix : celui de continuer à plaire, donc d’agir au gré des sondages jusqu’à l’élection suivante, ou alors de gouverner.

Or, gouverner demande du courage, de la vision. Deux choses dont notre premier ministre semble être dépourvu en matière de transport.

Oui, il faut entretenir le réseau routier. Mais il faut aussi fournir aux générations à venir des moyens de se déplacer autrement, de manière réellement durable. Il faut encourager le transport actif à l’année, miser sur l’enthousiasme des « early adopters » qui feront des petits. Il faut des incitatifs pour que le transport collectif interurbain en région soit plus efficace.

Quand chaque dollar dépensé par un usager de transport collectif coûtera à la société ne serait-ce que la moitié de ce que qu’engagent les dépenses des automobilistes (dont je suis), on pourra commencer à parler d’un changement véritable de mentalité. Et de courage politique.

Parce que c’est vrai, l’acceptabilité sociale des grands et petits projets de transports collectif et actif est loin d’être acquise.

Comme la plupart des changements importants dans l’histoire de nos sociétés, ils sont reçus avec suspicion, incrédulité, froideur, voire répulsion. Le courage, c’est de croire qu’on se place du bon côté de l’histoire en faisant un geste impopulaire, mais qui aura un impact positif sur la société.

Peut-on encore rêver à ça, ou si, dans notre univers politique où il semble que d’être réélu soit la principale motivation des gens qui forment le gouvernement, cela relève désormais de l’utopie?

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