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Reportage

Cyclocross – La fièvre de l’automne

31-08-2020
Cyclocross quebec

Photo: Sebastien Bouchard

Fin octobre. Il fait un froid épouvantable. Le peu de verdure épargné par l’automne semble avoir été délavé: l’œuvre du gel nocturne. Sur la ligne de départ des Championnats québécois de cyclocross, les 47 autres partants de la course des maîtres 40-49 ans ne parviennent pas à agir comme rempart pour me protéger du vent. Je tremble. On annonce le départ imminent. Je retire mon manteau d’hiver, sors le métaphorique couteau que j’avais rangé dans mon skin suit, le place entre mes dents, et c’est parti. Pleins gaz!

David Desjardins cx

David Desjardins
Photo: Sebastien Bouchard

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Devant, le terrain de jeu contient tout ce qu’il faut: des descentes endiablées, des virages qui se négocient à pleine vitesse et d’autres qui nécessitent un certain génie du pilotage. Il y a des dévers vaseux, des escaliers, des barrières, des montées glissantes et abruptes. Quant à l’ambiance, elle est aussi en règle: camion-bouffe, bière de micro, amis qui vous crient par la tête «Oublie pas que c’t’une course!», «Enwoye, l’gros moteur!»

cyclocross quebec velo mag

Photo: Sebastien Bouchard

M’attendent six tours de cet exigeant parcours. Cinquante minutes de poumons qui brûlent, de jambes qui hurlent, de regard halluciné, de mains cramponnées au guidon, de goût du sang dans la bouche.

J’adore ça. J’ai vraiment attrapé la fièvre du cyclocross.

Une éducation

D’abord, revenons en arrière. Ayant mis fin à ma «carrière» de coureur sur route, j’avais envie de retrouver l’excitation de la compétition. J’avais aussi le goût de m’essayer à autre chose. J’avais déjà participé à deux courses de cyclocross, il y a quelques années, parmi les moins difficiles du circuit sur le plan technique, et j’avais assez aimé.

Le but, dans ce cas-ci, était d’y aller à fond. Je me suis donc procuré un vélo (mon vieux était désuet, et reconverti en engin urbain). Puis une collection de pneumatiques. Mais avant tout, j’ai contacté un mentor en la personne de mon ami et coéquipier de longue date sur la route: Charles Ostiguy.

Charles Ostiguy cyclocross

Charles Ostiguy
Photo: Sebastien Bouchard

Parce que vous avez beau posséder le plus imposant moteur du lot, la connaissance et la technique changent la donne dans ce sport qui n’épargne pas les pilotes malhabiles.

Suivant les conseils de mes profs, je me suis donc mis à la pratique de différentes habiletés techniques (voir «Conseils de pros»), j’en ai profité pour mettre l’équipement à l’épreuve et, finalement, j’ai adopté le circuit régional de Lévis pour y faire mon éducation à la dure.

Toutes les semaines de septembre et du début octobre, le mercredi, nous étions quelques dizaines à prendre le départ de groupe à 18 h, tous genres et âges confondus, nous élançant sur un parcours impitoyable qui forçait à la fois l’humilité et l’acquisition de compétences sur le tas. Comme d’apprendre à bien rouler un dévers de gazon humide, ou à mesurer l’apex d’un virage parfaitement réussi. Sans parler des pépins techniques qui m’ont permis de mieux comprendre que le mariage entre certains pneus tubeless et des jantes n’est pas toujours heureux à 24 lb de pression. Car, oui, le cyclocross se roule comme le vélo de montagne: bien mou. Question d’adhérence.

Dans le désordre, j’ai glissé, je suis tombé, j’ai déjanté mes pneus (avant et arrière), je me suis encastré dans une barrière, j’ai pris une quantité ahurissante de mauvaises lignes, ragé en essayant de refixer mes pieds aux pédales, dérapé dans la garnotte, mais petit à petit, j’ai apprivoisé la bête.

Une communauté

L’équipe d’Éric Blais qui organise ces compétitions incarne parfaitement le dévouement et la passion de celles et ceux qui vont me permettre, tout l’automne, de développer mon amour pour ce sport.

communauté cx quebec

Photo: Sebastien Bouchard

Tandis que le soleil disparaissait, au terme de nos intenses efforts, les gars nous rejoignaient dans le stationnement, prenaient une bière avec nous, nous demandaient notre avis sur les changements apportés au parcours d’une semaine à l’autre. Je retrouvais là la collégialité qui me manquait des critériums estivaux, la crainte de me fracasser la gueule à 50 km/h en moins, et le plaisir d’écluser une bière en gang en plus.

À ma première course provinciale, je serais jeté dans le bain du cyclocross. Une communauté qui se retrouve toutes les fins de semaine d’automne, partant des quatre coins du Québec pour converger vers le lieu de compétition. Des visages nouveaux deviendraient familiers. La voix de Tino Rossi, infatigable maître de cérémonie: la bande son de mes week-ends.

Mais surtout, c’est l’esprit qui se dégage de ces événements qui me séduira au premier abord. Une convivialité qu’on ne retrouve ni tout à fait à la montagne ni sur route. Une sorte d’improbable et parfaite combinaison entre la compétitivité et le désir d’appartenance au groupe. Ensemble dans la misère, sans que cela n’éteigne, chez ceux qui le souhaitent, le désir de vaincre.

C’est l’esprit qui se dégage de ces événements qui me séduira au premier abord. Une convivialité qu’on ne retrouve ni tout à fait à la montagne ni sur route. Une sorte d’improbable et parfaite combinaison entre la compétitivité et le désir d’appartenance au groupe. Ensemble dans la misère, sans que cela n’éteigne, chez ceux qui le souhaitent, le désir de vaincre

Une saison (à s’amuser) en enfer

Première course du circuit provincial: Terrebonne. La série panquébécoise Maglia Rosa se joue désormais en groupes, répartis selon les forces et les compétences des coureurs. Dans la catégorie 1, vous êtes avec les élites. Dans la 2, les experts. Et ainsi de suite, pour tous les 15 ans et plus. La première nouveauté est donc de prendre le départ avec des kids qui pourraient être mes fils, ce qui est plutôt amusant. Et rafraîchissant. Je course dans la 2, avec mon pote Charles. Le calibre est fort, je m’en rends compte assez rapidement.

course cyclo cross

Photo: Sebastien Bouchard

Dans la chaleur caniculaire du début de l’automne, je découvre la difficulté d’un départ de masse aussi important. J’ai omis de me pointer tôt près de la ligne, je me retrouve donc tout à l’arrière. Nous sommes une cinquantaine. Si bien que, lorsque les premiers coureurs franchissent la butte à une cinquantaine de mètres devant, je n’ai pas encore bougé. Je ne m’en sors pas trop mal, malgré ce faux pas et une tête de tige de selle défectueuse qui m’oblige à faire presque toute la course debout et à m’arrêter pour tenter de régler le problème, en vain.

En route pour Chelsea, la voiture de Charles a bien failli être emportée par le vent de la tornade qui a frappé l’Outaouais. Je suis quant à moi touché par la grâce: j’effectue un départ canon, parvenant à demeurer à l’avant malgré la confusion qui m’habite dans les premiers instants de chaos que constitue chaque début de course. Le parcours est dur, à flanc de montagne, et il comprend des sections de boue épaisse qui obligent à choisir: courir ou peser très fort sur les pédales et y laisser des forces. Je suis un coureur rapide, je gagne du temps dans ce secteur.

J’ai l’impression d’avoir compris quelque chose. La technique se place. J’identifie les bonnes lignes, je dépasse bien et gère mon effort correctement. Si bien que je termine au pied du podium. Le lendemain, sur le même parcours, un mauvais départ me handicape. Dur pour le moral. Excellent pour l’humilité.

femmes cyclocross

Photo: Sebastien Bouchard

À Bromont, ça rocke. Les premiers virages après le départ creusent les écarts. C’est souvent à ce moment que se forme le trou entre les cinq premiers et ceux qui suivent: dans les premières difficultés techniques. Tu veux arriver là en premier et ne pas subir les autres, mais plutôt imposer ton rythme. Je m’en sors moyennement, mais je regagne des places par la suite. Plus la course avance, mieux je me sens, et mes habiletés à franchir les difficultés s’aiguisent. Je termine isolé, entre deux groupes. Je gère, tente de reprendre du temps sur l’avant sans exploser ni me faire rattraper non plus derrière. Le métier rentre. Surtout, je m’amuse ferme.

Course à Rigaud, sur un circuit semblable à celui de Chelsea, quoiqu’un peu moins exigeant. C’est mon très mauvais bunny hop qui me coûte cher ici, et je manque de laisser ma roue arrière sur le parcours en la massacrant deux fois sur un billot placé en travers du tracé. Mais plus encore, j’ai dormi au gaz et raté l’appel du départ: mon classement dans la série m’aurait permis de commencer à l’avant, mais j’étais parti aux toilettes… Je débute à l’arrière, dans le zoo. Ce qui m’oblige à chasser tout du long.

cyclocross quebec mud

Photo: Sebastien Bouchard

Le lendemain, direction Boucherville. Des lignes rapides, avec pour principale difficulté une grande trappe de sable où l’on fait un aller-retour. Chaque fois que j’en ressors, j’ai l’impression de mourir un peu. La volée d’escaliers qui suit finit de me faire exploser les jambes. Mais je ne m’en sors pas trop mal, je reste un bon moment avec le groupe de tête, mais me fais plus tard larguer… pour mieux revenir en tête, contre toute attente, et je termine pas très loin derrière, après qu’une chute dans un dévers m’eut coûté de précieuses secondes. Et une place, au final.

Je termine ma saison en enfer à Drummondville. Il reste une autre course du circuit provincial le lendemain, puis deux autres à Laval en novembre (qui se dérouleront dans la neige). Les championnats canadiens, aussi. Plus d’autres compétitions à gauche et à droite, en Ontario, au Vermont, dans le Maine. La fatigue se fait sentir. J’ai beau me reposer en semaine, et tourner les pattes en ne gardant qu’une séance d’intervalles, l’intensité des efforts du week-end me rattrape. Les coûts aussi. Essence, chalets, motels, hôtels, restos, équipement: tout cela s’accumule… sur ma carte de crédit.

Le sport parfait

velo cx entretien

Photo: Sebastien Bouchard

Malgré cela, si je n’avais pas un long voyage prévu à l’automne, je referais la même chose cette année. Sans doute vais-je renouveler l’expérience l’an prochain. Parce qu’il y a dans cette communauté de coureurs et de coureuses un esprit qui m’attire et m’élève. Je m’y sens bien. Au-delà de l’épreuve sur la forme, on s’amuse à déconner avec les autres, à améliorer sa technique, à progresser, à se découvrir des limites, à déguster des bières de micros, à retrouver ses vieux amis le temps d’un week-end dans un chalet, à parler d’équipement, de pression de pneus… J’aime l’idée de ce sport où l’on fait les choses sérieusement, mais sans trop se prendre au sérieux. Une sorte d’éthique du jeu qui me parle et m’habite.


Mon matos

roues cyclocross

Photo: Sebastien Bouchard

Le vélo

Pour faire ma saison, je me suis procuré un vélo de gravelle plutôt que de pur cyclocross. Un Parlee Chebacco dont les angles sont un peu plus « lousses », mais pas assez pour rendre sa conduite difficile dans les virages serrés ou les passages à grande vitesse qui réclament une certaine nervosité. Je l’ai ensuite équipé de plateaux plus petits (46-36), conservant les pignons de 11-28 à l’arrière. Plusieurs ont adopté le plateau unique dans ce sport, mais personnellement, j’aime bien utiliser le dérailleur avant dans le but de faire d’importants changements de rapports en un seul geste. Au sommet d’une petite montée suivie d’une descente, par exemple. Pour le reste, rien d’extravagant. Un système Ultegra mécanique. Des périphériques en alu résistants. De la guidoline bien coussinée. Et les pédales de mon vélo de montagne, des Crankbrothers Candy.

Les roues et les pneus

J’ai trouvé dans les roues Easton EA90 mes alliées les plus précieuses. Indestructibles, prêtes pour le tubeless. Je les ai malmenées, enfoncées dans les racines, encastrées dans les billots, les roches. Quelques alignements ont suffi à les remettre en bon ordre. Cependant, tous les pneus tubeless ne se marient pas parfaitement à toutes les roues, à très basse pression. Tentant de reproduire celles qu’adoptent les (riches) utilisateurs de boyaux, soit à peine au-dessus des 20 lb, j’ai systématiquement déjanté les miennes avec mes Maxxis Mud Wrestler et All Terrane, dont j’aimais toutefois beaucoup le design. Le premier se nettoie vite, le second est très rapide et polyvalent. J’ai par contre trouvé le monde idéal chez Vittoria, avec le modèle Terreno Dry, absolument redoutable sur le gravier comme sur le gazon, et le Terreno Wet, que j’ai utilisé le plus souvent, puisqu’il convenait à toutes les situations. À 24 lb de pression à l’arrière et 22 à l’avant, je pouvais prendre les virages les plus débiles à pleine vitesse.

Les chaussures, gants, casque, vêtements

Si les coureurs proviennent du vélo de route comme de celui de montagne, dans le cyclocross, les accessoires arrivent de partout aussi. J’ai utilisé mon casque de route : léger, sans visière (un Kask, modèle Protone). Faut juste s’attendre à l’égratigner un peu sur des branches d’arbres. Pour le principal vêtement, j’ai recyclé mes skin suits de critérium. Je les favorise parce qu’ils sont sans tracas, épousent le corps et permettent une totale liberté de mouvement. Pour les gants, j’ai adopté les Giro Rivet en raison de leur respirabilité et de leur simplicité. Ils ne m’ont pas déçu. Quant aux chaussures, aussi de Giro, les Empire VR90, elles ne semblaient pas du tout avoir souffert des tourments que je leur ai fait subir en fin de saison. Je viens de les ressortir pour ma saison de vélo de montagne, et elles ont l’air presque neuves. Les lacets sont encore intacts. Leur semelle rigide dotée d’une surface bien cramponnée m’ont permis de pédaler à fond et de courir sans peine. Si j’avais bien aimé leur version pour route, dont j’ai possédé deux paires, celles-ci, pour la montagne, m’ont carrément ravi. Parfait équilibre entre durabilité et confort: voilà ce que vous devez chercher.

Les derniers détails

Ayez toujours sous la main de quoi laver le vélo (Muc-Off propose un ensemble de brosses et de produits nettoyants à faible coût, sinon, une brosse à plancher, du dégraissant, du savon à vaisselle, une chaudière et une mitaine pour laver l’auto feront l’affaire). Ayez également de quoi vous garder au sec et au chaud. Prévoyez plusieurs kits, car vous vous salirez dans les tours de reconnaissance du parcours. Trimballez aussi une vieille doudoune afin de ne pas mourir de froid avant la course. Vous pourrez la lancer au bord du chemin avant le signal du départ. Peu importe la température, une fois en course, vous aurez relativement chaud.

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