Depuis sa formation il y a 26 ans, le club Cyclone a développé à Alma plus de cyclistes de haut niveau que toute autre organisation au Canada. Un phénomène difficile à expliquer.
Alma, au Lac-Saint-Jean, ce n’est pas une métropole. En prenant en compte la pouponnière de l’hôpital et tous les aînés de la Résidence Clair de lune, on arrive tout juste à 30 000 habitants. Un tout petit bassin d’athlètes, donc. Pourtant, le club Cyclone parvient à en tirer des champions. Et des championnes… beaucoup de championnes ! Elsie Torresan, en 2002, a été la première Cyclone à être sélectionnée sur l’équipe nationale. Émilie et Rébecca Beaumont ont emboîté le pas, suivies de Stéphanie Lacoursière, Valérie Meunier, Kristina Laforge, Stéphanie Tremblay, Catherine Fleury et Rachel Pageau. Chez les gars, Sébastien et Samuel Tremblay, ainsi que Jean-Daniel et Emmanuel Boily ont aussi gravi les échelons jusqu’à l’équipe nationale, tout comme William Pilote, la vedette montante actuelle. Et n’oublions pas Léandre Bouchard, qui mène depuis plus de 10 ans une brillante carrière professionnelle.
Ces succès ont conduit à la création en 2022 d’une équipe professionnelle, Foresco Holding Proco RL, composée de Léandre Bouchard et de Victor Verreault, de Saint-Félicien, qui courent sur le circuit de la Coupe du monde en Europe.
En date de 2022, où le club faisait un bilan à l’occasion de son 25e anniversaire, le palmarès allait comme suit : 6 titres de champion(ne) national, 157 participations à des Coupes du monde ainsi que 31 participations aux Championnats du monde.
Quelque chose dans la tourtière ?
Marc Deschênes, membre fondateur du club et président durant les 12 premières années, explique le succès du club par ses valeurs plutôt traditionnelles : « Engagement, respect, amour du sport, camaraderie et esprit de famille constituent les principaux piliers de notre organisation, citée en exemple partout dans la région, au Québec, au Canada et ailleurs. »
Jean-Sébastien Harvey, l’actuel président, met plutôt l’accent sur l’émulation. « J’ai intégré le club Cyclone pour permettre à mes garçons de côtoyer et d’avoir comme modèles de jeunes sportifs du club. Ces derniers étaient non seulement de grands athlètes, mais également des jeunes bourrés de talents, intelligents et socialement engagés. »
Jude Dufour, entraîneur en chef du club depuis ses débuts, en rajoute : « Je dis toujours que quand on veut voler comme un aigle, il ne faut pas se tenir avec des dindons. » En se côtoyant, les athlètes apprennent à se dépasser, à s’entraîner et à performer dans des conditions souvent difficiles.
Cela dit, selon un bruit qui court, la force des athlètes de la région serait liée à un ingrédient secret contenu dans la tourtière… La célèbre tourtière du Lac-Saint-Jean agirait comme une potion magique pour ce petit village d’irréductibles athlètes. Une explication que les principaux intéressés ne confirment pas, mais ne nient pas non plus. Le mystère plane.
Une communauté tissée serrée
Une communauté tissée serréeLe club Cyclone est né en 1998, et ses fondateurs voyaient déjà grand en lui donnant une vocation de développement menant à la haute performance. Jude Dufour prédisait d’ores et déjà qu’il y aurait des champions canadiens au sein du club ! Le temps lui a donné raison. Le milieu des affaires a toujours cru au projet. Le lancement officiel a eu lieu dans le sous-sol de Resto Roberto, un commanditaire encore présent. Quand est arrivé le moment d’organiser une activité de financement, le fameux Spin-o-max, la brasserie sportive La Cage a rangé les tables et fait de la place à 60 vélos stationnaires. D’autres entreprises ont aussi accolé leur nom à celui du club : les compagnies forestières Abitibi-Consolidated et RCTF, ainsi que plusieurs petits commerces qui ont collaboré dans la mesure de leurs moyens.
Le club reçoit beaucoup de la communauté mais redonne sans compter. Le Spin-o-max annuel amasse des sous pour le club, mais également pour une fondation caritative. Les athlètes du club sont présents au sein d’Opération Nez rouge, du Jogging du père Noël et du défilé du Festirame. C’est comme ça que ça marche, au Lac !
Une grande famille
En 1999, Alma accueillait les Jeux du Québec, et le club a pris en charge le volet vélo de montagne, alors un sport de démonstration. L’année suivante, le club organisait les Championnats québécois de vélo de montagne au centre de ski Mont-Lac-Vert, une autre belle réussite. Ces rencontres sportives ont demandé beaucoup de travail de la part des bénévoles. Au sein du conseil d’administration ou sur le terrain, les parents des jeunes se sont dévoués sans réserve. De franches amitiés se sont nouées en roulant en sentier, durant les corvées d’entretien, lors des courses, si bien que le club est devenu une grande famille.
Des assises solides
Au cœur du club se trouve l’équipe de développement et compétition. C’est là que les athlètes progressent, sous la férule de l’entraîneur Jude Dufour et de ses assistants. Un programme de sports-études leur est offert à l’école polyvalente Arvida.
Il y a également l’école de vélo, afin d’assurer la relève. Une centaine de jeunes âgés de 8 à 14 ans s’amusent les samedis dans les sentiers du centre de villégiature Dam-en-terre ou près de la centrale hydroélectrique de L’Isle-Maligne appartenant à Alcan. Mine de rien, on leur inculque des habiletés techniques et on les initie à la compétition.
Finalement, le club comporte un volet randonnée, qui regroupe les cyclistes récréatifs, souvent les parents des jeunes de l’école de vélo. Parmi eux, on compte des cyclistes aguerris et des mécanos expérimentés qui apportent leur savoir-faire lors des activités et de l’organisation des courses.
Le club Cyclone repose donc sur des bases solides, et si les 26 dernières années sont garantes de l’avenir, préparez-vous à voir encore beaucoup de jeunes Jeannois sur les podiums.
Jude Dufour, le coach
« Coach Judy », comme on le surnomme dans le club, est une force tranquille, un gars posé qui n’a pas besoin d’élever la voix pour qu’on l’écoute. On dit de lui qu’il est « l’œil du cyclone », et avec raison. Jude Dufour est le catalyseur qui a permis de faire émerger du lot un si grand nombre d’athlètes. Il a lui-même donné l’exemple en se hissant parmi la crème des entraîneurs au Canada. Dès 2012, il atteignait le niveau 4 du programme national de certification des entraîneurs, le plus haut niveau au Canada.
Jude Dufour croit fermement aux vertus de la compétition pour développer les jeunes et en faire des adultes plus complets : « Il faut dans nos organisations sportives nous appuyer sur des entraîneurs formés et certifiés, respecter le développement à long terme de l’athlète, valoriser le plaisir, mettre l’accent sur les habiletés motrices générales et repousser la spécialisation. »
Léandre et Jude
Léandre Bouchard, l’olympien
Le petit junior tannant qui tombait sur les nerfs de tout le monde lors des projets de l’équipe du Québec est devenu un géant et un athlète accompli, la fierté du club Cyclone. Ayant à son actif une dizaine d’années sur le circuit professionnel de la Coupe du monde, Léandre Bouchard a fait sa place au sommet de l’élite canadienne. Il a participé aux Jeux olympiques de Rio en 2016 (où il a terminé 27e) et il était de loin le Canadien le plus performant en 2021 au moment des Jeux de Tokyo, mais on lui a préféré Peter Disera, sur la base de résultats réalisés deux ans plus tôt. Cette décision que plusieurs ont trouvée injuste n’a pas découragé Léandre Bouchard. Relevant d’une blessure, il a connu une saison 2022 décevante. L’année 2023 a elle aussi été en dents de scie, mais elle s’est conclue sur une note très encourageante : une 16e position à l’épreuve finale de la Coupe du monde, devant les siens, à Mont-Sainte-Anne. Voilà qui augure bien pour la sélection des prochains Jeux olympiques.