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Hors-Québec

Normandie, Bretagne et Pays de la Loire à vélo : Il était une fois dans l’Ouest

03-11-2021

Le train entre en gare de Caen, en Normandie. À la porte du train, je trépigne d’impatience, mes deux sacoches en main. J’entame un périple dans l’ouest de la France qui me mènera sur de magnifiques parcours Cyclables. Au menu : des chemins tranquilles et des bords d’océan indomptés.

En Normandie, il fait soleil au moins une fois par jour », me prévient Hugo Guillochin en m’accueillant sur le quai de la gare. Le dynamique créateur de Petite reine, une entreprise qui propose des balades à vélo électrique, adore sa Normandie. Sur son vélo de gravelle, il l’a sillonnée dans tous les sens, partageant avec plaisir la riche histoire de son coin de pays.

Pour le moment, nous roulons de concert sous les rayons de soleil de la journée en longeant l’Orne en direction d’Ouistreham et des plages du débarquement. La piste cyclable arrive à Bénouville, juste au coin du café Gondrée où fleurissent les nappes à carreaux et les drapeaux français. Cet estaminet est en fait la première maison libérée par les alliés. Il est juste à côté du pont Pegasus où trois planeurs ont atterri le 5 juin 1944 pour prendre le contrôle de ce pont névralgique. C’était le début du débarquement.

En pédalant vers Ouistreham, puis en longeant la mer vers Courseulles-sur-Mer, on ne peut être que saisi par l’émotion qui se dégage de ce lieu historique. Les volets des villas qui bordent la mer sont fermés – nous sommes en octobre. Le ciel est gris, pas grand monde sur les plages et dans les rues, difficile d’imaginer qu’à cet endroit des soldats ont débarqué sous une pluie de plombs. Le Centre Juno Beach permet de prendre conscience de cette réalité. C’est en fait un musée installé là où les soldats canadiens ont débarqué. Ce sont d’ailleurs de jeunes Canadiens qui font visiter les lieux.

Au cœur de la Normandie

Je commence réellement ma découverte de l’itinéraire cyclable de la Vélo Francette aujourd’hui en partant de la gare maritime de Ouistreham en direction de Pont-d’Ouilly. Bye bye, bord de mer, je vais longer l’Orne pendant une bonne partie de la journée. La traversée de Caen se fait comme une fleur. Ensuite, place à la nature, là où la rivière a creusé son parcours dans les vallées. La piste emprunte une ancienne voie ferrée, traverse de vieilles forêts, des villages tranquilles. Côté ravitaillement, il faut y penser avant midi. Pour ma part, je m’arrête à l’ancienne gare de Thury-Harcourt, qui est devenue un café-épicerie. Je suis le seul client de la journée à déguster quelques crêpes au sucre à un euro. Réconfortant. Jusqu’à Pont-d’Ouilly, le relief plat s’accentue. Il faut dire que j’entre dans la Suisse normande, que je vais traverser jusqu’à Domfront.

De petits villages, les routes étroites du bocage et, enfin, une route en lacet qui grimpe à la Roche d’Oëtre, à 172 m d’altitude, une étrange structure rocheuse qui domine un précipice escarpé. Elle donne sur les gorges de la Rouvre, offrant un impressionnant spectacle de montagnes, dans un environnement de collines et de bocages. À partir de Flers, la Voie verte passe sous un magnifique couvert d’arbres. Ici, le vélo hybride s’appelle le vélo tout chemin. On comprend pourquoi. En grimpant au pied des remparts de Domfront, je croise Françoise et Raymond sur leur vélo à assistance électrique. Le couple est parti de La Rochelle et a emprunté la Vélo Francette jusqu’en Normandie. Cela fait 30 ans qu’ils voyagent à vélo. Ils ont investi récemment dans deux modèles à assistance électrique dans le but de se garder en forme et de continuer à voyager.

Au pied du Mont-Saint-Michel

J’attends avec impatience le rayon de soleil de la journée en pédalant vers Ducey et le Mont-Saint-Michel. C’est le temps de faire une infidélité à la Vélo Francette pour emprunter la Vélomaritime vers la Bretagne. Comme la pluie battante ralentit mes ardeurs, je m’arrête dans un restaurant routier. Au menu : entrée, soupe, plat de résistance, fromage et dessert pour un modeste 13 euros. Les bouteilles de vin et de cidre sont sur la table et la convivialité est de rigueur entre voyageurs.

Même convivialité le soir à l’Auberge de la Sélune, à Ducey. Entre le velouté de coquillages aux châtaignes et le merlu aux cocos de Paimpol, je discute avec mes voisins de table. Ce couple de jeunes Anglais habite en Normandie en été et en Angleterre durant l’hiver. Leur boulot : donner une seconde vie à des ruines achetées par des Britanniques. C’est la réalité normande en matière de résidence secondaire.

Le passage du bocage à la baie se fait d’un seul coup. Au détour d’un virage, la Merveille apparaît. Ce n’est pas pour rien que l’image du Mont-Saint-Michel est très souvent utilisée comme symbole touristique de la Normandie, et même de l’Hexagone. C’est un véritable phare qui attire le regard comme un aimant. Il faut bien le dire, l’endroit connaît une fréquentation assidue, même durant une journée grise d’octobre. Je suis bien content d’être à vélo, l’accès à la Merveille n’est pas si simple en voiture. De grands stationnements et des navettes gratuites pallient la surpopulation touristique du Mont-Saint- Michel. L’allée qui mène aux pavés du mont s’emprunte à pied, à cheval ou en navette. Pas question d’y aller à vélo. Bien qu’il y ait des stationnements, ce n’est pas évident de laisser les sacoches accrochées au vélo le temps d’une visite.

J’emprunte la Voie verte qui tourne le dos au mont. Je passe de la Normandie à la Bretagne à l’abri du vent, sur un chemin au coeur du bocage. Abri de courte durée quand je rejoins le bord de mer. Jour de grandes marées et de grands vents. Les chars à voile foncent sur la plage de Cherrueix. Un peu plus loin, ce sont les bouchots de Vivier-sur-Mer et les huîtres de Cancale qui s’offrent à la vue. Cette culture traditionnelle des produits de la mer s’est modernisée : on trouve aujourd’hui des distributeurs automatiques de plateaux d’huîtres… Il suffit de glisser sa carte bancaire pour y avoir accès.

La lumière de Bretagne

J’arrive en fin de journée à Cancale. Le rayon de soleil du jour se pointe le nez. Il éclaire d’une lumière orangée les maisons qui bordent le quai. Juste cette lumière si particulière à la Bretagne vaut le voyage ! Au pied du phare, un vieux Tube Citroën a été transformé en bar itinérant. Un verre de gros-plant à la main, je déguste quelques huîtres les pieds pendant au bout du quai. Bienvenue en Bretagne ! Le lendemain, comme je dois franchir une bonne étape qui longera la côte, une galette jambon-œufs-champignons, et la bolée de cidre qui va avec, s’impose.

Pour ceux et celles qui doutent que la Bretagne ait des allures de bout du monde, il suffit de vous rendre à la pointe du Grouin. À 40 m au-dessus du niveau de la mer, le panorama s’étend du cap Fréhel à Granville en passant par le Mont-Saint-Michel. Autant vous dire que je me sens tout petit sur mon vélo.

En arrivant à quelques encablures de Saint-Malo, il faut emprunter la digue qui longe la mer. Les brise-lames ponctuent la plage et les remparts apparaissent dans toute leur splendeur. En fermant les yeux, on s’imagine fort bien les corsaires du roi rapportant leur butin après avoir écumé les mers. D’ailleurs, en faisant un petit tour dans le port, où quelques vieux gréements chatouillent le ciel de leur mâture, les voiliers modernes ont l’air de coquilles de noix à côté. Je prends un traversier qui m’emmène de l’autre côté de la baie, à Dinard. Un de ces voiliers d’un autre âge nous devance. À le voir remonter le vent, il n’a vraiment pas l’allure d’un musée flottant !

Je mets le cap sur Plévenon. C’est là que je rencontre Fabien Leduc, le capitaine d’Abicyclette voyages. Comme Obélix et sa fameuse marmite de potion magique, Fabien est tombé dans le vélo. Il n’hésite pas à dire que c’est la Bretagne qui a fait de lui un cycliste. « La côte, la diversité, la géomorphologie, le paysage, le relief, le vent, autant de raisons de rouler en terre bretonne », explique celui qui a suivi une formation de vélo de montagne dans les Alpes avant de fonder son entreprise à Rennes.

Avant de filer vers l’ouest, de Plévenon, je prends la roue de Fabien vers le nord pour voir le cap Fréhel. La pointe en grès rose au relief tourmenté sépare les baies de Saint- Brieuc et de Saint-Malo. Dominant la mer à plus de 70 m de hauteur, le cap est envahi par la lande et la bruyère. Un coup de vent, un rayon de soleil sont suffisants pour changer la palette de couleurs de la mer et de la terre. Vert émeraude, gris, bleu, la mer joue les caméléons. Comme le site est protégé, un seul bâtiment vient jouer dans la lande ; il s’agit du phare du cap Fréhel, qui se voit à plus de 50 km. Un peu plus loin, le cap d’Erquy modère les eaux de la baie de Saint-Brieuc.

Le rose de Perros-Guirrec

Je reprends la route entre Perros-Guirec et Trébeurden en longeant la célèbre côte de granit rose. Les fameux rochers ont été sculptés par les vents et les embruns, de quoi leur donner des formes étranges tout en douceur. Il suffit d’un minuscule rayon de soleil pour faire éclater le rose du granit.

Le parcours emprunte de petites routes et des chemins pour rejoindre les villages portuaires. Contrairement à bien des endroits qui bordent l’océan, la Bretagne a gardé ses maisons anciennes, dont les vieilles pierres sont capables de résister aux embruns. Chaque village a sa personnalité : avec une petite île juste en face du port, un château… Je comprends les propos de Fabien au sujet de la Bretagne façonneuse de cyclistes. Si ce n’est pas une pente abrupte, c’est le vent qui va ralentir vos ardeurs, et il peut se montrer très insistant ! Le bruit court qu’ici, en Bretagne, s’il peut faire beau plusieurs fois par jour, on peut aussi vivre les quatre saisons en une seule journée. C’est peut-être pour ça que la lumière est aussi belle.

Le beau métier d’éclusier

Mon périple n’étant pas linéaire, je suis de retour sur la Vélo Francette du côté de Laval. Michel Talvard, qui connaît sa Mayenne sous tous ses angles, me trace un portrait bien alléchant des bords de la rivière du même nom et de ses chemins de halage. Depuis Charlemagne, la rivière a servi de lien commercial dans les deux sens. Jusqu’au milieu du XXe siècle, les péniches tirées par des chevaux transportaient les marchandises. Le département a décidé de lui donner une autre fonction : une voie verte idéale pour la randonnée pédestre ou la balade à vélo.

Histoire de dynamiser le tout, un appel d’offres a été lancé afin de dénicher des éclusiers capables de développer un projet d’animation dans les petites maisons qui bordent le canal. Leur boulot : faire fonctionner les écluses aux heures ouvrables et proposer de l’animation sur le bord de la rivière, comme un café, un restaurant ou toute autre activité qui puisse mettre un peu de couleur sur le chemin de halage.

Avant de quitter Laval, Michel m’emmène voir un de ses amis qui tient un atelier de vélo. Il me fait découvrir sa caverne d’Ali Baba dans un ancien crématorium. Philippe Clément récupère de vieux biclous qu’il entasse dans son atelier, un véritable capharnaüm. Jamais je n’ai vu autant de vélos dans un espace aussi restreint ! Il les restaure, leur donne une deuxième vie, voire une troisième, vu l’âge de certains modèles.

La quiétude de la Mayenne

J’ai rapidement quitté Laval pour longer la Mayenne sur le chemin de halage. Comme nous sommes en octobre, le seul bruit qui vient à mes oreilles est le bruissement des feuilles sous mes roues. La rivière coule doucement, ponctuée régulièrement par la présence d’écluses et de nombreux châteaux. L’abbaye Notre-Dame du Port du Salut est toujours fréquentée par les moines même si la fabrique de fromage bien connue a été rachetée. Quelques pêcheurs tentent leur chance. Il est tard dans la saison, les cyclistes, comme le tourisme fluvial, se font rares. Les éclusiers retrouvent la tranquillité du hors saison. Antoine Faucheux, installé à l’écluse de Neuville, en profite pour avancer son autre job : il fabrique des couteaux et donne aussi de la formation pour fabriquer ses propres couteaux. De temps en temps, il quitte sa pierre à aiguiser le temps de tourner la roue de son écluse afin de faire passer un bateau.

À peine 35 km pour se rendre à Château-Gontier, et une soixantaine de plus pour rejoindre Angers. La Mayenne est toujours ma voisine. Il est impossible de se perdre en suivant les méandres de la rivière et les indications. Je comprends de mieux en mieux le nom de la Vélo Francette, éloge de la rivière qui coule lentement, tout au long de laquelle on trouve de petits producteurs de fromages ou d’autres produits à découvrir pas très loin du parcours.

Je déguste un verre de vin local avec Thierry Gintrand, directeur général d’Angers Loire Tourisme. L’homme a été vacciné avec un rayon de vélo. Il a rapporté une médaille des Jeux d’Atlanta, sur le vélodrome qui est maintenant installée à Bromont. C’est aussi le créateur du premier festival de vélo de gravelle français, Nature is Bike. L’événement a été reporté à juin 2021.

Douceur angevine

Je suis sur le quai de la gare d’Angers très tôt le matin pour un départ vers Saumur. Les trains de la SNCF accueillent les vélos facilement, sauf quelques exceptions, comme les TGV qui exigent un sac de transport. À vérifier avant de grimper dans le train. À mon arrivée à la gare de Saumur, le soleil vient tout juste de se lever. Je me suis gardé cette dernière journée de mon périple pour faire une boucle autour de Saumur. Pas de piste cyclable ni de chemin de halage, mais plutôt de petites routes qui sillonnent les villages des environs. En 70 km à peine, je croiserai des maisons en pierres de tuffeau, des troglodytes, des châteaux et quelques rivières.

Ma découverte de ce parcours qui permet de prendre le temps de vivre s’arrête là. Si Yves Montand avait connu ce magnifique itinéraire, ce n’est pas Paulette qu’il aurait suivie à bicyclette, mais plutôt Francette.

La Vélo Francette

Cette véloroute créée en 2015 part d’Ouistreham, en Normandie, et se poursuit jusqu’à La Rochelle, en Poitou-Charentes. En plus d’être un point d’interconnexion entre les grands itinéraires cyclistes de l’Ouest, c’est 630 km d’éloges à la France profonde. Au programme : des chemins tranquilles, des clochers qui réveillent la sérénité des villages, des rivières qui coulent paresseusement, de multiples découvertes des traditions locales et de belles rencontres. Le bitume n’est pas légion sur le parcours de la Vélo Francette. Il est donc sage de prendre un VTC (vélo tout chemin), comme on appelle ici le vélo hybride. Un vélo de gravelle ou de cyclotourisme avec des pneus pas trop fins fera aussi l’affaire. lavelofrancette.com

La Vélomaritime

De Roscoff, en Bretagne, à Dunkerque, à la frontière belge, l’itinéraire longe la Manche et la mer du Nord sur 1500 km. La véloroute est aménagée sur plus de 90 % du parcours. À déguster sans modération pour ceux qui aiment les bords de mer. lavelomaritime.fr

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