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Québec

Le tour de la Gaspésie, version vélo de montagne

30-04-2021

Mont Berchervaise @ CHOK Images

Un cycliste, un vélo à gros crampons, une péninsule. Vélo Mag a pédalé la route gaspésienne de vélo de montagne. Récit en six destinations.

Mont Béchervaise
Avoir l’air et la chanson

Bobby Cotton n’a pas que la dégaine du rockeur, il en a aussi l’attitude un brin nonchalante. Au guidon de son rutilant Rocky Mountain Altitude, le musicien de formation aux cheveux longs, à la barbe poivre et sel et aux fidèles lunettes fumées me guide dans un tour du propriétaire du mont Béchervaise. Avec ses quelque 25 km de pistes, cette montagne de ski située à même pas cinq minutes du centre-ville de Gaspé se veut le navire amiral des Sentiers du bout du monde, un OBNL qui aménage et répertorie des sentiers de vélo de montagne sur la péninsule gaspésienne.

«Béchervaise, c’est notre carte de visite, la porte d’entrée pour découvrir notre coin de pays», indique le propriétaire des Chalets du bout du monde dès nos premiers coups de pédale sur la Montée. Cette longue ascension roulante comportant maints dévers est un passage obligé pour atteindre le paradis, qui prend la forme de descentes épiques. D’une durée de vingt à trente minutes, elle n’use pas trop et mène au sommet de 344 m dans une relative fraîcheur. On peut même se permettre, comme mon accompagnateur, de siffloter une toune en grimpant. Stairway to Heaven, peut-être? Tout en haut, un florilège d’options; nous jetons d’abord notre dévolu sur la Bêche, une diamant noir au fil de laquelle on joue au ninja entre racines, cailloux et troncs d’arbre. Ça déménage.

Ce n’est pourtant qu’une mise en bouche. Plus tard, nous optons pour Enweillenbas, une flow trail composée de virages encaissés prévisibles. La Cobra, juste à côté, suit un tracé fort similaire, aux courbes plus serrées. Dans les deux cas, le riff de guitare nerveux de la bien nommée Tourne encore, de Salomé Leclerc, est de circonstance. L’enchaînement Je Capote et Sous Bois est du même acabit, quelques belles frousses en prime. Rien d’inaccessible à un néophyte, toutefois, contrairement à Lumbersexual, une double diamant (la seule) où on serpente entre ruisseau et falaise, enjambant des ponceaux au passage. Dépassé, votre humble serviteur y a du reste laissé des plumes. J’en ai plein mon cass, par Émile Bilodeau, vous connaissez?

Les autres secteurs
Le parc national Forillon, le mont Pudding Stone, l’arrière-pays entre Gaspé et Percé: le secteur du Grand Gaspé regorge de sentiers de vélo de montagne, qui totaliseront une centaine de kilomètres d’ici 2021. Les Sentiers du bout du monde les listent sur leur site web sous la forme de précieux tracés GPX. Mais attention: contrairement à ceux du mont Béchervaise, ces pistes, un savant mélange de chemins forestiers, de single tracks et de routes de VTT, sont minimalement aménagées. sentiersduboutdumonde.com


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Mont Saint-Joseph
Plaisir à la puissance dix

© Mont-Saint-Joseph

Vincent Landry m’avait prévenu: le réseau de 20 km de sentiers de vélo de montagne de type résolument enduro du mont Saint-Joseph, à Carleton-sur-Mer, s’adresse à des cyclistes dégourdis. «Prends ça mollo vu que c’est ta première fois, il y a plusieurs segments casse-gueule»: c’était ses mots. Ce que le directeur général de la corporation chargée de préserver et de mettre en valeur ce lieu patrimonial avait cependant omis de me mentionner, c’est que dévaler «sa» montagne suscite une furieuse envie de r’venez-y. Disons-le franchement: ça faisait longtemps que je ne m’étais pas autant amusé sur un vélo.

Je ne suis manifestement pas le seul: l’achalandage au mont Saint-Joseph a augmenté de 26% en 2019, en grande partie grâce aux amateurs de pneus à crampons. «L’été dernier, de gros rouleurs du coin de Bromont et de Québec sont revenus trois fins de semaine de suite. Ils tripaient solidement!» me raconte Vincent, lui-même un fanatique de vélo de montagne – il a connu les débuts de la discipline dans sa Haute-Gaspésie natale il y a un bail. Sa passion, on la ressent d’ailleurs ici et là sur le réseau. Tout particulièrement sur la Tracadigash, une boucle à nulle autre pareille au Québec et dotée d’une gigantesque passerelle en bois adossée à la baie des Chaleurs. Sensations fortes garanties.

Pour de vrais papillons dans le ventre, c’est toutefois sur l’Experts que ça se passe. Vous souffrez de vertige? Bon courage: ce sentier en terrasses fixées on ne sait trop comment à flanc de falaise ne laisse pas droit à l’erreur. Certaines portions de virages en épingle à cheveux sont si verticales qu’y échapper la bécane est synonyme d’une (quasi) condamnation à mort. L’auteur de ces lignes a en tout cas vu sa vie défiler devant ses yeux. Pendant ce temps, à l’avant, Vincent s’esclaffait bruyamment et lâchait son fou. Un enfant, un vrai, qui planche sur la revitalisation du mont Saint-Joseph depuis cinq ans. Et qui peut déclarer sans gêne: «Mission accomplie.»

Le défaut de ses qualités
Débouler du mont Saint-Joseph est un charme. Y grimper, un peu moins: aucun sentier de montée ne relie le point culminant de 555 m d’où se déploie le réseau de vélo de montagne. Pour s’y rendre, trois options: emprunter la rue de la Montagne, recourir au service de navette vers le sommet ou prévoir le coup à l’aide de deux bagnoles, l’une qu’on laisse en haut, l’autre à la base de la montagne. montsaintjoseph.com


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Station touristique Pin Rouge
La familiale

© Station touristique Pin Rouge

C’est depuis peu qu’on pratique le vélo de montagne à la station touristique Pin Rouge: deux ans et des poussières! Cela explique la relative modestie de l’actuel réseau du centre de villégiature quatre saisons. Lors de mon passage, l’été dernier, on y trouvait à peu près 8 km de single tracks de même qu’un parcours d’habiletés – on exclut la vingtaine de kilomètres de larges sentiers forestiers utilisés pour le ski de fond l’hiver. Sur la carte, que du vert (facile) et du bleu (intermédiaire), pas de traces de pistes noires. «Pin Rouge se veut très familiale. Les néophytes de la discipline trouveront leur compte», me confirme Lou Landry, alors responsable communications et événements pour le parc régional Petite-Cascapédia.

Quant à moi, je ne boude pas mon plaisir. Le site situé à vingt minutes de voiture de la baie des Chaleurs, en pleine nature gaspésienne, est splendide. Qui plus est, il y a quelque chose de grisant à apprendre par cœur des sentiers pour ensuite s’y pousser au maximum. C’est ce que je fais d’abord avec Les Cèdres, LA vedette incontestée de Pin Rouge en raison de ses virages prévisibles et de ses jolis sauts. Même pas besoin de tourner les pédales, ça y va tout seul. Rebelote sur la Flow qui, comme son nom l’indique, contient une forte dose de casse-toi-pas-le-bécyk-et-laisse-toi-aller. Les quelques autres pistes du réseau sont vraiment sans histoire. Parfaites pour de premiers coups de pédale ou l’initiation de sa progéniture, à l’instar de ce papa qui dévale les pentes, fiston bien calé sur son tube horizontal. Chanceux!

Gare aux chevreuils
La baie des Chaleurs a un problème de surpopulation de cerfs de Virginie: approximativement 85% du cheptel gaspésien s’y trouverait. Cela n’est pas sans conséquence pour les automobilistes. En 2017, on a rapporté dans la région au-delà de 700 collisions impliquant des cerfs. On ne peut s’empêcher d’y penser en roulant sur le chemin de Saint-Edgar en direction de la station touristique Pin Rouge: de chaque côté de la route, à quelques mètres à peine, une forêt luxuriante. Soyez vigilant. pinrouge.com


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L’Igloo
Etre passé et modernité

Le club de vélo Éolien de Matane compte, grosso modo, 150 membres. Pour une ville de 15000 habitants, c’est beaucoup – plusieurs clubs cyclistes plus «urbains» n’en revendiquent pas autant. Il faut dire que les sentiers de l’Igloo donnent le goût de s’y mettre, du moins au vélo de montagne. Le réseau local déploie plus de 40 km de pistes balisées, en grande majorité des single tracks aménagées sur le flanc d’une très modeste butte. Le faible dénivelé de l’endroit (au maximum une centaine de mètres) ne signifie pas pour autant que l’ensemble du réseau est accessible, bien au contraire: la zone Freeride, à haute teneur en pistes difficiles, représente l’enfer pour les morons moteurs en mon genre. «Moi-même, je m’y aventure rarement», m’avoue d’ailleurs Nelson Côté, vice-président du conseil d’administration du club Éolien.

J’ai rendez-vous avec l’homme au fatbike à assistance électrique («ça passe partout!») et six autres membres en vue d’une tournée en règle de l’Igloo. Dès nos premiers tours de roue sur la Chevreuil et l’Orignal, dont vous pouvez sans peine deviner l’origine des noms, on m’explique que le réseau accuse par endroits sa vingtaine d’années au compteur. Certains sentiers aménagés à l’ancienne souffrent aujourd’hui d’avoir été trop empruntés – des racines, en veux-tu en v’là! Heureusement, des investissements récurrents dans les dernières années ont permis la refonte de plusieurs pistes, les rendant plus roulantes. C’est entre autres le cas de la P’tite Bleue, une montée plaisante dans une érablière. Mon coup de cœur va cependant à la U-Bolt, une montagne russe perpendiculaire à un petit ravin. Attention, toutefois, à ne pas trop vous laisser aller… «Nos cas d’ambulance, c’est surtout ici qu’ils arrivent», me confiera Nelson peu après. Gloups.

L’après-vélo
L’Igloo a l’avantage d’être à moins de cinq minutes du centre-ville de Matane… et de sa populaire brasserie artisanale, La Fabrique. On s’y rend pour siroter l’une des quinze bières brassées sur place tout en se délassant sur la terrasse de l’avenue Saint-Jérôme, la main matanaise. Pour d’autres adresses houblonnées à insérer dans ce périple, on se fie au circuit La Route des bières de l’est du Québec. publafabrique.com
Coup d’œil sur les sentiers: clubdeveloeolien.com


À lire aussi : Traité du zen et du vélo de montagne


Chic-Chac
Le bonheur quatre mois par année

@ Chic Chac

À Murdochville, à environ 600 m d’altitude dans les monts Chic-Chocs, l’hiver étend son emprise d’octobre à mai. Ça laisse bien peu de temps pour étrenner les quelque 12 km pistes de vélo de montagne de type enduro du centre de plein air du lac York! Même quand on s’y rend lors de la belle saison, on risque de se buter à des conditions extrêmes. C’est un fait vécu: en cette mi-septembre, la première neige est déjà de l’histoire ancienne dans le secteur, et la forêt a revêtu son manteau automnal.

Voilà qui n’est pas pour déplaire à Yannick Nolet et Audrey Marineau, un couple de Murdochvillois à temps partiel. Depuis quelques années, ces deux junkies de poudreuse possèdent un pied-à-terre dans l’ancienne ville minière afin d’assouvir leur fix de glisse. L’été, ils ont le vélo de montagne pour méthadone. «L’année passée, nous avons sorti nos splitboards sur les pentes du mont du Porphyre un 26 octobre», me lancent-ils alors que nous grimpons dans les sous-bois du mont York. Ces mêmes sous-bois qu’ils dévaleront incessamment grâce aux chenillettes de l’auberge Chic-Chac, qui les conduiront au sommet (pratiquant ainsi un sport qu’on appelle catski).

Guillaume Molaison, fondateur du Chic-Chac, et son équipe aménagent les pentes du domaine skiable à l’usage du vélo de montagne depuis 2017. Ici, pas de sous-traitance: tout est réalisé à l’interne. Résultat jusqu’à maintenant? Cinq boucles bleues ou noires comprenant de beaux défis techniques, des rampes de lancement en vue de défier la gravité, ainsi que des lignes fluides. Bref, de quoi s’amuser pendant des heures et des heures. Et patienter en attendant la saison froide.

Zone reculée
Affirmer que les pistes de vélo de montagne du lac York sont éloignées serait un euphémisme: à part des éoliennes et une bécosse, il n’y a nulle trace de civilisation dans les bois! Même le chemin forestier tape-cul aménagé pour en rallier l’entrée semble ne pas avoir été emprunté depuis des lunes. Quelqu’un a dit «sauvage»? chic-chac.ca


Mont Val-d’Irène
Rudimentaire

Quelle curieuse destination! Val-d’Irène consiste en un patchwork de single tracks modernes, bichonnées à l’aide de machines, et d’autres de type vieille école, bâties au pic et à la pelle. Ajoutez à cela un dédale de chemins forestiers empruntés par les nombreux quatre-roues du coin, de même que des vestiges de pistes de descente laissées à l’abandon, et vous obtenez un terrain de jeu à l’identité, disons, confuse. Y rouler demande à la fois une solide expérience en vélo de montagne – bonjour les passages techniques à souhait! – ainsi qu’une bonne connaissance des alentours, qui ne sont pas balisés. La vue sur la vallée de la Matapédia, du haut du sommet de 685 m, vaut néanmoins la peine… pour autant qu’on s’y rende.


Pour avoir une idée globale des sentiers de la Gaspésie et d’ailleurs au Québec : velo.qc.ca/ sentiers-de-velo-de-montagne-et-fatbike

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