Pratiquer des sports d’hiver. Fatter. Rouler entre quatre murs. Les cyclistes québécois disposent d’une foule d’options pour garder la forme pendant la saison froide. Mais quelle est la meilleure approche ?
Chose certaine, regarder la neige neiger des mois durant est une mauvaise idée. Deux semaines d’inactivité sportive suffisent à réduire de manière significative la consommation maximale d’oxygène (VO2 max), soit LE principal déterminant de la performance à vélo. Par la suite, ce n’est guère plus glorieux ; le déconditionnement physique continue à prendre de l’ampleur. À tel point qu’il est question, au bout de deux mois à peine à se tourner les pouces, de désadaptation à l’effort. Votre forme physique si chèrement acquise n’est plus alors qu’un lointain souvenir. Vous repartez à zéro.
À défaut de cesser l’entraînement, vous pouvez néanmoins le diminuer. Une période d’entraînement allégé durant deux à trois semaines, tant sur le plan du volume que sur celui de l’intensité, a peu d’incidences sur les performances de sportifs en bonne condition physique. Coïncidence : ce laps de temps correspond à celui de la coupure annuelle que chaque cycliste devrait obligatoirement s’accorder à la fin de la saison. Cette phase de transition, pendant laquelle on se consacre à d’autres sports que le vélo, est l’occasion de recharger les batteries et d’ainsi mettre la table en vue de la prochaine saison.
Zwifter, oui, mais…
En temps normal, vous devriez donc entamer l’hiver frais et dispos, prêt à reprendre le collier. Seul problème, et il est de taille, vous habitez au-dessus du 40e parallèle nord, ce qui signifie que vous renouerez au mieux avec la petite reine à la mi-mars – dans le sud du Québec, on s’entend ! À moins, bien sûr, de rouler entre les quatre murs de votre salon. Ou, mieux encore, de souscrire à des services comme Zwift et TrainerRoad afin de pousser cette démarche un cran plus loin. Visiter la salle de vélo virtuel de sa localité est aussi une option.
« Pédaler à l’intérieur à raison de deux ou trois fois par semaine est une excellente idée. Ça permet de garder un coup de pédale véloce et dynamique et d’ainsi repartir de moins loin au printemps », explique John Malois, fondateur et entraîneur-chef de l’Académie cycliste du Québec. Il préconise des séances d’intervalles courts, mais intenses, comme des répétitions de 30 s à 1 min réalisées à plus ou moins 100 % de la puissance aérobie maximale. Pas besoin de s’éreinter longtemps sur son simulateur de route ; de 30 à 45 minutes, échauffement et retour au calme inclus, suffisent pour ces séances.
David Jeker, conseiller en recherche et innovation à l’Institut national du sport du Québec, a une vision encore plus minimaliste. Selon lui, en hiver, les cyclistes gagnent à miser sur une ou deux séances hebdomadaires de cinq à huit courts efforts de 20 à 30 s effectués à très, très haute intensité. Lorsqu’intercalés entre de longues plages de récupération de plusieurs minutes, ces sprints agissent en quelque sorte comme une forme de musculation spécifique au vélo. « On améliore le recrutement des fibres musculaires des membres inférieurs. Chaque tour de pédale est donc plus efficace », souligne-t-il.
À moins d’avoir des velléités de performance très tôt dans la saison cycliste (camp d’entraînement, cyclosportive printanière…), les experts consultés par Vélo Mag suggèrent d’étrenner le home trainer avec circonspection durant la saison froide. « Il vaut mieux arriver au début de la “vraie” saison cycliste légèrement sous-entraîné, mais hautement motivé, plutôt qu’en état de fatigue précoce », pense John Malois. « Les courses et autres rassemblements sur Zwift fatiguent beaucoup et demandent plusieurs jours de récupération. De là l’idée de ne pas en abuser », suggère pour sa part David Jeker.
Jouer dehors
L’essentiel de votre volume d’entraînement devrait plutôt être comblé par des activités de transfert pratiquées à intensité basse ou modérée, comme la raquette, la natation et la course à pied. En plus de changer le mal de place, ces différentes variantes d’entraînement croisé contribuent à la fondation de l’édifice de vos futures performances. « On développe de solides bases aérobies sur lesquelles on pourra ensuite capitaliser. Cela a en outre le mérite de rééquilibrer quelque peu la posture, qui est souvent mise à mal à vélo », assure John Malois.
L’émergence du fatbike dans les dernières années a aussi changé la donne. Grâce à la bécane dodue, il est désormais possible de continuer à accumuler les heures de selle en pleine nature plutôt que dans le confort spartiate de votre sous-sol, cette antre à douleur (pain cave). John Malois, qui supervise la préparation de l’athlète québécoise de vélo de montagne Laurie Arseneault, n’hésite d’ailleurs pas à l’intégrer dans ses prescriptions d’entraînement. « Lorsque les conditions sont bonnes, on peut imiter à la perfection des efforts caractéristiques au vélo de montagne », précise-t-il.
Et lorsque dame Nature ne coopère pas ? Rabattez-vous sur les sentiers de ski de fond qui, ces jours-là, tendent à être roulants à souhait. En effet, dans les heures et les jours suivants une tempête de neige ou lorsque le thermomètre flirte avec le point de congélation, il vaut mieux filer sur deux longues spatules plutôt que de défoncer les pistes sur deux pneus gras – à noter que le contraire est aussi vrai. « Finalement, la véritable question à se poser est : de quoi ai-je envie? Qu’est-ce qui me ferait plaisir ? Il y a de bonnes chances que la réponse soit la clé de la motivation à long terme », conclut David Jeker.