« Tous les vélos ont au moins une roue, m’affirme, rieur, Louis-Robert Frigault. Pourtant, on les connaît bien mal. » Le propriétaire de l’atelier de roues Station 210 a raison : quand on parle vélo, l’attention est le plus souvent portée vers le matériau du cadre, la transmission les freins, voire la selle. Mais combien d’entre nous savons évaluer une paire de roues ?
Louis-Robert Frigault a commencé à s’intéresser aux roues de vélo il y a une dizaine d’années, alors qu’il était bénévole pour l’organisme Santropol Roulant, à Montréal. En plus de dévorer des ouvrages spécialisés sur la construction de roues, il s’occupait d’analyses statistiques en santé publique à la Ville de Montréal. C’est en passant par hasard dans le petit village de Saint-André-d’Argenteuil, près de Lachute, à l’ouest de Montréal, que sa conjointe et lui s’amourachent de l’ancienne caserne de pompiers. Ils y ouvrent un café-magasin moins d’un an plus tard, en 2018, puis l’atelier de roues en 2020.
En connaître un rayon
Ce changement de vie est un éloge à la lenteur, selon le principal concerné, qui met en moyenne deux méticuleuses heures à monter à la main chacun de ses produits personnalisés – un processus qui prévient certains défauts, indique-t-il. « Sur les roues montées à la machine, certains rayons vont tourner en étant vissés, m’explique-t-il. Quand on utilise la roue, ces rayons vont reprendre leur forme originale et finir par se dévisser et devenir mous. Sur des vélos neufs, on peut aussi parfois remarquer au filetage apparent que des rayons trop courts ont été employés, un problème camouflé à l’occasion à l’aide d’écrous plus longs. »
En partant des besoins du cycliste, Louis-Robert Frigault propose une panoplie de solutions, de la largeur des jantes (en fonction des pneus souhaités) au nombre de rayons. « Il y a une différence marginale de poids entre 32 et 36 rayons, me dit-il, mais un grand avantage en solidité. Les manufacturiers, eux, économisent de l’argent en en coupant quelques-uns sur chacune des millions de roues. Par contre, pour le particulier, il n’y a aucun risque – autre que de perdre un peu du look épuré – à choisir quelques rayons supplémentaires. »
Même le diamètre des rayons a une influence. « Les tensions ne sont pas les mêmes des deux côtés d’une jante, poursuit l’artisan. À l’arrière, j’installe souvent de plus gros rayons du côté de la cassette, de façon à équilibrer la tension. À l’avant, c’est le contraire, puisque c’est le disque à gauche qui impose les plus grandes forces. » Une jante asymétrique, dont le centre est décalé de quelques millimètres, crée le même effet.
Un produit personnalisé
Dans son atelier, Louis-Robert Frigault est entouré d’outils ultraspécialisés, dont une impressionnante machine allemande à fileter les rayons, qui se détaille pas moins de 5000 $ ! Celle-ci permet d’adapter parfaitement ses rayons – qu’il achète neutres – à la combinaison jante-moyeu. Récemment, il a également monté quelques roues équipées uniquement de rayons Berd, en ficelles blanches de polyéthylène ; quand ces rayons sont fixés sur des moyeux Onyx, à crochets et complètement silencieux, le résultat donne des fourmis dans les jambes. « Un de mes clients est entraîneur de l’équipe paralympique, s’enorgueillit l’expert. C’est un costaud avec d’énormes cuisses qui cassait constamment ses rayons, tellement qu’il m’en avait demandé cinq de rechange pour chaque côté de ses nouvelles roues. Il n’en a brisé aucun sur les 5000 km qu’il a roulés depuis ! »
Sa clientèle est variée. Ses clients pédalent sur route et en sentier, les soirs de semaine ou durant des années. Ils ont une dynamo, de lourds bagages ou de l’assistance électrique. Dans tous les cas, Louis-Robert Frigault prend le temps de leur conseiller la solution la plus appropriée. Ou simplement de partager sa passion et ses connaissances qui font encore mieux apprécier et connaître la merveilleuse machine qu’est le vélo.
Pour en savoir plus…
Visitez le site de Station 210 ou découvrez le montage d’une roue par Louis-Robert Frigault en vidéo…