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Le désir de se surpasser amène plusieurs cyclistes à perdre de vue l’essentiel. Mais oui : le vélo devrait rimer avec autre chose que la seule performance.
Il y a quelques années, Espoirs Laval traînait une réputation peu flatteuse : celle de club cycliste élitiste. La notion de performance y occupait, semble-t-il, une place centrale, étiquette qui n’est pas étrangère à sa tradition d’excellence. Depuis la fondation du club de vélo sur route et sur piste en 1968, les maillots panachés de rouge, de noir et de blanc cumulent en effet une centaine de titres nationaux. Nombre de pros y ont effectué leurs débuts, comme Dominique Rollin, Joëlle Numainville et plus récemment Robin Plamondon. De quoi envoyer un message fort : ici, pédaler, c’est du sérieux.
Puis Nicolas Masbourian, lui-même un produit des Espoirs Laval, est devenu entraîneur-chef du club. C’était en 2020, peu après que l’ancien coureur de la formation montréalaise Silber Pro Cycling a eu pris sa retraite de la compétition. Dès son arrivée dans ses nouvelles fonctions, sa petite équipe et lui ont entrepris de redonner ses lettres de noblesse à l’aspect plus ludique des sports cyclistes. Ils ont par exemple multiplié les programmes comme Vélosco, qui connaît une popularité exponentielle en milieu scolaire et communautaire depuis son lancement en 2022.
« Notre objectif est de répondre aux besoins des participants, et ce, peu importe leur profil, explique celui qui est désormais directeur général des Espoirs Laval. Nous ne cessons de marteler ce message, au point que cela a eu pour effet de changer la culture au sein du club. Nous nous sommes même fait dire que nous étions “trop récréatifs”. » Cette approche est centrée sur l’individu et repose sur l’idée de considérer ce dernier comme un être complet et, surtout, complexe. Car le développement dans le sport n’est pas que physique, technique, tactique, bref, athlétique, il est aussi social et personnel.
Comme le club Espoirs Laval est principalement composé de jeunes cyclistes, chaque activité ou presque est aujourd’hui placée sous le sceau du plaisir et de la satisfaction immédiate. Et pour cause : cette clientèle est incapable de se projeter dans l’avenir comme le font si bien les adultes. « Les jeunes vivent dans le moment présent, confirme le diplômé du baccalauréat en intervention sportive de l’Université Laval. Leur parler de projets qui se concrétiseront dans trois ans est vain ; pour certains, cela représente le tiers de leur vie passée ! »
L’air de rien, nombre de grands cyclistes gagneraient à s’inspirer de cette philosophie. Dans leur quête pour infléchir leur courbe de puissance, grimper les plus hauts cols des Alpes ou terminer de prestigieuses épreuves cyclosportives, ils oublient que le vélo est avant tout un « jeu d’enfant qui dure longtemps », résume avec justesse Éric Fottorino dans son Petit éloge de la bicyclette. « S’améliorer sans vouloir nécessairement devenir un athlète de niveau élite est tout à fait possible, rappelle Nicolas Masbourian. Les sports cyclistes sont une dimension de la vie, pas LA vie. »
3 pistes de réflexion
1. Jamais trop tard pour s’y (re)mettre
À une certaine époque, n’intégrait pas qui voulait les rangs des Espoirs Quilicot, l’équipe qui regroupe les athlètes juniors et U23 du club cycliste Espoirs Laval. Il fallait avoir acquis un certain bagage cycliste, sous peine de se faire fermer la porte au nez. Plus maintenant. « Nous acceptons désormais tous les jeunes de 18 ans et plus, ce qui a quintuplé nos effectifs dans ce volet », raconte avec fierté Nicolas Masbourian. Après tout, le cyclisme ne nécessite-t-il pas l’apprentissage d’habiletés très complexes avant l’atteinte de la pleine maturité ? « Plusieurs compétences développées dans le cadre d’autres sports s’y transfèrent fort bien, dans la mesure où on favorise ce passage. » Cela signifie par exemple d’insister sur les bases : en matière de position dans un peloton, d’alimentation lors de l’effort, etc. Le reste se mettra naturellement en place.
2. Marier les différentes considérations
Il y a plusieurs bonnes raisons de rouler : pour s’entraîner, pour s’oxygéner, pour socialiser, pour voyager… Ces divers motifs constituent autant de thématiques sur lesquelles caler ses séances au courant d’une semaine, d’une saison, d’une carrière de cycliste, d’autant plus qu’ils se combinent avantageusement : on peut ainsi aligner les répétitions d’effort à haute intensité un jour donné, tourner les jambes mollo en papotant le lendemain, puis prendre la clé des champs avec ses sacoches le surlendemain. Le but : faciliter l’intégration de l’activité aux maintes sphères de la vie plutôt que d’adapter sa vie à l’activité. Les différents volets du club cycliste Espoirs Laval s’inscrivent d’ailleurs dans cette logique. « Dès qu’on se met au vélo, on devrait tendre à l’équilibre », conseille l’entraîneur. La définition du concept d’équilibre est bien sûr propre à chacun.
3. Se donner le luxe du temps
De la proposition précédente découle ce lieu commun : le vélo, c’est à tous les âges ! Dans ce cas, pourquoi souhaiter en explorer toutes les facettes en quelques années alors qu’on dispose d’une existence complète pour y parvenir ? « Il n’y a pas d’urgence ! Délaisser le sport à certains moments de la vie pour mieux y revenir plus tard est possible et même parfois souhaitable », fait valoir Nicolas Masbourian. Les pelotons dans les catégories de maîtres – 35 ans et plus – sont, à titre d’exemple, remplis de marchands de watts qui, au quotidien, jonglent avec le métro-boulot-dodo. « Ces athlètes ont intériorisé que la compétition est un jeu auquel on peut se prêter n’importe quand. À mes yeux, ce sont des exemples de dépassement de soi dont on devrait tous s’inspirer. » L’Association des cyclistes vétérans du Québec promeut les intérêts de ces cyclistes exemplaires.