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Le blogue de David Desjardins

Retour sur une étrange saison

19-03-2021

Photo: @ASO

Les Britanniques qui éditent l’almanach cycliste The Road Book voulaient créer une nouvelle tradition avec leur publication annuelle. La pandémie a failli faire dérailler leur plan, menaçant la saison cycliste ainsi que, du même coup, la publication de la troisième édition du livre. Entrevue avec le fondateur du projet Ned Boulting, à propos d’une année folle, folle, folle, de ses doutes, mais aussi de ses moments de ravissement.

The Road Book est un pur bijou. Lorsque je le reçois, je m’assois pendant un moment avec l’objet en main, je le feuillette. Je ne lis d’abord rien. Je m’immerge dans l’apaisante sobriété de la mise en page. Je m’émerveille des choix typographiques, des idéogrammes.

Puis je me mets à le feuilleter pour revivre des étapes du Tour, du Giro, d’une classique. Je lis le résumé, mes yeux courent sur les détails météorologiques.

Finalement, je m’attèle à la lecture des textes plus longs. Ils sont plus éloquents que jamais cette année. Résonnent à travers eux la détresse du peloton en même temps que la nôtre, devant la réclusion forcée et l’inconnu. Mais l’ouvrage est aussi traversé des mouvements sociaux qui ont ébranlé la planète, comme le mouvement Black Lives Matter.

Pour tout vous avouer, je n’ai pas terminé sa lecture. Après les textes signés par Wout Van Aert et Anna van der Breggen, je me suis arrêté. Je suis allé lire celui, troublant, de Nic Damlini. Puis celui de Max Leonard, mais je me suis arrêté là pour le moment.

Je passe l’année à savourer mon Road Book qui est une version chaleureuse et délicieusement archaïque de Pro Cycling Stats. Le second est idéal dans le feu du moment, pendant une course, une conversation ou l’enregistrement d’un podcast, afin de valider une information (les auditeurs de Radio Bidon, que je coanime, ont d’ailleurs droit à un rabais de 25% sur le Road Book en cliquant ici). Le premier est une douce plongée dans les eaux tièdes de la tradition écrite. Comme dans une course de vélo, le temps s’y dévide lentement. La prose des auteurs invités comme le mouvement souple de la jambe d’un pédaleur de charme.

Mais cette année, comme l’explique Ned Boulting, ce beau et gracieux élan a bien failli être stoppé net.

Bonjour Ned. Dites-moi, avez-vous craint, à un certain moment durant l’année dernière, que la saison de courses serait trop écourtée pour pouvoir en tirer un troisième Road Book?

Oui, certainement. J’étais commentateur à la télé britannique durant Paris-Nice, au moment où la course a été interrompue et le monde s’est mis en veille. Lorsque je songe à cette époque, ça paraissait plutôt improbable que se tiennent trois grands tours ainsi que plusieurs courses à étape comme en Pologne et le BinckBank Tour. Même lorsque les coureurs se sont élancés sur la Vuelta, je ne croyais pas qu’ils atteindraient Madrid, dans les ombres qui s’allongeaient au mois de novembre. Ce qui a été le plus décevant, ça a été de constater la vulnérabilité du programme de courses féminin. Une autre leçon de la pandémie. Celle-ci, sur les inégalités qui perdurent dans le cyclisme sur route.

Plus que jamais, les contenus de ce livre dépassent le simple amas de statistiques. L’année a été riches en événements majeurs qui sont venus teinter l’angle éditorial de votre ouvrage. Comment et pourquoi avoir fait ces choix?

La course cycliste n’évolue pas en vase clos. En fait, plus que tout autre sport, il se déroule au milieu du monde véritable : dans des villes, sur de véritables routes, de vrai passages à niveau avec des autobus bien réels qui se plantent dans les arches gonflables d’une arrivée de course. Donc à mon avis, il n’y a pas de ligne qui sépare ce qui se passe dans la course et en dehors. La pandémie a de toute manière affecté tous les coureurs, qu’il aient contracté la Covid ou que leur horaire de course ait été affecté par celle-ci, les obligeant à modifier leur entraînement en conséquence, tout cela dans un sentiment généralisé de chaos et d’incertitude. J’ai recruté des auteurs de plusieurs milieux différents pour écrire sur le sujet et ses différents aspects. Ashleigh Moolman-Pasio aborde son passage à l’entraînement virtuel. Laura Weislo s’est penchée sur la solitude de l’entraînement en période de restrictions covidiennes. L’écrivain néerlandais Bert Wagendorp a écrit sur notre sentiment de perte en tant que spectateurs et fans. Max Leonard, lui, est revenu sur les autres événements historiques qui avaient forcé des annulations massives de courses.

Quant au racisme, et plus spécifiquement au mouvement Black Lives Matter, je ne pouvais pas savoir quel sorte de mouvement allait balayer les États-Unis et la planète. Mais l’histoire de Nic Dlamini, le seul cycliste sud-africain noir du World Tour, qui a été agressé sauvagement par un gardien de parc -événement qu’il relate pour nous dans le détail dans le livre- est un exemple flagrant des inégalités odieuses auxquelles sont confrontés les différents racial groups de par le monde. Comme la Covid, le racisme affecte aussi les coureurs cyclistes.

Obtenez 25% de rabais sur le RoadBook en cliquant ici et en employant le code 20BIDON lors de l’achat.

Quoi qu’il en soit, nous avons eu droit à une année de compétition formidable. Si on omet la finale dramatique du Tour de France, qui est évidemment inévitable, quels ont été les moments forts de cette saison d’un point de vue sportif?

C’était vraiment ahurissant comme saison, c’est vrai. Alors évidemment, je ne peux pas choisir qu’un seul événement. La seconde victoire consécutive de Annemiek van Vleuten sur Strade Bianche était tout simplement extraordinaire. Que Lizzie Deignan soit parvenue à tenir tête à sa rivale Marianne Vos à La Course était aussi fabuleux. Chaque fois que Julian Alaphilippe est monté sur un vélo, on savait qu’un événement se produirait -dont l’obtention du maillot arc-en-ciel sur le parcours des mondiaux à Imola. Mais au rayon de la pure bravoure, le duel Wout Van Aert et Mathieu van der Poel sur le Tour des Flandres est impossible à battre. Oh, et est-ce que j’ai mentionné aussi que Jai Hindley et Tao Geoghegan Hart ont débuté la dernière étape du Giro avec le même temps au compteur, très exactement?

Quelles leçons le cyclisme professionnel peut-il tirer des événements de l’année dernière? Par exemple, les modifications au calendrier se sont-elles avérées positives et ont-elles montré que l’on pourrait aisément modifier l’ordre des courses? Comment ce passé récent peut-il éclairer des changements futurs?

C’est une très bonne question. Je suis un traditionaliste. Je sais que les courses bougent dans le calendrier au fil du temps et que rien de devrait être fixé de manière définitive. Mais j’adore le déroulement normal des choses. Les courses dans le désert, Milan Sanremo, les classiques sur pavés, les Ardennes, le Giro, le Dauphiné, le Tour, la Vuelta, les mondiaux… Je veux de la normalité!

Mais il y a quand même deux choses qui m’ont marqué et que je changerais peut-être. D’abord, il m’a paru que Strade Bianche était encore plus exigeante dans la chaleur du mois d’août. Enfin, j’espérais que la Vulta abandonnerait son étape finale de Madrid et elle l’a fait pour 2021. Ce n’est tout simplement pas une course pour les sprinters et la qualité du spectacle de l’étape finale est donc rarement à la hauteur de ce que nous sommes en droit d’attendre.

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