Le tour du Québec se poursuit avec un parcours parfait pour la famille, cette fois en Mauricie, une captivante région trop souvent négligée, et située entre les deux plus grandes villes de la province.
Surnommée la belle d’à côté », la région touristique de la Mauricie s’étend du fleuve Saint-Laurent jusqu’à bien haut au nord-ouest, au-delà du gigantesque réservoir Gouin. Entre ces deux masses d’eau s’écoule l’historique rivière Saint-Maurice, sur les berges de laquelle furent établies les forges du même nom, la première industrie au Canada.
Ma propre belle et moi constaterons rapidement que chaque rue contient une histoire fascinante, et que deux jours ne seront pas trop pour réaliser le modeste aller- retour entre Shawinigan et Trois-Rivières. Par la rive est du Saint-Maurice, nous parcourrons doucement moins d’une quarantaine de kilomètres en direction de Trois-Rivières avant de revenir à Shawinigan par l’autre bord sur quelque 45 km.
Des maisons et des forêts
Traversant quelques quartiers résidentiels, nous cheminons parallèlement à la route 157 puis bifurquons sur la route des Vétérans où, à l’intersection du rang Saint-Flavien Ouest, à Notre-Dame-du-Mont-Carmel, nous attend une jolie halte cycliste dotée d’outils, d’un point d’eau et de tables à pique-nique.
La surprenante piste cyclable municipale (appelée ici la section Saint-Félix) commence au bout de la rue des Dahlias. En quelques tours de roue, nous sommes transportés d’un paysage à un autre, d’abord sur une tranquille ligne droite en gravelle séparant terres agricoles et boisés, puis rapidement sur un magnifique sentier serpentant dans une douce lumière. Les feuillus s’y mélangent aux conifères jusqu’en bord de piste, et le sous-bois est formé de hautes fougères surplombant de minuscules fleurs jaunes ou blanches.
À mi-chemin, nous passons le camping La Rochelle, où se dressent moult jeux d’eau. Vis-à-vis, de l’autre côté de la rivière Saint-Maurice, nous verrons le même type d’hébergement lors de notre retour le lendemain. Ainsi, si l’aller-retour s’effectue possiblement en une journée, on peut également le diviser en quatre courtes portions qui plairont aux plus jeunes à l’occasion d’une première expérience de cyclotourisme. La section forestière, majoritairement bitumée et plane, nous enchante jusqu’à Saint-Louis-de-France. La plupart des cyclistes nous saluent gentiment.
Nous apercevons les parcs de la Terre des Loisirs et Masse, près desquels se stationnent beaucoup de cyclistes avant d’accéder à la piste. De notre côté, nous rejoignons le boulevard des Estacades en zigzaguant dans quelques rues résidentielles puis longeons la rivière. Quelques îles fichées dans le confluent avec le Saint-Laurent donnent l’impression que le Saint-Maurice se scinde en… trois rivières.
Contes trifluviens
Je l’avoue, je connaissais mal Trois-Rivières. Il faut croire que depuis 1634, j’ai manqué d’occasions de la visiter. Nous avons cependant la chance d’y rencontrer l’inimitable conteur Marc-André Fortin en vue d’un cours de rattrapage.
Le conte en question débute à la vieille prison de Trois-Rivières, qui fut en service de 1822 à 1986. Une première plainte pour cause d’insalubrité sera déposée dès 1823, apprenons-nous ; c’est cette cause qui aura raison de l’établissement… 163 ans plus tard. Marc-André Fortin attire notre attention sur la corde sculptée dans le roc au-dessus de la porte principale, signe que l’édifice était également lieu de pendaison : « Ces supplices étaient si populaires que les propriétaires des maisons avoisinantes louaient leur toit au large public qui se déplaçait pour venir y assister. »
À l’église anglicane St. James, rue des Ursulines, notre guide nous plonge dans le récit de la vie de Noël Plaçoa, un Amérindien injustement condamné pour meurtre et pendu ici même autour de 1790. Criant son innocence, il aurait jeté une malédiction sur le mur auquel était fixée la potence. La nuit suivante, le mur s’effondra… une première fois. Malgré des réparations répétées, des craquelures seront constamment visibles au fil des siècles. « En vingt ans à Trois-Rivières, jamais je n’ai vu ce mur sans fissure », nous lancera le conteur, tragique.
Nos roues nous mènent devant le plus vieux bâtiment de la cité, l’immaculé manoir Boucher-De Niverville, datant de 1668 et maintenant hôte d’une exposition sur la vie bourgeoise en Nouvelle-France, puis en face de l’ancienne résidence de Maurice Duplessis, aujourd’hui une étude de notaires.
Épopée imagée
Le lendemain, nous filons vers la rivière, jetant rapidement un œil sur la longue fresque de Trois-Rivières : douze tableaux historiques représentant en 760 m2 l’histoire de la ville. Les chapitres imagés vont de la drave (qui a perduré ici jusqu’en 1996 !) aux grandes batailles en passant par les diverses activités économiques régionales.
La Route verte 4, une piste cyclable plantée de hauts arbres, nous conduit au lieu historique national des célèbres Forges-du-Saint-Maurice, ouvertes dès 1730 et en exploitation pendant 150 ans. L’intéressante visite de ce site de Parcs Canada porte sur cette industrie ainsi que sur le quotidien de l’époque. Sur les berges de la rivière, nous repérons la fontaine du diable, une émanation sulfureuse sortant de terre et faisant bouillonner l’eau qui s’enflamme au contact d’une allumette. La légende (de même que l’animateur de l’endroit) raconte que c’est le passage de la main du diable après l’un de ses nombreux pactes qui aurait créé ce remous permanent.
Le retour
Déjà, nous retournons vers Shawinigan, par les municipalités de Saint-Étienne-des-Grès et Saint-Boniface. Nous faisons le détour dans le but d’apercevoir la centrale hydroélectrique de La Gabelle, qui date de 1924 et a appartenu à la Shawinigan Water and Power Company, une pionnière de l’électricité au Québec. Il est ici possible de raccourcir un brin le parcours en franchissant le barrage.
C’est par la baie de Shawinigan que nous regagnons notre point de départ. La route est achalandée, quoique la splendide vue sur l’eau compense le bruit de la circulation. En deux agréables journées de balade, je demeure avec l’impression que nous n’avons qu’effleuré une minime partie du territoire et du riche passé mauricien. Juste assez pour vouloir revenir explorer les vastes espaces de la belle d’à côté.
REPÈRES
Durée : 2 jours
routeverte.com
MES BONNES ADRESSES
• Lieu historique national des Forges-du-Saint-Maurice : 10 000, boulevard des Forges, Trois-Rivières.
Les Forges se visitent en quelques heures.
• Vieille prison de Trois-Rivières : 200, rue Laviolette, Trois-Rivières. Plusieurs activités y sont offertes, y compris la visite guidée par un ex-détenu et la possibilité d’y dormir une nuit.
• Parc Victoria, 1980, rue Royale, Trois-Rivières.Cherchez-y un arbre transformé en bibliothèque, oeuvre d’art de Sylvain Michaud.
• Fresque de Trois-Rivières :côte Plouffe.
Réalisée à l’occasion du 375e anniversaire de la ville, en 2009, cette peinture murale historique constituée de douze remarquables tableaux est la plus imposante du Québec.
• Microbrasserie Le Trou du Diable : 1250, avenue de la Station, Shawinigan. Véritable institution de l’endroit, la brasserie artisanale riveraine accumule prix et récompenses depuis son ouverture en 2005.
• Parc national de la Mauricie : entrées par le secteur Saint-Jean-des-Piles de Shawinigan et par Saint-Mathieu-du-Parc. Tant qu’à être en Mauricie, aussi bien visiter le grand parc national canadien hôte du Défi du Parc. Vous y trouverez nombre de sentiers pédestres et de lacs, de même que la soyeuse route Promenade reliant une entrée à l’autre.