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Le blogue de David Desjardins

Strava : tout seul, ensemble

20-05-2020

Photo: Strava

Strava change son modèle d’affaires et se tourne entièrement vers l’abonnement pour procurer ses services les plus prisés. Voyons comment le réseau social pour sportifs a changé nos vies.

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Le 18 mai dernier, les dirigeants de Strava ont annoncé que plusieurs fonctions de l’application, jusque là gratuites, ne seraient désormais accessibles qu’aux abonnés payants.

Que celles et ceux qui mettent leur feu à leur ordinateur de bord et hurlent au complot en arguant qu’on les a bien ferrés pour ensuite les faire payer se calment un peu. Cela fait une décennie que l’entreprise californienne vous fournit gratuitement ce réseau social. Dix ans sans payer pour savoir si on a fait son meilleur chrono sur un segment ; c’est d’ailleurs un des services populaires qui sera désormais payant. Ça, et le « route builder » qui permet de construire des itinéraires. (Seront cependant aussi incluses toutes les fonctions d’entraînement qui figuraient sous l’appellation Summit, pour 5$ US par mois).

Enfin, oui, c’est vrai : Facebook, Twitter et Instagram, c’est gratuit. Sauf que si vous ne payez pas, c’est généralement vous que l’on vend. Vos données, s’entend.

Mais par-delà la nouvelle, c’est la manière dont Strava a changé notre manière de rouler qui m’intéresse. Notre manière d’exister comme sportifs, comme athlètes.

Sans quitter totalement la plateforme, j’ai cessé de suivre d’autres sportifs et rendu mon profil privé il y a quelques années. J’avais, avec Strava, le même problème qu’avec les autres réseaux sociaux : ils m’empêchent de vivre au présent. Ce n’est sans doute pas le cas de tout le monde. Mais moi, oui. Et ça me pourrissait l’existence.

À presque toutes mes sorties, je me sentais en représentation. Je passais un temps fou, dans ma tête, à imaginer un nom d’intitulé pour cette entrée de données dans le réseau. Comme j’ai longtemps vécu mon quotidien -lectures, analyse de l’actualité, banalités de la vie, appréciation de films, etc- en imaginant comment j’allais le commenter sur Facebook ou Twitter. Ce que j’ai aussi cessé de faire, presque entièrement, parce que cela me rendait malheureux.

Sur Strava, toujours, je me demandais comment serait perçu le kilométrage pharaonique que je m’imposais, j’allais parfois plus vite que prévu lors de sorties de récup parce que je me savais épié. C’était plus fort que moi. Alors j’ai voulu que ça cesse.

Émulation, motivation: Strava a du bon

Par ailleurs, pour plusieurs, ce qui constitue chez moi une inutile -voire nuisible- vitrine est une source de motivation irremplaçable. On y récolte les encouragements, on y voit ce que font nos amis. Dans une société qui était déjà propice à la solitude et au confinement, et ce, bien avant la pandémie, cette mise en commun des activités, dans un groupe qui partage des intérêts, est l’essence même de ce que devrait être un réseaux social.

Strava, c’est sa gang de sport, choisie pour cet intérêt là, uniquement. Pas de politique, de conspiration ou de débats débiles. C’est aussi un accès aux professionnels : leurs temps, leurs parcours. Je ne compte plus les sorties, en voyage, repiquées à des pros en consultant les meilleurs temps de segments du cru, puis les sorties qui y sont attachées, pour se construire de belles boucles dont on sait d’avance le kilométrage, le dénivelé (et que Garmin permet même, depuis tout récemment, d’importer directement dans ses outils de navigation).

L’appli nous a aussi permis de prendre la mesure des autres sans y être. Ce n’est pas rien. Je peux monter le Tourmalet et savoir combien de temps il a fallu à Thibault Pinot pour faire pareil lors du dernier Tour, ce qui confine à l’humilité. Idem pour les amis, les connaissances.

Strava est ainsi devenu une machine à défis. Contre les autres et soi-même. C’est devenu une source de données, aussi, utile pour les planifcateurs urbains qui cherchent à savoir par où les cyclistes passent le plus fréquemment. Un outil pour construire ses sorties. Un lieu où discuter, les clubs permettant en plus de fédérer des utilisateurs sous une bannière commune et de partager de l’information entre eux, de se mettre à l’épreuve.

Pour tant de gens qui, comme moi, roulent le plus souvent seuls, mais qui n’ont personne qui s’intéresse à ce qu’ils font sur le vélo à la maison, Strava est une possibilité de socialisation sans précédent, absolument providentielle si on souffre de l’ultramoderne solitude.

Et même s’il s’agit d’un amplificateur d’ego comme le sont tous les outils du genre, Strava est aussi, j’en suis convaincu, un vecteur favorable au développement de saines habitudes, d’une pratique sportive soutenue et d’un mode de vie sain. Que ce soit pour les bonnes ou les mauvaises raisons.

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